Que vous inspire les plans de sauvetage de la finance mondiale?161 milliards de dollars pour éradiquer la pauvreté et restaurer les systèmes naturels qui supportent la vie sur terre, ça peut sembler beaucoup comparé aux mille milliards dépensés à des fins militaires chaque année. Si nous avons tant à dépenser pour des objectifs militaires, si les Etats-unis et l’Union européenne peuvent respectivement investir 700 milliards de dollars et 1700 milliards d’euros pour sauver le système financier de la faillite, alors, nous pouvons certainement lancer le Plan B dans son intégralité. N’oublions pas que les enjeux sont considérables: si nous ne pouvons pas enrayer la disparition des écosystèmes, c’est-à-dire arrêter la déforestation, les prélèvements excessifs dans les nappes phréatiques, la destruction des prairies, l’érosion des sols et l’épuisement des ressources halieutiques, alors, notre civilisation ne pourra pas survivre. L’économie en dépend entièrement.La majeure partie de ces sommes ne sont que des garanties de paiement. Ce mécanisme peut-il être appliqué pour soutenir les investissements écologiques?Ce modèle, en effet, pourrait être adapté pour atteindre de nombreux objectifs que nous cherchons à atteindre afin de nous assurer un futur soutenable: protéger les forêts, économiser l’eau ou encourager l’investissement dans les énergies renouvelables.Voyez-vous un lien entre crise financière et écologique, par exemple à travers la spéculation sur les matières premières et les conséquences sociales sur les populations les plus fragiles?Il me paraît absolument clair que les valeurs et les mentalités actuelles, comme notre désir insatiable de consommer, combinées au peu de réflexion à long terme, sont à l’origine à la fois des crises financières et écologiques auxquelles l’humanité fait face. C’est cette mentalité qui a conduit les premières civilisations au déclin et à l’effondrement. Si nous restons dans ce "business as usual", nous connaîtrons un sort identique.Pensez-vous que l’ISR puisse contribuer à une économie plus soutenable? L’investissement socialement responsable nous aide à nous diriger vers une économie plus soutenable, mais ses limites sont imposées par le marché, qui ne délivre pas la vérité écologique. La pierre d’angle de l’édification d’une économie soutenable est d’introduire les coûts externes des produits et services que nous consommons, comme le prix du carbone en matière de changement climatique. Même si le marché fait bien pas mal de choses, il n’intègre pas ces coûts externes. Si nous parvenons à reformer le marché en ce sens, les effets seront beaucoup plus sensibles que par la voie de l’ISR.Quelle est votre opinion du Grenelle de l’environnement en France, et en particulier du système du bonus-malus, prémice de l’écofiscalité?Ma position et celle de nombreux économistes est que nous devons reconstruire les taxes. Nous avons besoin de réduire l’imposition sur le chiffre d’affaires au profit de l’environnement, à prélèvements constants. Encore une fois, le défi est de parvenir à ce que le marché exprime la vérité environnementale. Dans le dernier chapitre de mon livre, je cite Oystein Dahle, ancien vice-président d’Exxon Norvège: "Le socialisme s’est effondré car il ne permettait pas au marché d’exprimer la vérité économique. Le capitalisme pourrait disparaître s’il ne permet pas au marché d’exprimer la vérité écologique". Cette déclaration, je trouve, résume bien la situation.
Interview exclusive à paraître dans l'édition de cette semaine d'Environnement & StratégieJean-Philippe BondySite du Earth Policy InstituteSite de l'éditeur du Plan B, Souffle Court Editions