Le secteur du bâtiment recrutait encore en 2008, mais plus cette année : 36 600 emplois perdus au premier semestre aux compteurs de la Fédération française du bâtiment ( FFB). Ce sont surtout les intérimaires qui en ont fait les frais avec la disparition de 21 200 équivalents temps plein. Les plus optimistes espèrent une stabilisation de la situation dès l'an prochain mais, entré dans la crise plus tardivement grâce notamment à l'épaisseur des carnets de commande, le secteur risque aussi d'en sortir après les autres...
Sans surprise, l'écoconstruction résiste davantage. Mais ce « secteur » présente des contours encore bien flous. Parle-t-on des entreprises et maîtres d'oeuvre depuis longtemps estampillés « verts » (bureaux d'études thermiques ou HQE, fabricants d'isolants naturels...), des plus récemment convertis, des majors à l'implication variable ou des artisans partis à l'assaut d'un marché de la rénovation énergétique dopé au Grenelle ? « En construction neuve, les entreprises engagées depuis plusieurs années dans l'écoconstruction ont des carnets de commande encore étoffés : entre neuf et dix-huit mois en fonction des métiers au lieu de trois à six mois pour les autres », constate Mickaël Micmacher, directeur de l'Institut de formation à l'écoconstruction ( Ifeco) et président de la fédération nationale Ofeco, qui rassemble depuis un an douze organismes similaires.
Du côté des architectes et de l'ingénierie, on observe un lent verdissement des recrutements (lire l'interview p. 61 de Dominique Noël) tandis que les majors freinent nettement leur rythme des embauches. Avec combien d'emplois vraiment liés à l'environnement à la clé ? À quelle échéance ? « Chaque année, 100 000 personnes viennent en moyenne renouveler nos effectifs. Moins optimiste que la fameuse étude du Boston Consulting Group (lire ci-dessous), nous prévoyons un flux supplémentaire de 15 000 à 20 000 emplois liés au verdissement de la construction. Certaines entreprises vont prendre ce virage et acquérir les compétences nécessaires en recrutant ou en formant leurs salariés », prévoit Armel Le Compagnon, président de la commission nationale formation-emploi de la FFB. Le mouvement devrait, selon lui, vraiment s'accélérer en 2010 ou en 2011. De lucratives perspectives s'ouvrent parallèlement sur le front de la rénovation énergétique. Dès à présent, le syndicat des artisans, la Capeb, estime que les 30 000 écoprêts à taux zéro accordés depuis leur lancement en avril dernier pourraient permettre la préservation de 6 000 à 10 000 emplois. « La forte demande à venir devrait soutenir la création de nombreux emplois, particulièrement dans les lots techniques. Cela reste toutefois difficile à quantifier », ajoute Armel Le Compagnon.
Des métiers qui, en neuf comme en rénovation, devraient par ailleurs gagner en matière grise et en technicité. « Maîtres d'ouvrage, bureaux d'études ou cabinets d'architectes auront pendant plusieurs années besoin de recruter annuellement environ 250 ingénieurs en thermique du bâtiment », estime Bernard Baudoin, responsable de l'année de spécialisation « bâtiment à énergie positive » qui accueillait ses premiers étudiants en octobre à l'École des mines de Douai. « Nous avons identifié plusieurs bureaux d'études qui se spécialisent dans le contrôle de l'étanchéité à l'air des bâtiments et ont besoin d'ingénieurs et de techniciens, complète Valérie Le Coq, coordonnatrice du réseau Territoire environnement emploi ( TEE) Ile-de-France. Ils sont aujourd'hui une cinquantaine en France, contre 8 000 en Allemagne... »