On la croyait presque condamnée. La méthanisation à la ferme devait progressivement s’effacer au profit des projets « de territoire », seuls capables d’atteindre une taille critique et un retour sur investissement digne de ce nom. Certes, les installations modestes ont toujours intérêt à s’associer pour méthaniser collectivement leurs lisiers et autres fumiers. Mais au-delà de 5000 à 8000 tonnes par an, un nouveau modèle pointe le bout de son nez.Un modèle taillé pour les agriculteurs dont les projets peinent à aboutir, car ils n’ont ni débouché local de chaleur, ni les moyens de dépenser 100.000 euros par an pour louer un poste d’injection dans le réseau et analyser leur biométhane en continu. Ce modèle s’impose naturellement dans une filière où les groupements agricoles d'exploitation en commun (Gaec), les coopératives et autres fruitières ont prouvé les vertus des investissements collectifs. Un modèle dit de « biogaz porté ». En France, on recense une dizaine de groupes de travail étudiant la possibilité de laisser aux agriculteurs le soin de construire leur méthaniseur tout en organisant un système de collecte pour l’injection ou la cogénération du biogaz en un point unique.L'équation technico-économiqueSur le papier, cette décorrélation de la production et de la valorisation combine tous les avantages. D’un côté, les agriculteurs maîtrisent leurs investissements, alimentent leur digesteur avec leurs déchets organiques et leurs cultures intermédiaires à vocation énergétique (Cive) et épandent leurs digestats… De l’autre, on peut localiser le point d’injection de façon optimum en fonction de critères de disponibilité du foncier, d’accessibilité du site et du tracé du réseau de transport de gaz, moins congestionné que le réseau de distribution, en particulier en été.Portée par la société de projet Cobiogaz, l’une des premières unités de biogaz déporté pourrait être construite à Caulnes, dans les Côtes-d’Armor, d’ici à 2020, avec une zone de chalandise d’une trentaine de kilomètres. « Plusieurs scénarios techniques sont envisagés pour la collecte », décrit Mathieu Dufour, responsable du développement de la méthanisation chez Triskalia, un groupe breton de coopération agricole et agroalimentaire qui participe à ce projet. Pour réduire son volume au maximum, le biogaz peut être liquéfié par cryogénie, ce qui impose un traitement préalable. « Pour plus de simplicité, nous sommes plutôt partis sur une épuration ordinaire au niveau du méthaniseur, afin d’éliminer l’eau et les composés soufrés très corrosifs, puis sur une compression avant de finir le traitement sur le site d’injection pour obtenir du biométhane », poursuit Mathieu Dufour. Mais l’équation technico-économique sera-t-elle soutenable ? Cela reste à confirmer. Les recherches commencent à peine.Olivier Descamps