Le pétrole cher, une bonne nouvelle pour l'environnement ? Pas si sûr. Car l'or noir pourrait être partiellement remplacé par un carburant issu du charbon, selon des procédés « coal to liquid » (CTL, du charbon vers le liquide). La première Conférence mondiale sur la liquéfaction du charbon vient d'avoir lieu à Paris les 3 et 4 avril derniers, preuve que le sujet a le vent en poupe. Cela ne fait pas l'affaire du climat : si brûler du pétrole émet du CO2, consommer du charbon en émet bien plus (lire EM n° 1650, p. 20) ! Le CTL ne devrait donc se concevoir qu'associé à la capture et au stockage du CO2 en sous-sol (lire EM n° 1640 p. 22 et 1648 p. 61). Le principe du CTL n'est pas neuf : il a été développé dans les années 1920 par trois Allemands, Franz Fischer, Hans Tropsch et Friedrich Bergius. Délaissé pour manque de rentabilité face à l'essor du pétrole, il a été remis au goût du jour en Allemagne lors de la Seconde Guerre mondiale et en Afrique du Sud au moment de l'apartheid, lorsque ces deux pays étaient sous embargo. Aujourd'hui encore, 30 % du carburant sud-africain est produit à partir du charbon, par la société Sasol.
Enjeu géopolitique
Mais l'Afrique du Sud n'est plus seule dans la course : la société chinoise Shenhua construit actuellement une usine de CTL à Erdos en Mongolie, dont le démarrage est prévu en juillet. Elle devrait produire 20 000 barils par jour. Et les autres pays attendent avec impatience les résultats de ce nouveau procédé (lire encadré ci-dessous). En cas de succès, ils pourraient s'engouffrer dans la brèche : plus de trente projets sont à l'étude dans le monde, dont une quinzaine aux États-Unis et une dizaine d'autres en Chine. Cependant, le coût de l'investissement (plusieurs milliards d'euros), modère les ardeurs : et si le prix du pétrole redescendait ?
Le coût du carburant ainsi produit reste très difficile à estimer. « Les industriels ne sont pas très loquaces sur les coûts et les rendements de leurs usines, ni sur leurs émissions ou leur consommation d'eau », regrette Serge Périneau, organisateur de la conférence. Le coût dépend aussi des conditions locales, notamment la facilité d'extraction du charbon, sa qualité, les particularités de l'usine.... Néanmoins, on estime qu'une tonne de charbon produit deux à trois barils, dont le coût varie entre... 25 et 100 dollars, avant un éventuel stockage du CO2 (ce qui n'est pas le cas de l'usine chinoise en construction, ni des sud-africaines). Ce stockage serait cependant moins coûteux par rapport à une centrale électrique, car le CO2 est déjà séparé des autres gaz. Reste que le stockage ne sera pas au point avant 2020, probablement trop tard pour de nombreux projets de liquéfaction.
Mais l'intérêt pour le CTL n'est pas seulement économique, il est aussi géopolitique. Contrairement au pétrole, majoritairement produit au Proche-Orient, le charbon est assez bien réparti dans le monde. Les États-Unis, la Russie, la Chine, l'Inde, l'Australie et l'Afrique du Sud se partagent 81 % des réserves. « Les enjeux environnementaux, économiques, technologiques et géostratégiques du CTL sont considérables », conclut Serge Périneau. Espérons que ce ne sera pas au détriment de l'environnement.