Une multiplication par 2,3 en dix ans. Voilà l'évolution que pourrait suivre le marché mondial de la géothermie dans les dix prochaines années, selon une étude menée par l'Ademe et Capgemini Consulting. Cela représenterait un chiffre d'affaires de 3,3 milliards de dollars par an d'ici à 2023, pour une capacité installée annuelle de 825 MW. Or, les industriels français pourraient se réserver une part du gâteau : « Notre étude montre que la France a toutes les compétences pour mener des projets de A à Z, expose Philippe La Plaige, ingénieur expert à l'Ademe. Il y a bien quelques secteurs à développer, notamment dans l'exploration et le forage, mais le succès de la géothermie française à l'export dépendra surtout de l'organisation de la filière. »
La première étape du plan d'action pour l'export, établi par l'Ademe et les acteurs du secteur, va donc consister à créer un cluster français. « D'ici à la fin de l'année, pour ensuite se montrer à l'international, lors de grands événements par exemple », souhaite Christian Boissaby, président de l'AFPG, l'Association française des professionnels de la géothermie.
L'Ademe et ses partenaires travailleront, dans le même temps, sur un autre point indispensable au succès de l'exportation : la mise en place d'une garantie pour les forages d'exploration et de production. « Nous avons aujourd'hui un système assurantiel, qui fonctionne très bien pour la géothermie basse température. Celui-ci rembourse au maître d'ouvrage le coût du forage s'il ne fournit pas au moins 50 % de la puissance estimée, explique Philippe La Plaige. Ce fonds de garantie est constitué de subventions, de cotisations des professionnels et de revenus générés grâce aux placements de la trésorerie en obligations. Ce qu'il nous faut à présent, c'est un système identique pour la géothermie haute température. » Selon les estimations de l'Ademe, pour soutenir dans un premier temps dix projets d'électricité géothermique, il faudrait une dotation initiale de 50 millions d'euros, pour laquelle les industriels consultés seraient prêts à contribuer à condition que les banques et l'État participent. « Nous allons donc lancer une nouvelle étude afin d'estimer les moyens nécessaires à l'assurance de l'équilibre financier et également définir les modalités juridiques d'un tel fonds », poursuit l'expert de l'Ademe. Quant aux pays à cibler, l'étude a déjà permis aux professionnels de les repérer : « Indonésie, Afrique de l'Est et Amérique du Sud, d'autant que ces zones ne sont pas encore trop engagées avec d'autres grands exportateurs », note Christian Boissy. Reste que, pour se faire une place à l'international, il faut souvent disposer de références dans son propre pays.
Et c'est peut-être un point faible que les industriels vont devoir combler. « En tant qu'investisseur, la CDC et ses filiales espèrent pouvoir soutenir les industriels à l'export, expose Éric Lecomte, responsable du département énergie-environnement de la CDC. Mais il faudra d'abord qu'ils montrent leur savoir-faire sur le territoire. » Pour le moment, la France ne dispose que de la centrale de Bouillante, en Guadeloupe, et de celle, expérimentale, de Soulz-sous-Forêt, en Alsace. Mais la révolution est peut-être en marche : une première centrale de géothermie haute température est en construction dans l'Hexagone à Rittershoffen, en Alsace, et six permis de recherche ont été attribués ces derniers mois en métropole.