L'entreprise de chauffage Air Technique Franco-Suisse avait déjà franchi un palier intéressant avec sa conception d'un système de séchage solaire à échangeur air-air ultrarapide en serre fermée, qui fait passer la siccité de 10 à 90 % en cinq jours, rendant possible la valorisation des boues en combustible tout en évitant la dispersion des particules et bactéries à détruire. Pour en parfaire l'efficacité, il lui manquait l'élimination des odeurs. La rencontre avec l'équipe Matériaux à porosité contrôlée (MPC) de l'Institut de science des matériaux de Mulhouse (1) a apporté la pièce manquante de ce puzzle. Spécialiste mondial des zéolithes, cette équipe de recherche a mis au point un procédé innovant de synthèse d'une des variétés de zéolithes (roches naturelles poreuses). Sicade-1, c'est le nom de ce produit, a été incorporé au process « Sunclean » d'Air Technique Franco-Suisse, comme filtre pour éliminer les odeurs lors du séchage des boues. UNE ALTERNATIVE AU CHARBON ACTIF Sur le papier, le matériau additionne les valeurs ajoutées par rapport aux offres existant sur le marché. Adsorbant, il se positionne en alternative au charbon actif. « Il est beaucoup plus hydrophobe que ce dernier, avec une surface interne de 400 mètres carrés par gramme », souligne Joël Patarin, chercheur CNRS coconcepteur de Sicade-1 au sein de l'équipe MPC. De plus, sa surface externe étant hydrophile, il peut être plongé dans l'eau, par exemple pour traiter une pollution dissoute ou pour décontaminer des eaux usées. Par rapport aux zéolithes précédentes, il conserve de la roche naturelle la caractéristique d'un diamètre régulier de ses pores (un autre avantage en comparaison du charbon actif), mais à la différence des zéolithes naturels, il ne contient pas d'aluminium. Sicade-1 est un oxyde de silicium à la stabilité thermique garantie jusqu'à 1 000 degrés. « On peut ainsi le régénérer pour réutilisation », ajoute Joël Patarin. D'un diamètre de 0,55 nanomètre, les pores viennent piéger les COV, les composés soufrés comme le diméthyl-disulfure, le benzène, le toluène..., ce qui ouvre des perspectives plus larges, vers le compostage ou la dépollution de l'air intérieur. EFFICACITÉ DÉMONTRÉE SUR 500 KILOS DE BOUES La commercialisation de Sicade-1 est assurée par la start-up Zéphir-Alsace, société incubée par la structure régionale Semia et créée en 2009. Fin 2010, un pilote a démontré son efficacité sur 500 kilos de boues... ne serait-ce que parce que l'épouse du dirigeant d'Air Technique n'a nullement « ressenti » la présence de l'équipement pourtant installé dans leur propriété privée ! Avant mise sur le marché, il s'agit de confirmer l'absence d'odeurs, si besoin par des nez experts, et surtout à échelle réelle, par la création d'un prototype qui suppose de réunir 2 millions d'euros.