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Fallait-il retenir les trois projets ?

LA RÉDACTION, LE 1er MAI 2010
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C'est finalement le 12 mai que le sort des candidats à la labellisation de pôles de compétitivité sur l'eau a été tranché. Après de longs mois qui auront exacerbé la concurrence entre les trois projets de pôles, le gouvernement a finalement retenu les trois candidatures encore en lice, en attribuant au projet Languedoc-Roussillon/Paca/Midi-Pyrénées un label de « pôle de compétitivité à vocation mondiale » et la prise en charge de la coordination des trois pôles. S'il s'agit là d'un dénouement heureux pour les trois équipes porteuses de projets, on peut néanmoins se poser la question de la pertinence de cette structure interpoles et du choix de cet outil « pôle de compétitivité » pour fédérer les acteurs français de l'eau. Retour en 2004, année où le gouvernement français décide d'initier une nouvelle politique industrielle visant à mobiliser les facteurs clés de la compétitivité. L'idée maîtresse était de rapprocher les acteurs d'un même territoire pour constituer une source d'innovation, un levier d'attractivité offrant une visibilité internationale et un frein aux délocalisations, selon le principe que la présence de compétences et de partenaires utiles lie la compétitivité des entreprises à leur ancrage territorial. Le gouvernement a donc promu le concept de pôles de compétitivité : sur un territoire donné, l'association d'entreprises leaders et de PME, de centres de recherche et d'organismes de formation, engagés dans une démarche partenariale (stratégie commune de développement), destinée à dégager des synergies autour de projets innovants conduits en commun en direction d'un marché donné. Chaque mot est important dans cette définition, et l'on peut ainsi décliner les quatre éléments principaux qui sont la clé d'un pôle : la mise en oeuvre d'une stratégie commune de développement économique cohérente avec la stratégie globale du territoire, des partenariats approfondis entre acteurs autour de projets, la concentration sur des technologies destinées à des marchés à haut potentiel de croissance, une masse critique suffisante pour acquérir et développer une visibilité internationale. La première vague de labellisation de pôles de compétitivité, lancée en 2005, a abouti à la création de 71 pôles. L'obtention du label présente trois avantages particulièrement attractifs : une reconnaissance nationale donnant accès à une visibilité internationale, l'assurance d'avoir des financements pour les projets de recherche et développement grâce aux aides de l'État (enveloppe de 1,5 milliard d'euros pour la période 2009-2011, répartie en soutien à l'animation et soutien aux projets par le fonds unique interministériel, Oséo, l'Agence nationale de la recherche et la Caisse des dépôts et consignations) ainsi qu'un avantage certain pour décrocher d'autres financements, et enfin des exonérations fiscales pour les entreprises impliquées dans un projet de R et D financé par les pouvoirs publics. Le dispositif a donc suscité beaucoup de convoitises. LES PÔLES 2.0 OUVRENT LA VOIE À L'INNOVATION Après une évaluation de la première phase de cette politique, l'État a décidé de lancer une deuxième phase, les pôles 2.0, pour la période 2009-2011. Cette phase inclut un renforcement de l'animation et du pilotage stratégique avec la création de « contrats de performance » (une sorte de feuille de route qui responsabilise davantage les pôles), de nouvelles modalités de financement (notamment pour des « plates-formes d'innovation » collaboratives avec des appels à projets spécifiques) et le développement d'un « écosystème d'innovation et de croissance » (voir schéma p. 25) associant mieux les financements privés et recherchant de meilleures synergies territoriales. L'évaluation a montré que 58 pôles sur 71 avaient rempli leurs objectifs (39 totalement, 19 partiellement), ceux-ci sont reconduits pour une période de trois ans, et doivent signer les nouveaux contrats de performance. Sur les 13 pôles dont l'avenir semblait incertain, six ont perdu leur label le 12 mai. Le même jour ont donc été annoncés les trois nouveaux pôles sur l'eau ainsi que trois autres pôles sur les lieux de vie à consommation énergie positive (Energivie, Alsace), la valorisation des déchets (Team 2, Nord-Pas-de-Calais) et les technologies liées au sous-sol (Avenia, Aquitaine). « Nous ne procéderons à aucune nouvelle