L'oxydation chimique est développée aujourd'hui pour la dégradation in situ de polluants persistants : les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) », indique Marie-Odile Simonnot, professeur responsable du groupe génie des procédés pour l'environnement et l'énergie du Laboratoire des sciences du génie chimique de Nancy, un des partenaires du Groupement d'intérêt scientifique sur les friches industrielles ( Gisfi).
Le projet ANR Oxysol 2008-2011 doit aboutir à l'élaboration d'une filière incluant un traitement in situ par oxydation, suivi d'une restauration des fonctions du sol. L'oxydation consiste à injecter dans le sol un composé chimique oxydant, qui réagit avec le polluant visé en le dégradant. Cette technique a, jusqu'à maintenant, surtout été utilisée pour traiter les solvants chlorés dans les nappes : la zone saturée du sol. Ce n'est que récemment qu'elle est développée pour traiter in situ la zone non saturée. « L'oxydant doit être suffisamment dispersé, aussi bien en profondeur qu'horizontalement. Mais pour ces premiers mètres de sol, il y a peu d'expérience de mise en oeuvre. Le défi est d'assurer une dispersion adéquate », éclaire Roger Jacquet, spécialiste des projets environnementaux chez Solvay.
Le permanganate de sodium, sous forme liquide, est prisé des opérateurs. Persistant, cet oxydant peut agir pendant plusieurs semaines dans le sol. Violet, il devient incolore après réaction avec le polluant, ce qui facilite le suivi de la réaction. « Mais il reste peu favorable à une végétalisation après traitement », souligne Marie-Odile Simonnot. Sa présence peut en effet entraîner la précipitation de dioxyde de manganèse, qui bloque le réseau poreux du sol, empêchant les racines de se développer.
Le peroxyde d'hydrogène est également souvent employé, avec du fer en solution, via la réaction de Fenton. « Des radicaux hydroxyles OH° sont créés. Ils dégradent activement les polluants », détaille Marie-Odile Simonnot. D'autres composés émergent, comme le persulfate de sodium et le percarbonate de sodium. Le premier combine persistance et formation de radicaux très efficaces. Le second présente aussi des potentialités intéressantes, mais il peut entraîner une augmentation du pH du milieu. Leurs comportements dans le sol doivent encore être étudiés. Un traitement par oxydation efficace donne du dioxyde de carbone. « Mais entre les HAP et ce produit final, de nombreux composés intermédiaires de dégradation se forment. Et on ne connaît pas encore le détail des mécanismes de cette dégradation », indique Marie-Odile Simonnot.
Par ailleurs, ces oxydants chimiques ne sont pas sélectifs et attaquent aussi la matière organique. D'où l'intérêt de faire suivre un traitement par oxydation d'une restauration des fonctions du sol. « Nos choix de conception sont guidés par nos connaissances des sols naturels et anthropisés », explique Geoffroy Séré, chef de projet réhabilitation et gestion de sites du groupe TVD. Des sous-produits papetiers, notamment, sont ajoutés à la terre. Le mélange est disposé en couches ou horizons, chacun ayant une fonction définie : support de croissance, réserve en eau. Après leur mise en place, ces sols évoluent sous l'effet de la végétation, du climat et de la faune. Le projet Oxysol doit désormais se poursuivre sur le terrain. « Les manipulations ont commencé en septembre, sur la plateforme expérimentale du Gisfi à Homécourt, en Lorraine », annonce Marie-Odile Simonnot.