Depuis les années 1990, les perturbateurs endocriniens (PE) sont mis en cause dans le dérèglement du système reproducteur de diverses espèces (poissons, reptiles, gastéropodes). Ils seraient aussi responsables de la baisse de la fertilité masculine, de la modification du sex-ratio et de l'âge de la puberté, de malformations congénitales, de cancers, d'altérations du système immunitaire, d'obésité, etc.
Pas très rassurant, d'autant qu'on les retrouve partout : dans l'eau, l'air, le sol et les aliments. Ils sont d'origine naturelle ou synthétique : molécules pharmaceutiques, agricoles (pesticides, insecticides...) et industriels (phtalates, bisphénol A, composés bromés, dioxines, métaux lourds...).
SOIXANTE ÉQUIPES DE RECHERCHE MOBILISÉES
Un programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens (PNRPE) a été lancé en 2005 par le ministère de l'Écologie. Un premier appel à propositions de recherche a permis de retenir sept projets, financés à hauteur de 900 000 euros, sur la période 2005-2008 sur trois thématiques : la reproduction, les tests prédictifs et l'écotoxicologie. Un deuxième appel à projets a sélectionné, en 2009, 15 nouveaux projets sur trois ans, pour 2,1 millions d'euros. Un troisième sera lancé cette année. L'un des objectifs sera de mettre au point des outils d'aide à la décision publique et de définir les risques. Soixante équipes de recherche pluridisciplinaires sont mobilisées.
En avril dernier, un colloque de restitution faisait un premier bilan. Des expériences effectuées sur des rats exposés à un fongicide ont montré des anomalies de l'appareil reproducteur mâle dans un tiers des cas. Des résultats inattendus ont été observés sur la maturation des glandes salivaires et sur la formation de nodules cartilagineux. Des anomalies ont même été observées sur la deuxième génération non exposée.
L'Inserm de son côté a présenté une étude sur l'impact de la chlordécone (insecticide) sur les populations de Guadeloupe. Sur une cohorte de plus de mille femmes en fin de grossesse, les résultats montrent un lien entre la présence de chlordécone dans le sang du cordon et l'accroissement de la prise de poids du bébé jusqu'à 3 mois. Un suivi jusqu'à la puberté devrait aussi être réalisé. Enfin, deux laboratoires ont présenté des nouveaux outils de détections des PE. Notamment le Muséum national d'histoire naturelle avec ses modèles de têtards de Xénope qui émettent en trois jours une protéine fluorescente verte lorsqu'ils sont placés dans l'eau de l'hormone thyroïdienne.
INTERACTIONS COMPLEXES ET SÉQUENÇAGE
Mais les chercheurs n'arrivent pas toujours à établir de liens de cause à effet. « Il n'y a pas d'actions systématiques et les réactions dépendent de la susceptibilité individuelle et des facteurs de risques », résume Pierre Jouannet, chercheur à l'hôpital Cochin.
D'où la difficulté de tirer des conclusions certaines et encore plus de définir des politiques de prévention efficaces, comme le souligne Jean Lesné de l'Afsset. Cela amène Bernard Jégou, codirecteur du nouvel Institut de recherche en santé, environnement et travail ( Irset) de Rennes, à conclure sur la nécessité d'avancer sur le séquençage du génome qui entraînera selon lui « une révolution de la médecine et de la recherche sur les connaissances de la susceptibilité individuelle ».