Toucher les agriculteurs pour qu’ils consentent à diminuer leurs apports en pesticides et en engrais – tel est l’objectif principal que devraient aujourd’hui se fixer les agences de l’eau, selon la Cour des Comptes. Dans son rapport, consacré à l’action des agences de l’eau et de la police de l’eau, la Cour se concentre en effet sur l’impératif d’atteinte des objectifs de la directive-cadre sur l’eau (DCE) d’ici 2015, qu’elle identifie comme le principal but des agences. Elle note à cet égard que les agences, d’un côté ne consacrent pas assez de moyens à la lutte contre cette pollution diffuse, et ont une politique de redevances pas assez incitative ; et de l’autre ne son pas assez innovantes pour aborder cet enjeu.
Pollutions diffusesSur le premier point, Alexis Rouque, conseiller référendaire à la Cour des Comptes, rappelle que « l’on est encore très proche du modèle historique de financement massif par les agences de l’eau des investissements pour l’assainissement et l’eau potable, y compris dans la loi de finances 2010 » et invite à « augmenter la part relative accordée aux pollutions diffuses agricoles et à la restauration des milieux aquatiques ». Par ailleurs, la Cour signale que les comportements vertueux des agriculteurs ne sont pas assez récompensés, alors que ceux qui polluent ne sont pas assez taxés.
Responsabilité de l'Etat...Concernant les redevances, divers participants au débat se sont élevés pour signaler la faible marge de manœuvre des agences de l’eau. « Tout ce que les agences de l’eau ne peuvent pas faire sur l’agriculture vient du fait qu’elles ont été bridées par l’Etat », estime Bernard Barraqué, directeur de recherches au CNRS. La contradiction entre la politique environnementale et la politique agricole a été montrée du doigt par de nombreux intervenants, qui se sont trouvés sur ce point d’accord avec le président de la 7ème chambre de la Cour des Comptes, Christian Descheemaeker : « à toutes les interrogations sur un changement de politique agricole pour prendre en compte les critères environnementaux, le ministère de l’Agriculture répond en disant « attendons la réforme de la politique agricole commune (PAC) en 2013 ». Or il faut agir avant… ».
... du législateur et des élusLes intervenants ont aussi rappelé la responsabilité des législateurs sur ce sujet : ainsi, la Loi sur l’eau de 2006 « a comme oublié la taxation de l’azote minéral », selon les mots de Bernard Rousseau, référent Eau de l’association France nature environnement.
Dans un autre dossier, celui de la directive Eaux résiduaires urbaines (ERU) qui nécessitait la mise aux normes des stations d’épuration, ils ont aussi souligné le rôle des élus politiques locaux : « on a retardé les investissements nécessaires au niveau du politique pour ne pas augmenter le prix de l’eau avant les élections », regrette Bernard Barraqué.
Financements à 100%Sur le second point, celui de la créativité des agences de l’eau pour lutter contre les pollutions diffuses, Alexis Rouque appelle à « inventer un accompagnement méthodologique pour susciter la vocation de maître d’œuvre ou d’ingénierie », et il s’interroge : « pourquoi rester dans un mode de financement limité à 30 ou 40%, quand on attendrait 80 ou 100% pour les objectifs prioritaires, par exemple sur une masse d’eau sensible ou pour un polluant particulier ? » Si des idées innovantes surgissent çà et là, il n’y a selon lui pas encore de changement profond de politique malgré « l’urgence de la rupture ».C.K.Le site du Cercle français de l'eauLe rapport de la Cour des ComptesLa présentation des membres de la Cour des Comptes lors du débat au CFE