labellisation dans les trois ans à venir, à une exception près : dans le domaine des écotechnologies, dans lequel il n'y a pas encore de pôle de compétitivité », avait en effet indiqué François Fillon, en septembre 2008. « Lors de la première vague, le champ d'action des pôles de compétitivité était délimité sur un territoire très restreint, et sur un sujet tout aussi restreint », analyse Patrick Faisques, responsable des relations institutionnelles Recherche de Veolia Environnement, qui participe à deux des projets de pôles sur l'eau actuellement en compétition pour obtenir le label. « De ce fait, l'appel à projets du gouvernement était très fermé à l'époque, c'est peut-être l'un des facteurs expliquant qu'il n'y ait eu aucune candidature sur les métiers de l'environnement (déchets, etc.), et notamment dans le domaine de l'eau. Et puis il y a eu aussi un problème de timing. Le montage d'un projet de ce type et d'un dossier de candidature solide est un processus long et compliqué : il faut prendre l'habitude de travailler ensemble, et c'est quelque chose qui ne se décrète pas. » UN NOUVEAU ROUND POUR DES PÔLES « ÉCOTECH » Le gouvernement a donc rouvert un créneau de dépôts de candidatures en 2009, afin de sélectionner un nombre restreint de nouveaux pôles liés aux écotechnologies. Le cahier des charges était le même que celui défini en 2004 pour la première vague, mais il fallait évidemment prendre en compte les conclusions de l'évaluation des pôles existants, pour maximiser ses chances d'être retenu. À la date de clôture de l'appel à projets de cette deuxième vague, le 2 octobre 2009, une soixantaine de dossiers de candidature auraient été déposés. Le processus de sélection inclut une première analyse à l'échelon régional conduite sous l'autorité des préfets de région, puis une expertise du groupe de travail interministériel réunissant l'ensemble des ministères concernés (Écologie, Industrie, Recherche, principalement). Rapidement, un premier écrémage a eu lieu conduisant à ne retenir sur la table que 18 dossiers de candidature acceptables, sur lesquels on comptait six projets concernant des pôles de compétitivité sur l'eau. Puis une analyse plus approfondie a encore réduit la sélection qui s'est limitée à trois candidatures sur l'eau : Alsace-Lorraine, Grand Sud et Orléans/Région Centre. Un projet breton baptisé « Intelligence de l'eau » a en effet été écarté, semble-t-il, du fait de sa trop grande proximité avec des pôles existants (pôle Mer Bretagne et pôle Valorial sur l'agroalimentaire notamment) dont il a été encouragé à se rapprocher. Un projet Pays de la Loire, dont on ne sait pas grand-chose, aurait été débouté. Enfin, un projet porté par la région Paca, sortie du projet Grand Sud au moment où Midi-Pyrénées y est entrée, a été présenté en solo : l'État lui aurait conseillé de revenir dans le giron du projet Grand Sud, ce qui a été fait un mois après le dépôt officiel de candidature. Mais les trois candidats engagés dans la course à la labellisation pensaient qu'il n'y aurait pas eu de place pour tous. La décision finale, qui devait être annoncée par le gouvernement en décembre 2009, a été reportée après les élections régionales, puis à nouveau retardée. « Apparemment, l'État pensait labelliser deux ou trois projets, et ne s'attendait pas à recevoir autant de candidatures, décrypte un observateur bien informé. Devant l'afflux, la question des éventuelles délabellisations est devenue l'une des clés de la décision. Sur ces entrefaites, la proximité des élections régionales et le contexte social et politique ont encore compliqué la situation. Personne ne savait vraiment quels éléments allaient peser dans la balance au moment de la décision finale. » Les différents candidats ont fait jouer leurs appuis politiques et exercé un lobbying auprès des ministères concernés. Ceux-ci ont des objectifs différents, qui peuvent ou non converger : l'Écologie veut structurer la filière eau, identifiée comme stratégique dans les filières de l'économie verte (voir le rapport du Commissariat général au développement durable sur le sujet), l'Industrie recherche l'effet de levier pour les PME, la Recherche est guidée par une volonté de cohérence par rapport à la politique de la recherche et de l'enseignement. Rien ne semblait joué, et aucune information n'avait filtré, la décision devant être prise en mai. UN OU PLUSIEURS PÔLES SUR L'EAU Les projets Alsace-Lorraine et Grand Sud se sont organisés pour présenter une meilleure cohérence entre