Henri Smets a choisi sa stratégie : apporter une brique après l'autre, obstinément et patiemment, pour construire un monde où chacun aura droit à l'eau potable. L'actualité récente est la démonstration que ses efforts commencent à produire leurs fruits alors que le principe d'un droit universel à l'eau est désormais en discussion. Le parcours d'Henri Smets n'est pas linéaire et l'a conduit à travers quelques dérapages délicats jusqu'à son combat actuel qui l'éloigne souvent de Paris, sa ville d'adoption. Henri Smets est en effet né à Bruxelles où, fils et petit-fils de médecin, il choisit la voie prestigieuse de l'École polytechnique et commence sa carrière en tant qu'ingénieur nucléaire. Sa vie prend un premier tournant en 1960 lorsqu'il accepte un poste à l'OCDE qui le mène à Paris où il construit désormais sa vie avec sa femme et ses trois enfants. Il travaille d'abord sur l'économie de l'environnement et notamment sur le principe pollueur/payeur qu'il établit au début des années 1970. « Alors que j'étais ingénieur économiste, je comprends que, ce qui manquait dans le domaine de l'environnement, c'était des règles juridiques formelles. » Ce nouveau virage, le plus significatif selon Henri Smets, le conduit à s'intéresser à l'exportation des déchets dangereux et aux marées noires. Il devient professeur de droit et enseigne aux étudiants comment rédiger des textes internationaux, qu'il avait appris à négocier au sein de l'OCDE. Il reçoit, en 1978, son premier prix sur le droit de l'environnement : le prix Elisabeth Haub. Chargé d'études sur l'environnement dans les pays, il se rend compte qu'il existe une dimension sociale liée à l'économie mais aussi à l'aménagement du territoire : « Qui supporte le plus de nuisances sonores : les gens du voyage qui vivent le long des autoroutes. Qui vit dans les quartiers pourris : les pauvres qui viennent s'y mettre faute de mieux. » La question suivante, lorsque l'on constate qu'une situation est totalement injuste, est de savoir si l'on va la laisser se poursuivre. Le dernier virage est atteint, Henri Smets se consacre désormais aux droits de l'homme et, parmi ces droits, au droit à l'eau. Il devient membre de l'Académie de l'eau dès sa création en 1993 et y réalise de nombreuses études pour faire avancer l'idée qui lui semble une évidence : le droit à l'eau doit être un droit de l'homme et l'eau ne peut pas être considérée comme une simple commodité soumise aux règles du marché. En France, il défend l'idée que le droit à l'eau doit avant tout être un droit à l'eau à un prix abordable, concept finalement adopté dans la Lema en 2006. « Le principe était acquis, mais rien n'était prévu pour le mettre en oeuvre. J'ai donc publié une étude établissant ce qu'était le prix abordable de l'eau en France : 3 % du revenu. Ce chiffre a connu un succès immédiat ! » Une approche pragmatique, systématique et apparemment efficace : un projet de loi est en préparation sur ce sujet, défendu par Chantal Jouanno qui a même fixé une limite pour sa publication : le Forum mondial de l'eau à Marseille, en 2012...