Il faudrait être « déficient visuel » (aveugle) ou ne jamais avoir parlé à un « ripeur » (un éboueur) pour ne pas comprendre qu'une « unité de valorisation énergétique » (UVE) des déchets est la traduction politiquement correcte de feue l'UIOM (usine d'incinération des ordures ménagères), elle-même version politiquement correcte d'incinérateur. On passera sur les « barbecues » et autres « fours », vocable moins capillotracté (tiré par les cheveux), mais c'est un fait : la filière incinération donne volontiers dans la périphrase et la xylolalie (langue de bois). Comme si elle voulait éviter de choquer par les mots en plus de choquer (certains) par son activité. Ces derniers temps, les professionnels ont même viré paranoïaques, comme dans ce communiqué intitulé « Ne brûlons pas le progrès sur le bûcher des préjugés ».
Mais on peut les comprendre, et à certains égards les défendre. Non, il n'est pas possible de tout recycler ou de tout composter. Oui, il est aberrant de mettre des plastiques en décharge. Oui, l'incinération de déchets ménagers est une énergie renouvelable, dixit Bruxelles, et dixit le nouveau slogan de Tiru : « Créateur d'énergie verte ». Oui, les usines sont propres, puisque les plus polluantes ont été fermées, léguant aux 132 actuelles leur lourde image d'empoisonneur, et à d'autres sources (cheminées domestiques, métallurgie, barbecues de jardin, tabagisme) le titre de premier émetteur national de dioxine. Mais que les partisans d'un moratoire sur l'incinération se rassurent : si le groupe de travail post-Grenelle devait les désavouer, le parc français ne grossirait pas pour autant. On ne recense en effet qu'un projet : à Clermont-Ferrand.