À 73 ans, l'homme n'est plus d'une prime jeunesse, mais son engagement au service de l'écologie reste intact. Christian Guinard, Auvergnat, habite la montagne Bourbonnaise dans l'Allier. Une rivière qu'il ne cesse de défendre depuis trente ans. « L'eau, c'est un argument pour sauver un paysage extraordinaire, un lieu de calme et de contemplation auquel je suis très attaché », confie celui qui vient d'être nommé « Héros de l'eau », lors du concours organisé par l'Unesco, le WWF et Rainett. Modeste, son dossier a été déposé à son insu.
Dans les années 1970, le constat de la dégradation de l'Allier le pousse à agir. Les motifs ne manquent pas : développement de l'urbanisation, notamment dans les zones humides, extraction de sable, enrochements, etc. « J'ai adhéré en 1976 à l'association pour l'étude et la protection de la nature dans le Massif central (SEPNMC) pour avoir une tribune », se rappelle-t-il. Les projets de barrages sont au goût du jour. Sur l'Allier, ceux de Naussac 1, puis 2, sont mis en service respectivement en 1983 et en 1998, malgré les très vives critiques des écologistes. L'Épala (Établissement public pour l'aménagement de la Loire et de ses affluents), grand aménageur, est créé en 1983.
Christian sera de tous les combats. En 1982, il est membre fondateur de la Frane (Fédération de la région Auvergne pour la nature et l'environnement), qui regroupe une quarantaine d'associations d'environnement auvergnates, et dont il est toujours bénévole actif. « Je travaille surtout sur le fond des dossiers ; à l'époque, il fallait convaincre les directions de l'équipement du bien-fondé de nos thèses concernant la dynamique fluviale. » Il va en faire son cheval de bataille. Il milite également auprès de SOS Loire vivante contre le projet de barrage de Serre de la Fare, qui finalement sera abandonné en 1994, lors de l'adoption du Plan Loire grandeur nature. Petit à petit, le message passe. En 1998, le barrage de Saint-Étienne-du-Vigan est démoli. À côté, sur le Cher, après des années de lutte, le barrage de Chambonchard ne verra pas le jour non plus ; le projet est abandonné en 1999. « Nous avons démontré qu'il est impossible de protéger une ville uniquement avec des barrages, qu'il faut préserver la ressource en eau et l'environnement fluvial. Cela commence à passer dans les esprits. »
Les conservatoires des espaces naturels débloquent des fonds pour l'achat et la gestion de rives afin de libérer des espaces de liberté pour les fleuves. Mais c'est très long : « Il faut dix ans pour faire émerger une idée et autant pour la faire appliquer. Et on est loin d'en voir le bout. » Les sujets de discorde ne manquent pas : extraction de granulats, endiguement, etc.
Dernier en date, le projet de contournement routier de Vichy. Il prévoit la construction d'un nouveau pont à Saint-Yorre sur l'Allier. La rivière devra être endiguée pour passer sous cet ouvrage, interdisant de fait sa divagation naturelle et son espace de liberté. Absurde pour Christian Guinard, qui n'est pas prêt à lâcher le morceau !