Corinne Dubois, goûteuse d'eau à Limeil-Brévannes
Hydrophile Depuis huit ans, chaque matin avant d'aller travailler, je m'astreins à goûter l'eau du robinet et à remplir une grille par internet mise en ligne par le distributeur. Ne buvant pas grand-chose d'autres – ni alcool, ni café –, j'ai développé mes papilles et détecte facilement lorsqu'elle est fade. C'est le cas à Paris alors que, chez moi, je la trouve meilleure, plus fraîche. Habitant en pavillon, j'ai l'impression qu'elle vient tout droit du sol et que les récents travaux de remplacement des tuyaux n'ont pas altéré son goût. J'aime l'eau du robinet. Je la trouve vivante, en mouvement. Et plus aérée qu'une eau minérale, enfermée et trop à l'étroit dans sa bouteille.
Maryse Luche, goûteuse d'eau dans l'Essonne
Poète Avec des amis, nous formons un petit cercle d'habitués participant régulièrement aux observatoires du goût de l'eau. Nous nous croisons aussi lors d'animations ou de visites de sites auxquelles le distributeur nous convie. On se rend même sur place en covoiturage ! Station d'épuration ou station de pompage, rencontre avec ses employés, appel à la créativité : c'est un univers beaucoup plus riche qu'on ne le croit. En élargissant, on se retrouve à composer des poèmes ou photos sur le thème de l'eau. C'est plaisant, d'ailleurs toute la famille y participe. En tant que consommateur, nous sommes le dernier maillon de la chaîne. C'est à nous de dire si l'eau nous plaît et de jouer ce jeu de la remontée d'information.
Valérie Mandra, formatrice des goûteurs d'eau chez Lyonnaise des eaux Rhône-Alpes-Auvergne Curieuse C'est la curiosité qui attire les goûteurs d'eau vers nos ateliers de Saint-Étienne et Chamonix. Ou le sens critique, car certains considèrent que sa qualité peut être améliorée. Pour affiner les papilles, le mieux est de commencer par des eaux au goût prononcé puis plus douces. Ce goût dépend de nombreux critères : temps de séjour dans le réseau, nombre de stations de reprise, de réservoirs… À la dégustation se développent des « saveurs » de moisi, de médicament, d'herbe, de terre ou bien des goûts fruités liés aux molécules naturellement présentes dans l'eau ou à son traitement.
Les goûteurs plus aguerris s'y retrouvent, les autres découvrent.
Daniel Sommer, goûteur d'eau à Quimper
Citoyen Je participe à un observatoire du goût de l'eau. C'est pour moi un geste citoyen, dans le droit fil d'autres programmes auquel je prends part, comme l'étude nutritionnelle en ligne NutriNet-Santé. Il se trouve en plus que je connais le patron local de Veolia Eau, alors quand j'ai vu en bas de ma facture qu'ils cherchaient des bénévoles, cela a fait tilt ! Comme dans le vin, la dégustation se fait à l'aveugle : on goûte une eau puis on en parle avec une douzaine d'autres goûteurs, on goûte à nouveau et on reparle. Entre autres, j'y ai appris à comprendre d'où vient la flaveur de chlore typique de l'eau du robinet et à apprendre comment l'éliminer.
Dominique Mantegazzi, responsable du laboratoire eau potable chez Services industriels de Genève (SIG)
Réaliste Selon les endroits du canton où elle est prélevée, la teneur en sels minéraux de l'eau de Genève varie. Tantôt douces ou plus dures, la nuance entre ces eaux est infime : l'unique chance de la percevoir est de les goûter à la chaîne. Nous avons deux types de goûteurs d'eau : les premiers sélectionnés en interne, qui goûtent chaque mois une dizaine d'eaux de provenances différentes, et une centaine de particuliers interrogés via un site internet. Nous fidélisons les premiers en concoctant des dispositifs de formation ludiques, en aromatisant ces eaux ou en couplant leur dégustation avec celle de glaces ou d'autres matrices préparées pour cette occasion. Avec les goûteurs « en ligne », les retours sensoriels sont précieux, mais les défauts détectés sont plus liés à l'état de leurs conduites qu'à la qualité de l'eau en elle-même.