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Les collectivités en plein désarroi

LA RÉDACTION, LE 1er DÉCEMBRE 2010
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Le compte à rebours qui prévoyait, à partir de 2008 et jusqu'à fin 2O11, l'abandon progressif par les services de l'État des missions d'ingénierie publique au bénéfice des collectivités rurales, s'est écoulé de manière plus rapide que prévu. Depuis le début de l'année 2010, les directions des territoires ou DDT (soit la réunion des ex-DDA et ex-DDE), qui ne prenaient déjà plus de commandes de maîtrise d'oeuvre en matière d'eau et d'assainissement, se sont massivement désengagées de l'assistance à maîtrise d'ouvrage. Dans certains départements, même les missions d'Assistance technique de l'État pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire (Atesat) que les services de l'État sont censés continuer à exercer après 2012, au titre de la solidarité territoriale, ne sont plus assurées, faute de personnel compétent. Ces missions, accessibles uniquement à de petites collectivités, sont de toute façon limitées dans leur contenu (plutôt de l'aide à des études stratégiques), afin de ne pas constituer des prestations relevant du champ concurrentiel. Mais dans le cadre de leur récente recomposition, les services déconcentrés de l'État ont parfois connu de telles hémorragies de personnel qu'ils ont été contraints de les sacrifier. DES ÉLUS SOUVENT DÉSEMPARÉS Pour les collectivités rurales qui, pendant longtemps, ont fait appel sans compter aux services de l'État pour les aider à définir et à mener leurs projets, le réveil est difficile. Les collectivités de taille conséquente, disposant de moyens humains et techniques en interne, font appel depuis longtemps à l'ingénierie privée et sont bien armées pour le faire. Les petites, elles, se trouvent démunies. « Dans le Calvados, les élus habitués à travailler avec les services de l'État ne savent plus à qui s'adresser, et frappent, notamment, à la porte du conseil général. Du coup, en assainissement, le Satese fait nettement plus de conseil en amont et d'aide à la définition des besoins. Notre mission s'arrête ensuite, légalement, à la fourniture de cahiers des charges types et de listes de bureaux d'études faisant de l'assistance à la maîtrise d'ouvrage (AMO) ou de la maîtrise d'oeuvre », témoigne Benoît Mouline, chef de service au Satese du Calvados. UN PROBLÈME D'ACCÈS À L'ASSISTANCE Conséquence : certains projets traînent en longueur, les élus ayant du mal à se résigner à franchir le pas vers une ingénierie privée qu'ils considèrent moins fiable, moins qualitative, et plus chère. D'autres lancent des appels d'offres, avec plus ou moins de bonheur car l'ingénierie privée fait alors parfois défaut. « Souvent, le privé ne répond pas lorsqu'il s'agit d'opérations représentant un tout petit volume financier, ou bien trop complexes ou trop longues au regard de la rémunération attendue. Il y a donc, de fait, un système à deux vitesses, avec des laissés pour compte du marché », affirme Benoît Mouline. « On constate un vrai problème d'accès à l'assistance pour les petits projets, confirme Sylvain Rotillon, chef de projet à l'Onema. On peut craindre que les projets nécessaires ne soient pas menés à terme, ou qu'ils le soient dans de mauvaises conditions, sans assistance. Et il y a des raisons d'être inquiet sur le niveau de qualité des réalisations effectuées dans ce contexte. » UN DÉFAUT DE CONSEIL EN AMONT Même lorsque l'ingénierie privée répond présente, elle ne remplit pas exactement le même rôle que l'ancienne ingénierie publique, qui allait au-delà d'une simple relation contractuelle et commerciale. « L'ingénieur public avait un rôle clé de conseil, pour clarifier et préciser les besoins de la collectivité. Si l'exploitant de la station d'épuration demandait la mise en place d'une télésurveillance, l'ingénieur public informait l'élu d'une probable baisse de fréquence du passage de l'exploitant : un dysfonctionnement sur un organe non équipé d'alarme pourrait alors passer inaperçu pendant un moment. Il signalait au passage, même si on ne le lui avait pas demandé, la nécessité d'installer des garde-corps pour assurer la sécurité de l'agent d'entretien, évoque Benoît Mouline. Un bureau d'études privé ne fournit pas ce genre de contrepoids. Il se contente de préparer et suivre le marché, point barre. » Un autre responsable de Satese souligne le côté parfois « pousse au crime » des ingénieurs-conseils payés au pourcentage : en matière d'inflation du dimensionnement des installations, d'équipements trop ambitieux par rapport au projet, d'instruments de métrologie faisant double ou triple emploi... Le conseil de qualité est malheureusement en voie de disparition, non seulement du fait du désengagement de l'État, mais aussi à cause de la réduction de voilure des politiques d'aide financière des conseils généraux (les subventions apportées sur travaux ou études leur donnaient un droit de regard) et de la restriction du champ d'intervention des services d'assistance technique départementaux (seules les communes éligibles peuvent bénéficier d'un éclairage avant une