Pour faire un quartier solaire « intelligent », prenez des panneaux solaires, des batteries lithium-ion, des compteurs communicants, des algorithmes de prévision de la production photovoltaïque et de la consommation d’électricité, et enfin des technologies de pilotage à distance. Mélangez le tout dans un appel à manifestation d’intérêt de l’Ademe, ajoutez un budget de 30 millions d’euros, dont 4 millions financés par l’Ademe et sept millions par l’Union européenne. Et vous obtenez Nice Grid, premier démonstrateur de quartier solaire intelligent en France, situé dans la zone industrielle de Carros à 20 kilomètres de Nice. Au total, 300 foyers et 11 clients industriels y ont participé. L’expérimentation a été lancée fin 2014.Des batteries adaptablesL’installation comprend une batterie de 1 MW au poste source d’Enedis (ex-ERDF), une autre de 250 kW au poste de transformation haute tension–basse tension, mais aussi deux de 33 kW raccordés au réseau basse tension et vingt de 4 kW chez des habitants volontaires possédant des panneaux photovoltaïques. Des technologies lithium-ion de Saft. « Ce sont des batteries adaptables à différentes utilisations et différentes tailles, indique Mickaël Lippert, responsable du marketing et du développement commercial chez Saft. Celle du poste source répond à des surcharges de courte durée, avec des temps de réaction de quelques millisecondes, tandis que les batteries chez les particuliers sont plutôt conçues pour stocker de l’énergie sur plusieurs heures. » Autrement dit, la batterie du poste source sert surtout en soutien au réseau, tandis que les résidentielles sont utilisées en lissage de la production.Intégrer le photovoltaïqueLes objectifs sont multiples : optimiser l’intégration de l’électricité photovoltaïque au réseau, tester les modèles économiques liés aux réseaux intelligents, et même tester la manière dont le quartier peut fonctionner de façon autonome pendant quelques heures. Trois types d’expérimentation ont donc été menés. Tout d’abord, la réduction de la consommation de pointe en hiver, pendant laquelle on décharge les batteries entre dix-huit et vingt heures. Ensuite, l’aide à l’intégration de la production photovoltaïque en été. Comme les batteries sont programmables, lorsqu’un épisode très ensoleillé est prévu, il est aisé de les décharger afin de pouvoir profiter au mieux de leurs capacités. Troisième expérimentation : l’îlotage : la déconnection totale du quartier de Carros pendant cinq heures. « C’est le cas le plus difficile techniquement. Mais une telle déconnection peut arriver, par exemple quand un feu de forêt oblige à couper une partie du réseau », souligne Mickaël Lippert. Cet îlotage n’a eu aucun impact sur les usagers, et aurait pu se prolonger encore pendant quatre heures.Les exigences du confinementDe cette expérience, Enedis a tiré plusieurs conclusions. D'abord, la batterie est difficile à installer. Pas pour des raisons techniques. Pour les électriciens, c’est un environnement connu. La difficulté provient de l’absence de normes de sécurité. L’obtention du permis de construire a ainsi été difficile, avec d’énormes exigences en matière de confinement. Les batteries, encombrantes, sont difficiles à installer en milieu urbain. Elles doivent donc être prévues en amont de tout projet. Malgré un taux de disponibilité de 90 %, leur fiabilité reste insuffisante. « Cela ne correspond pas encore aux standards requis dans les réseaux de distribution », précise Christophe Le Bossé, chef du projet Nice Grid, chez Enedis. Enfin, si les rendements des batteries elles-mêmes sont élevés, la consommation des auxiliaires fait largement baisser ces bons chiffres. En cause : les exigences de confinement pour raisons de sécurité, qui impliquent le recours à de la climatisation afin de rafraîchir les batteries, même lorsque cette dernière est au repos.Rentabiliser ces batteriesCela dit, sur le plan des services rendus, l’expérience Nice Grid est un succès : les batteries et le système associé ont parfaitement rempli leur rôle. « Nous avons même été surpris de leurs capacités de réaction lorsque nous sommes passés en mode complètement déconnecté, déclare Christophe Le Bossé. Mais économiquement, est-ce pertinent ? » Les batteries sont surtout nécessaires lorsque le photovoltaïque produit trop l’été, soit quarante à cent jours par an, et pour l’effacement des pics de demande en hiver, au maximum dix à vingt jours. Or, « si on veut rentabiliser ces batteries, souligne Christophe Le Bossé, il faut les utiliser tous les jours. »Cécile Michaut