eux. « La participation d'un certain nombre d'acteurs communs, en l'occurrence Veolia mais aussi plusieurs établissements publics de recherche, a permis d'améliorer la définition du contenu des deux projets et leur complémentarité, note Patrick Faisques. À chaque fois que nous avons identifié des domaines sur lesquels les projets risquaient de faire doublon, nous en avons discuté en essayant de voir qui était plus légitime ou proposait un meilleur traitement du sujet par rapport à l'autre. Sans ces interventions, je pense que les deux dossiers n'auraient sans doute pas été articulés comme ils le sont aujourd'hui, et ils auraient pu avoir des difficultés de singularisation. » Le projet d'Orléans/Région Centre porté par le cluster Dream, a lui aussi cherché à se rapprocher des deux autres, avec un plus grand succès, semble-t-il, vis-à-vis d'Alsace-Lorraine que de Grand Sud. « Avec Alsace-Lorraine, nos dossiers de candidatures comportent des éléments rédigés en commun, nous avons aussi jeté les bases d'éléments de gouvernance pour assurer dialogue et coordination entre les pôles : on envisage, par exemple, de croiser certains des membres de nos conseils d'administration », explique Daniel Pierre, PDG de Géo-Hyd et président du cluster Dream. Le fait d'avoir retenu plusieurs pôles impose nécessairement une organisation ad hoc pour travailler en intelligence, ne pas se marcher sur les pieds et éviter les projets doublons : un organisme de liaison scientifique et technique, voire un bureau interpôle... « Il faut impérativement un organe de consultation et de coordination, estime Philippe Perrin, président du bureau de l'association Pôle de l'eau Alsace-Lorraine. L'intérêt, c'est de coordonner les projets, il ne sert à rien de faire la même chose à différents endroits. » Le modèle existe déjà, c'est celui du Pôle Mer, qui est en fait constitué de deux pôles (Bretagne et Paca). « Qu'il y ait un ou plusieurs pôles sur l'eau, l'important est qu'ils soient complémentaires, qu'ils travaillent en cohérence et en concertation au point que, vus de l'étranger, ils apparaissent comme un seul pôle national, comme c'est le cas pour les deux pôles mer », analyse Patrick Faisques. GOUVERNANCE : CHACUN DOIT TROUVER SA PLACE La question de la gouvernance des pôles et de la structure interpôle est délicate par essence, car il s'agit d'associer des acteurs aux intérêts, stratégies et méthodes différentes, dont certains régulièrement accusés d'avoir des volontés hégémoniques. Ainsi, un groupe de scientifiques parmi lesquels un secrétaire général de l'Association internationale des sciences hydrologiques et un directeur de recherche de l'Inra, a lancé un appel citoyen contre des pôles mondiaux de compétitivité dans le domaine de l'eau. Ils s'élèvent contre l'idée même de l'association « d'entreprises privées parmi les plus puissantes au monde et d'équipes universitaires et centres de recherche publics », estimant que « cela aboutit à placer sous tutelle privée les problématiques complexes de la gestion des eaux » et s'inquiétant de « l'objectivité des connaissances produites dans un tel contexte ».On sent aussi que, dans cette affaire, l'articulation entre grands groupes et PME est assez sensible. « Le but du dispositif n'est pas que l'État donne à des grands groupes des outils de visibilité supplémentaires », remarque Daniel Pierre. Personne ne considère que les grands groupes n'ont pas leur place dans le ou les futurs pôles Eau, mais nombreux sont ceux qui ne voient pas d'un bon oeil qu'ils en prennent le leadership. Un pôle de compétitivité étant un outil tourné vers l'export, il y a de la place pour tout le monde, chacun en est conscient. POUVOIR S'APPUYER LES UNS SUR LES AUTRES Petites et grosses entreprises ont aussi la conviction qu'avancer groupés est un avantage. « Pour être compétitif à l'étranger, nous avons besoin de PME innovantes sur le plan technologique et en termes de manières de faire, sur des sujets pointus qui ne sont pas notre coeur de métier, comme par exemple la surveillance satellitaire, affirme Patrick Faisques. Il s'agit de mutualiser nos forces, d'emmener ces PME innovantes à l'étranger et de bénéficier de leur présence dans certaines zones, comme le bassin méditerranéen par exemple, premier marché vers lequel est orienté le pôle Grand Sud. Typiquement, certaines PME participant au tour de table du projet Grand Sud sont présentes dans des pays de cette zone que nous connaissons mal. L'idée est de pouvoir prendre des chemins