On a souvent reproché au secteur de l'eau de manquer de concurrence, et de se limiter au duopole de Veolia Eau et Lyonnaise des eaux. Mais les temps ont changé, et depuis un an environ, la concurrence fait rage. Plusieurs facteurs expliquent ce changement : la montée en puissance de Saur, la fin des filiales communes à Veolia Eau et Lyonnaise des eaux, l'arrivée de nouveaux acteurs issus de l'eau (Gelsenwasser-Nantaise des eaux) ou même des déchets (Derichebourg, allié au traiteur d'eau allemand Remondis), le dynamisme des PME (Ternois, etc.). De plus, l'hypothèse d'un retour en régie publique est souvent envisagée - même s'il se concrétise rarement (lire p. 10) -, poussant les entreprises privées à formuler des offres compétitives. Les collectivités sont également plus exigeantes lors des appels d'offres, des renouvellements de contrat ou des renégociations quinquennales. Elles ont su renforcer leurs compétences internes et s'appuyer sur des sociétés de conseil et d'audit.
On ne peut que se réjouir de cette concurrence, qui permet de se rapprocher d'un « juste prix ». Mais les baisses successives constatées dans certains cas conduisent une partie de la profession à se demander si l'on n'est pas passé « de prix anormalement élevés à des prix dangereusement bas ». Certes, nous sommes rentrés dans une nouvelle ère, avec des marges plus réduites pour les délégataires. Ces derniers l'ont d'ailleurs bien compris : ils ont engagé des réorganisations et cherchent à réduire leurs coûts de structures et à développer des outils pour améliorer leur productivité opérationnelle. Mais la signature de contrats à prix cassés fait planer le doute d'une dégradation de la qualité du service et des installations, ou de la négociation d'avenants.
Cette guerre des prix ne pourra pas durer longtemps. Un an tout au plus, de l'avis de la profession, qui pourrait être ainsi fragilisée. À commencer par les plus petites entreprises, qui jouent parfois le rôle de lièvre et ont du mal à aligner leurs prix et à remporter les marchés (lire p. 12). Les collectivités n'y seraient pas gagnantes puisque la disparition de ces acteurs ferait revenir à une absence de concurrence.
Dans ce contexte, le cadre de l'attribution d'un contrat pourrait bientôt être précisé, notamment par rapport aux critères de choix, afin d'éviter que des facteurs extérieurs au service de l'eau ou de l'assainissement soient pris en compte (lire p. 8). Par ailleurs, on ne peut qu'inviter les élus à ne pas trop favoriser le critère du prix, en dépit de l'écho que cette annonce peut avoir auprès des usagers et électeurs. Car il faudra aussi être capable de financer la protection de la ressource et l'évolution de réglementation.