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Le mécanisme économique actuel ne correspond plus à la réalité du photovoltaïque », expose Arnaud Mine, pré sident de la branche au Syndi cat des énergies renouvelables (SER). Depuis 2006, en effet, l'électricité solaire est systé mati quement vendue à EDF, et c'est la CSPE (contribution au service public de l'électri cité) qui compense la diffé rence entre le prix d'achat de l'électricité de gros et celui de l'électricité solaire, ainsi que le coût du transport. Or la parité réseau entre l'électricité conventionnelle et l'électricité photovoltaïque pourrait être atteinte dès 2014 ou 2015 dans le sud de la France.
Une installation bien dimen sionnée peut couvrir environ 30 % des besoins d'un particu lier et jusqu'à la totalité de la consommation d'un bâtiment comme un supermarché. « Favoriser dès maintenant l'autoconsommation est à la fois un moyen de soulager la CSPE, de relancer le secteur du photovoltaïque et d'anticiper le marché de demain », résume Richard Loyen, secré taire général d'Enerplan, le Syndicat des professionnels de l'énergie solaire. Tout semble n'être effectivement qu'une question de temps avant que cela devienne la norme.
C'est déjà le cas outre-Rhin.
« L'Allemagne a eu pendant deux ans un système incitatif selon lequel les kilowattheures autoconsommés étaient récompensés par une prime, rappelle Gaëtan Masson, économiste à l'Epia (European Photovol taic Industry Association). Aujourd'hui, le prix d'achat de l'électricité photovoltaïque est plus faible que celui de l'électricité traditionnelle, ce qui incite les producteurs à consommer autant d'électricité solaire que possible. » Faut-il créer une prime semblable en France ? « Un tel système impose deux compteurs pour chaque installation et s'avère assez lourd administrativement, estime Richard Loyen. Il faut donc voir s'il est préférable de valoriser l'autoconsommation ou de la rendre en partie obligatoire. » Un avis que partage le SER. « On pourrait imaginer qu'à partir du moment où l'on autoconsomme 60 % de sa production, le reste peut être vendu à un tarif avantageux, ou encore envisager un système d'augmentation du coefficient d'occupation des sols pour les bâtiments selon leurs perfor-mances énergétiques, propose Arnaud Mine. L'objectif est surtout de mettre en place des réglementations qui permettent d'accompagner la filière. »
Outre la question de l'incita tion, il reste quelques obstacles d'ordre administratif à surmon ter pour favoriser l'autoconsom mation. Il faudrait ainsi autoriser la vente de l'électricité à des ache teurs volontaires, et non plus à un seul acheteur obligé, afin d'ouvrir la porte à l'autoconsommation en boucles locales, à l'échelle d'un quartier ou d'une commune. Il serait également indispensable de rendre transparente la tarification du transport de l'électricité et de l'adapter à la distance entre le site de production et celui de consom mation. « Il faudra alors voir comment compenser les manques à gagner des distributeurs d'électricité, comme ERDF en France, relève Gaëtan Masson. Mais les adaptations du réseau pour le développement du nucléaire ont été payées par l'État, il n'y a pas de raison qu'il en soit autrement pour les besoins des renouvelables. »
Certains acteurs n'ont pas attendu ces aménagements pour se lancer. La Région Aqui taine vient ainsi de lancer un appel à projets, doté de 1,6 million d'eu ros, à destination des collectivités locales, des activités tertiaires publiques ou privés, des entre prises et des bailleurs sociaux, pour la pose d'installations photo voltaïques destinées à l'autocon sommation. « Notre objectif est d'encourager les donneurs d'ordres à atteindre la norme Bâtiment à énergie positive et d'obtenir des démonstrateurs pour l'innovation technologique dans ce domaine », explique Peggy Kançal, conseillère régionale d'Aquitaine en charge du plan climat. Dans le cadre du projet Saint-Charles Solaire 2, à Perpignan, une trentaine d'entre prises vont, quant à elle, lancer début 2014 un appel d'offres collectif pour des installations vouées à l'autoconsommation. D'ici là, les professionnels espèrent que l'État adoptera des mesures favorables.