prise de décision, d'une aide pour dégrossir leurs besoins). QUELLE QUALITÉ POUR DES PRESTATIONS À PRIX CASSÉS ? Autre difficulté : la baisse vertigineuse des prix des prestations d'AMO et, surtout, de maîtrise d'oeuvre, constatée ces dernières années (lire l'enquête d'Hydroplus n° 192 de novembre 2009, p. 24-30). Quand les prix sont dérisoires (parfois 1 % du montant du marché !), la qualité est à l'avenant : standardisation des projets, conception à la va-vite, absence aux réunions, pas de surveillance de chantier... « Il n'y a plus de cahier des charges adapté, plus de capacité à juger de la pertinence et de la technicité des offres. Et la fonction de maîtrise d'oeuvre est en pleine déliquescence », juge François Mauvais, directeur général de l'Astee. « Les gros bureaux d'étude sont bien structurés, mais l'effet d'opportunité liée à l'ouverture de marché entraînée par le retrait de l'ingénierie publique a attiré beaucoup d'ingénieurs-conseils qui n'étaient pas prêts pour ces fonctions. Les prestations d'AMO, comme de maîtrise d'oeuvre, ne sont souvent plus dignes de ce nom. C'est la porte ouverte au grand n'importe quoi, avec des résultats dramatiques en termes de qualité des travaux. Le maître d'ouvrage découvrira inévitablement, à un moment ou à un autre, des dysfonctionnements liés à ces manquements », met en garde Jacques Dolmazon, président de Canalisateurs de France. « On voit des bureaux d'ingénieurs-conseils se monter aussi vite qu'ils mettent la clé sous la porte, ce qui veut dire que derrière, en cas de problème, les projets ne peuvent même pas bénéficier d'un service après-vente », ajoute Jean-Yves Peytavit, responsable du Satese du Lot. UN RÔLE D'AUTORITÉ ORGANISATRICE Les services de l'État apportaient aussi un appui aux collectivités rurales, pour la préparation et la négociation des contrats de délégation de service public, puis pour le suivi et le contrôle de ces contrats (missions de DSP/GSP). « Dans ces domaines, l'ingénierie publique permettait aux petites collectivités d'affirmer véritablement leur rôle d'autorités organisatrices des services publics », remarque François Mauvais. Là aussi, la transition est largement engagée. L'État n'accompagne plus les renouvellements de contrats d'affermage, seule la mission de GSP reste parfois assurée en eau potable, un peu moins en assainissement, pour les contrats en cours, si la DDT dispose de personnel compétent. Là encore, les bureaux d'études privés n'offrent pas des prestations comparables en termes de rapport qualité/prix. Les ingénieurs des DDA, très aguerris, étaient redoutables. « Les contrats se négociaient durement dans leur bureau », confirme un cadre d'un grand délégataire. Et la facture dont les collectivités s'acquittaient, pour des négociations souvent longues et difficiles, n'était pas en rapport avec le coût réel de l'appui apporté. JEUNES BUREAUX D'ÉTUDES ET NOUVELLES STRUCTURES Aujourd'hui, incapables de s'offrir les services des grands cabinets réputés ayant recruté la crème des fonctionnaires experts de ces démarches complexes, les petites collectivités doivent se contenter - pour un prix équivalent ou plus élevé que ce qu'elles payaient auparavant - d'un appui de qualité moindre. Sur ce marché également, il y a une inflation de jeunes bureaux d'études sans la moindre expérience. Dans son rapport sur la disparition de l'ingénierie publique, publié en juin dernier, le sénateur Yves Daudigny rappelle « les dangers de prestations intellectuelles qui ne seraient soumises qu'à la seule loi de la concurrence, sans aucune référence à des missions de service public ». Il évoque aussi « les risques de la perte de connaissance du terrain local ». Sans verser dans l'éloge de l'ingénierie publique, qui avait ses défauts, il faut rappeler ce qui justifiait la motion de confiance que les élus lui accordaient : indépendance, attachement au service public, disponibilité, légitimité, mutualisation, cohérence territoriale (par la rédaction de cahiers des charges homogènes)... « Les ingénieurs des DDAF étaient la mémoire des opérations et de tous les chantiers des collectivités. Ils avaient une connaissance intime du terrain, avec des retours d'expérience sur du long terme », rappelle Régis Taisne, adjoint au chef de service de l'eau à la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies ( FNCCR). Pour organiser une nouvelle forme d'ingénierie publique, de qualité équivalente, certains départements se mobilisent et créent des structures d'appui aux formes diverses. Il peut s'agir de services internes aux conseils généraux, formule qui présente néanmoins un inconvénient majeur : ces services doivent se placer dans le champ concurrentiel, face à des bureaux d'études privés, ce qui constitue un métier assez éloigné des compétences traditionnelles d'un conseil général. Pour aller se mettre en concurrence, mieux vaut peut-être faire appel à une société d'économie mixte : il existe une structure de ce type répondant aux appels d'offres des collectivités pour de l'AMO en eau ou assainissement, dans le Tarn-et-Garonne. ÉCHAPPER À LA MISE EN CONCURRENCE D'autres montages mettant en jeu des établissements publics