La transition écologique exige que la finance se réoriente vers une économie sobre en carbone. En voyez-vous des signes tangibles ?
PC : On est passé d'un niveau proche de zéro à une dynamique encore minoritaire, mais réelle. Jusqu'à présent, le climat était un non-sujet pour les acteurs de la finance. Seuls ceux impliqués dans l'investissement socialement responsable se sentaient concernés. La bataille culturelle en cours consiste à faire intégrer le risque climatique à l'ensemble du monde de la finance.
Concrètement, qui en France a pris aujourd'hui des engagements ?
PC : Avant le Climate Finance Day, en mai, personne n'aurait imaginé qu'Axa s'engage dans le désinvestissement du charbon. En France, des acteurs comme la Caisse des dépôts et Amundi sont également actifs. Et il y a la Bourse Euronext, qui travaille sur une méthodologie d'un indice bas carbone. Les fonds de pension FRR et Erafp ont aussi pris des engagements de désinvestissement. Pour autant, les banques françaises restent très frileuses et ne réagissent que sous la pression des ONG pour se retirer de projets dans les énergies fossiles. Il n'y a pas suffisamment de portage politique au plus haut niveau.
Quel peut être le rôle de l'État ?
PC : À mon avis, l'État a un rôle de stratège. Il doit avoir une vision d'intérêt général. Alors que le choix du nucléaire a été mené jusqu'au bout, tout comme celui du TGV, il y a aujourd'hui sur l'énergie beaucoup de paroles et peu d'actes. La France a tout pour réussir cette transition. Elle possède des champions, mais malheureusement aussi des rentes qui s'y opposent, notamment dans le secteur de l'électricité.
La loi sur la transition énergétique impose aux investisseurs de communiquer sur leur exposition au risque climatique. Est-ce une initiative intéressante ?
PC : C'est une victoire d'être par venu à imposer cette empreinte carbone. En moins d'un an, on est passé d'initiatives de quelques pionniers à un cadre qui vaut pour tous. Quand on parle du changement climatique aux acteurs finan-ciers, on ne peut pas se contenter de la dimension morale. Cette entrée par le risque correspond mieux à leur manière de réfléchir. Des travaux sont aussi en cours au plan international pour construire un « stress test climat ». À l'image des tests jaugeant la résistance des modèles bancaires à une crise financière, l'idée est d'évaluer le comportement des actifs financiers dans un monde à + 3, + 4 ou + 5 °C. C'est une préoccupation bien réelle. D'ailleurs, les ministres des Finances du G20 ont mandaté les gouverneurs des banques centrales pour plancher sur les outils nécessaires à l'évaluation du risque climatique.
Quels liens avec la COP 21 ?
PC : La ré or ientation des financements n'est pas un sujet traité directement dans le cadre de la COP 21, et tant mieux ! L'essentiel est d'installer le climat au cœur du système financier international. Pas de le cantonner aux instances onusiennes. La jonction de ces deux mondes est fondamentale, car l'accord de Paris ne suffira pas à limiter le réchauffement à 2 °C. Il devra être complété par d'autres moyens. Sans la finance, pourra-t-on décarboner les 5 000 milliards de dollars d'investissements mondiaux annuels dans les infrastructures ?