Dans le rapport qu'il vient de consacrer au droit de l'eau (lire p. 6), le Conseil d'État pointe le sous-investissement des collectivités locales dans l'eau et l'assainissement. Il reproche aux élus locaux une méconnaissance du droit communautaire et un manque de volonté pour investir « dans un domaine peu visible des électeurs ».
Le Conseil d'État n'a pas tort. Mais les choses ont changé en quelques années, et l'actualité est riche d'annonces d'inauguration et de construction de nouvelles stations d'épuration, qui se veulent exemplaires en termes de préservation du milieu naturel, de performances énergétiques et de réduction des nuisances pour les riverains. C'est le cas de la station de la communauté intercommunale Nord Réunion (lire p. 42), qui mettra enfin Saint-Denis (Île de la Réunion) en conformité avec la directive ERU. Au programme : production d'énergie grâce à des panneaux photovoltaïques et par cogénération de biogaz, surveillance des odeurs par nez électroniques, microfiltration et désinfection ultraviolets des eaux usées traitées pour une réutilisation en irrigation agricole.
On pourrait penser que les collectivités cherchent ainsi à se faire pardonner leur retard. Mais c'est surtout notre société qui a changé, tout comme les attentes des électeurs. Si la nature première de ces ouvrages garde toute son importance, les ambitions sont beaucoup plus larges. Leur apparence évolue également : les gigantesques bassins circulaires et les mauvaises odeurs laissent place à des bâtiments industriels confinés abritant des procédés compacts. C'est le cas de l'usine Marne aval du Siaap*, inaugurée le 10 juin, qui se compose de deux bâtiments longilignes et parallèles. L'emprise au sol est ainsi passée de sept hectares à trois, pour un site de onze hectares ! Cette prise en compte de la dimension architecturale témoigne aussi d'une évolution importante et d'une volonté des élus de permettre l'acceptation sociale des usines.
De tels ouvrages représentent des investissements très importants pour les collectivités et le changement des mentalités permet, aujourd'hui, de valoriser ces efforts. La communauté de communes des Trois Frontières (CC3F) va ainsi inaugurer sa nouvelle step - qui représente son plus grand investissement depuis sa création en 2000 - en organisant une fête : près de 1 000 visiteurs sont attendus pour deux journées pédagogiques et ludiques sur la station, avec des concerts, des animations, un village durable et un spectacle d'eau et d'effets spéciaux. Une première qui permettra aux habitants de la CC3F de s'approprier cet ouvrage. C'est en tout cas le signe du chemin parcouru par les stations d'épuration, connotées si négativement par le passé et qui ont droit, aujourd'hui, à une seconde vie !