effectuant, pour le compte de leurs membres, des prestations in house permettent a priori d'échapper au champ d'application du code des marchés publics. Le Lot a opté pour un syndicat mixte offrant un appui en matière de production d'eau potable et d'assainissement (lire encadré p. 30). En Mayenne, le choix s'est porté sur une agence technique départementale, compétente en eau potable. « Les avantages et défauts de trois types de montage ont été soigneusement étudiés, explique Laurent Géneau de Lamarlière, directeur de l'environnement au conseil général de la Mayenne. La contrainte de la mise en concurrence a écarté l'idée d'un service au sein du conseil général. La difficulté à identifier, à l'intérieur de la compétence "eau potable" des collectivités, une partie de cette compétence qu'elles pourraient déléguer a conduit à mettre de côté également celle d'un syndicat mixte. » L'agence technique départementale fera de l'AMO sur des projets de travaux, et de l'accompagnement GSP/DSP. ARTIFICES ET QUESTIONS DE PÉRENNITÉ Point important : le conseil général ne voulait pas offrir une solution qui, en étant trop satisfaisante, pénaliserait les démarches de regroupement de services. « De ce fait, l'appui se limitera à des projets stratégiques. Les petits chantiers de renouvellement de réseaux, notamment, seront exclus. C'est aussi la raison pour laquelle l'agence n'aura pas de missions d'assistance en assainissement, hormis sur la GSP/DSP », précise Laurent Géneau de Lamarlière. Ces solutions, si elles sont séduisantes sur le fond, restent du bricolage. Soit elles ne couvrent pas tout le champ de l'ancienne ingénierie publique, notamment la maîtrise d'oeuvre, soit elles utilisent des artifices un peu discutables (compétence à déléguer à un syndicat mixte n'ayant pour vocation que d'assister ses membres, cas de l'association de mutualisation, etc.). « Ces systèmes de rattrapage sont artificiels et non pérennes, juge François Mauvais. Ils sont bancals, au niveau budgétaire - seront-ils financés in fine par le prix de l'eau ? - et au niveau politique - inféodés à un conseil général, seront-ils jamais des systèmes fonctionnels ? En proposant des prestations empiétant par nature sur le champ concurrentiel, ils risquent à tout moment de se voir appliquer la logique invoquée pour démanteler l'ingénierie publique de l'État. » VERS UN RENFORCEMENT DES INÉGALITÉS L'objectif de ces montages est en effet de faire revenir par la fenêtre ce qui était sorti par la porte. À une différence près : entre un établissement public et ses membres, il y a un lien organique qui n'existait pas entre l'État et les communes. Celui-ci semble bel et bien justifier des règles dérogatoires à la mise en concurrence.En revanche, on peut souligner que ces dispositifs ont pour effet pervers de renforcer les inégalités existantes entre collectivités, selon qu'elles sont situées dans un département où il en existe un, ou dans un département n'ayant pas la volonté politique, ou pas les moyens, d'en créer un. D'ailleurs, compte tenu des difficultés financières que connaissent les conseils généraux (moyens en baisse, charges en hausse), l'heure est plutôt au désengagement sur l'eau et l'assainissement. « Pour tenir les budgets, certains départements ont déjà dû réduire les subventions. Auront-ils la possibilité, à l'avenir, de conserver des moyens humains, et de les mettre à disposition pour assurer des services d'appui ? », s'interroge Philippe Herscu, chef de service territoire à l'Assemblée des départements de France. Si les conseils généraux mettent fin à leur intervention financière, volontairement ou de manière contrainte (dans le cadre de la réforme des collectivités territoriales), ils ne seront plus ni capables ni légitimes pour servir de clé de voûte à un service d'appui. Ils pourraient même être contraints de se retirer de toute entité d'assistance externalisée. Finalement, face à ce panorama plutôt sombre, une seule option paraît pérenne : le regroupement des services d'eau et d'assainissement, permettant de se doter en interne des compétences techniques, administratives et financières nécessaires. On parle bien, ici, d'intercommunalités de gestion. « Les structures qui se constituent, sous forme mutualisée et coopérative, pour proposer un appui technique à leurs membres, sont des embryons prometteurs, susceptibles d'évoluer à terme vers de véritables intercommunalités de gestion : je vois cela comme une étape transitoire », remarque Regis Taisne. « Si le retrait de l'ingénierie publique contribue, au final, à favoriser le regroupement des services, il aura été salutaire. Mais on n'en est pas là », note de son côté Sylvain Rotillon. D'autant que l'on n'aura alors réglé que la moitié d'un problème : celui de la perte de qualité de la maîtrise d'ouvrage dans les petites collectivités rurales. « Pour autant, avec deux pauvres, on ne fait pas un riche : le regroupement ne donnera pas forcément les moyens, derrière, de financer les travaux eux-mêmes, notamment le renouvellement des réseaux dont le coût est colossal en milieu rural », ajoute Régis Taisne.


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