Jusqu'où ira la vague du financement participatif ? Quand ce n'est pas une nouvelle plateforme qui se fait connaître, c'est une entreprise qui lance un appel à l'épargne citoyenne. Les projets liés à l'environnement n'échappent pas à la tendance. Qu'on en juge ! Spécialisé dans les cosmétiques bio, Karethic a choisi d'ouvrir son capital via la plateforme Sora-equity, tout comme Bornéo, concepteur de mobilier urbain alimenté en énergie solaire. Autre exemple, dans l'immobilier, Etic fon ciè-rement responsable s'est lancé avec 1001pact.com. Et Solaire Box, qui couple construction en bois et panneaux photovoltaïques, avec Sowefund. « De la part des entrepreneurs, il y a une grande demande de fi nan cement participatif. Entre 100 000 et un million d'euros, il manquait un maillon dans la chaîne de financement », tranche Alexis Loubère, gérant de Sora Finance, qui a créé la plateforme Sora-equity.
Tôt ou tard, le marché se consolidera. En attendant, c'est l'effervescence ! « Le financement participatif, c'est le numérique qui entre dans le monde de la finance et va profondément le transformer. Personne ne sait comment, mais tout le monde essaie d'en profiter », observe Alexandre Raguet, ambassadeur pour la France du réseau européen ECN (European Crowdfunding Network).
D'un côté, des porteurs de projet. De l'autre, des particuliers souhaitant placer leur épargne. Entre les deux, des plateformes internet jouant les prestataires de services. Pour encadrer cette activité, la France s'est dotée d'une réglementation avec une ordonnance publiée en mai 2014, puis un décret en septembre. Depuis le 1er octobre dernier, les plateformes de financement participatif bénéficient de statuts spéciaux et doivent respecter des règles précises. Elles concernent notamment des limites sur les montants collectés et des obligations de communication auprès des investisseurs. « Ce cadre légal nous donne une légitimité », se réjouit Mehdi Gaiji, directeur général d'Inidev Épargne citoyenne, une plateforme spécialisée dans les énergies renouvelables et la ville durable.
À ce jour, il n'est possible de récolter des fonds qu'auprès de particuliers fiscalisés en France pour des projets situés sur le territoire. Mais ceci posé, le financement participatif peut prendre plusieurs formes. « Ce terme générique recouvre des métiers vraiment très différents », pointe Alexandre Raguet. Les formes les plus simples sont le don d'argent et le prêt sans intérêts, qui obéissent aux règles de droit ordinaires. Si la réglementation française a instauré des statuts particuliers, c'est pour d'autres formes de soutien. D'abord, pour le prêt avec intérêts. Un métier qu'exerce Lendosphère, une plateforme spécialisée dans les projets liés au développement durable. Fondée en décembre 2014, elle a dépassé, fin mai, la barre des 500 000 euros prêtés par des citoyens. Et comme toute plateforme de financement participatif, l'argent ne transite pas par ses comptes. « Les contrats sont conclus entre les prêteurs et le porteur de projet », précise Laure Verhaeghe, sa présidente. Son métier consiste à accompagner le porteur de projet dans sa commu-ni ca tion, à éditer les contrats de prêt, à gérer la répartition des remboursements…
Pour l'exercer, Lendosphère a dû obtenir le statut d'intermédiaire en financement participatif, un des deux statuts créés par la nou-velle réglementation. L'autre est celui de conseiller en investissement participatif. Il ne concerne pas les prêts, mais les entrées au capital d'entreprises et les émissions d'obligations financières.
Dans tous les cas, l'engouement ne doit rien au hasard. Ce nouveau modèle s'avère complémentaire des circuits financiers classiques. Les plateformes en ligne permettent de collecter des sommes certes plus petites qu'avec les banques, mais plus rapidement. Pour les jeunes entreprises innovantes, « le financement participatif présente un grand intérêt quand on n'a pas encore accès aux fonds traditionnels, qui demandent des garanties en matière de propriété intellectuelle ou de modèle économique », témoigne Jérôme Michaud-Larivière, président de NewWind. Cette start-up est à l'origine de l'Arbre à vent, un système de production d'électricité en forme d'arbre dont les feuilles agissent comme des micro-turbines. Après trois levées de fonds pour financer sa R & D, en grande partie grâce au participatif, NewWind estime être maintenant assez avancé pour aller frapper à la porte des fonds classiques.
Mais l'intérêt du participatif n'est pas uniquement financier. « Les particuliers qui investissent nous contactent et nous interrogent, relate le dirigeant. Ils sont ensuite autant d'ambassadeurs de notre produit. Les échanges avec eux sont très fructueux et réconfortants dans un parcours d'innovation semé de sarcasmes. » Dans la Vienne, la société d'économie mixte Sergies observe aussi une mobilisation des citoyens. Sergies vise une part de sources renouvelables sur son territoire équivalente à 45 % de la consommation d'énergie en 2025. Elle a testé différents partenariats : avec une banque (Crédit agricole), une plateforme de financement participatif (Lumo), un fonds citoyen (Énergie partagée). « Le financement participatif est un vrai levier d'acceptabilité et de mobilisation des citoyens et des élus », note Emmanuel Julien, président du directoire de Sergies . Il y voit un grand avantage : mobiliser des centaines de particuliers à travers un seul interlocuteur. « Mais attention à ne pas perdre la rela-tion humaine », prévient-il. Bâtir une communauté et l'animer, telle serait la clé du succès pour la myriade de plateformes de financement participatif. « Au-delà de l'aide à la communication, l'intérêt de nous rejoindre tient dans notre réseau de contacts », abonde Emmanuelle Paillat, directrice opérationnelle de Blue Bees, une plateforme spécialisée dans l'agro-écologie, la consommation bio, paysanne et locale. « Notre idée est de créer une synergie entre notre réseau de distribution et les porteurs de projet. Mais aussi entre les porteurs de projet eux-mêmes. » Pour que l'engouement s'installe dans la durée. l