En matière d'énergie, la diversification multicombustible est assurément une stratégie anticrise. Parier sur une seule énergie relève de la folie, surtout s'il s'agit d'énergie nucléaire. Vingt-cinq ans après Tchernobyl, la catastrophe de Fukushima a inauguré un nouvel hiver nucléaire, auquel échappent, pour le moment, le Royaume-Uni, la Tchéquie, la Pologne, l'Inde, la Chine... et la France, avec Flamanville 3 et le projet de Penly. L'Allemagne et la Suisse ont annoncé leur sortie de l'atome, l'Italie a abandonné son programme, l'Afrique du Sud hésite. Les grandes entreprises doivent s'adapter. Total, qui ambitionnait de se lancer dans le secteur à l'occasion de Penly, n'en parle plus. Scottish & Southern Energy vient de jeter l'éponge au Royaume-Uni (lire encadré). Début septembre, Areva a communiqué sur deux contrats de centrale à biomasse gagnés coup sur coup, dont un en France, avec autant d'ardeur que s'il s'agissait d'un EPR. Le groupe va aussi ouvrir une usine d'éoliennes offshore au Havre.
Mais le cas le plus éloquent reste Siemens. Non content d'avoir quitté Areva NP (la filiale réacteurs du groupe français) en 2009, le conglomérat allemand vient de laisser tomber le russe Rosatom. La nationalité du groupe le rend désormais moins crédible sur les appels d'offres nucléaires, mais c'est surtout une réalité économique qui a poussé Siemens à cette décision : le gros du business se fait aujourd'hui sur les énergies renouvelables. En témoigne l'évolution du carnet de commandes entre 2009 et 2010 : + 23 % pour les ENR, une progression deux fois supérieure à celle de l'oil & gas (+ 11 %). Les centrales thermiques, première activité du groupe dans l'énergie, chutent de 18 %. La branche, qui inclut le nucléaire, reste en tête sur le plan de la marge opérationnelle (15,9 %), mais devrait être rejointe par les ENR, que le groupe voit passer de 11,3 % en 2010 à 15 ou 16 % à moyen terme.
Les équipementiers, en particulier les turbiniers, ont moins à se fondre dans ce nouveau décor. En effet, ils opèrent aussi sur le marché du service et de la rénovation de centrales nucléaires et sont assurés d'avoir du travail rien qu'avec le parc existant. « La rénovation des îlots conventionnels, avec le remplacement de composants essentiels tels que les rotors de turbines, permet d'augmenter sensiblement la capacité de production et d'étendre la durée de vie des centrales », explique Alstom. Et si ce parc devait malgré tout fermer, il restera toujours à ces industriels les centrales avec capture et stockage de CO2. C'est notamment le credo de General Electric, aujourd'hui connu autant pour son offre de CCS en précombustion (le procédé IGCC) que pour son alliance nucléaire avec Hitachi, firme... japonaise !