plus courts en s'appuyant les uns sur les autres. » Ce qui est difficile semble être la mise en oeuvre pratique de ce « travailler ensemble », la gestion des ego et les inévitables luttes de pouvoir au sein de réseaux mutualisés. Les craintes sur la capacité à se faire entendre et à discuter sur un pied d'égalité se sont exprimées et s'exprimeront sans doute encore. Cela ramène à la question de la gouvernance entre les trois pôles et des règles du jeu à fixer : le rôle et la place de chacun, la manière de travailler ensemble, la nature des travaux et les marchés ciblés. Chaque projet a essayé d'équilibrer les forces en trouvant l'organisation de gouvernance qui lui convenait le mieux. « Dans la commission de gouvernance du cluster Eau, il y a par exemple deux sièges pour l'association Swelia qui fédère 72 entreprises du domaine de l'eau, essentiellement des PME, et un siège pour chacun des autres membres fondateurs, dont un pour Veolia Eau », indique Sébastien Fonbonne, directeur de l'association VERSeau développement, cheville ouvrière du projet initié par Montpellier. Il est incontestable qu'il y a besoin, en France, d'un pôle national de compétence sur l'eau. Le Partenariat français pour l'eau (PFE) l'appelle de ses voeux depuis des années. « Le rôle du PFE est de valoriser l'ensemble du dispositif français sur l'eau à l'étranger, mais il n'y a, en pratique, pas de réseau organisé d'acteurs de l'eau qui puisse être mis en avant. C'est incompréhensible, vu de l'extérieur, parce que la France a historiquement des compétences reconnues dans ce domaine. Il est indispensable qu'un pôle national émerge, et qu'il permette d'avoir une représentativité des entreprises et de la recherche publique française au sein de réseaux internationaux dans lesquels nous ne sommes pas actuellement », indique Nathalie Chartier-Touzé, déléguée générale du PFE. « Il faut maintenir une référence française sur l'eau et le dispositif gouvernemental des pôles de compétitivité est l'occasion de le faire », estime de son côté Patrick Faisques. UN GRAND PÔLE NATIONAL DE L'EAU On peut néanmoins se demander si l'outil est adapté à une véritable coordination des projets et des acteurs dans le domaine de l'eau. Un des points clés pour réussir sera d'arriver à passer d'une logique de compétition entre les différentes équipes porteuses de projets, à un esprit de coordination et au développement des synergies et des complémentarités. De ce point de vue, les trois pôles présentent chacun des spécificités bien différentes et le comité interministériel d'aménagement du territoire, qui a eu à décider de la labellisation des projets, pouvait difficilement écarter une candidature, partant du principe que cette politique industrielle vise à développer les compétences et donc la compétitivité du secteur de l'eau en France.« Contrairement à d'autres secteurs d'activité pour lesquels certaines zones géographiques sont des pôles d'excellences, les compétences en eau sont disséminées sur tout le territoire, souligne Fabrice Nauleau, directeur de la R et D chez Saur. Les candidatures à la labellisation de pôle de compétitivité avaient toutes une légitimité, Saur s'est d'ailleurs impliqué dans deux d'entre elles. Mais s'il n'avait fallu en choisir qu'une, aucune n'aurait été plus légitime qu'une autre. Et puis il y a des forces vives ailleurs en France : à Paris, Lyon, Limoges, Poitiers, Pau... J'espère que l'opération aboutira à la création d'un pôle national fédérant l'ensemble des acteurs et des forces vives de l'eau sur tout le territoire. » Au final, le choix du gouvernement français a donc été de retenir les trois candidatures, posant les bases d'un grand pôle national de l'eau multipolaire, avec des spécificités territoriales, dont le défi est aujourd'hui d'entraîner une dynamique à l'échelle de l'ensemble des acteurs français. C'est en espérant une telle issue que le projet breton initialement écarté s'est rapproché ces derniers mois de ceux d'Alsace-Lorraine et d'Orléans/Région centre. « Il faut voir assez large, sinon toutes les forces vives qui comptent dans le domaine de l'eau, et qui ne seront pas incluses dans la dynamique, feront ce qu'elles veulent de leur côté. Notre position est de prôner une coordination, entre labellisés, et aussi avec les non-labellisés, à travers un Comité scientifique et technique national autour des territoires qui prétendent avoir des compétences sur l'eau », conclut Philippe Perrin.


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