La salle était comble, le 31 janvier, quand la FNCCR a organisé une table-ronde sur le sujet. La fédération nationale des collectivités concédantes et régies voulait mettre en avant des projets français à base de blockchain. Cette technologie permet de stocker et d'échanger des informations de manière totalement décentralisée, sans tiers de confiance mais sécurisée. Soit pour délivrer des certificats de garantie d'origine, comme avec le projet Solarcoin pour la production d'électricité photovoltaïque (voir notre article). Soit pour archiver des transactions. Ou même pour automatiser des transactions.« Dans les secteurs comme l'énergie où il existe de grands acteurs institutionnalisés, la blockchain sera forcément un peu longue à se déployer », concède Claire Balva, cofondatrice de la start-up Blockchain France. Pourtant, les projets se multiplient. « En France, on parle encore assez peu de la blockchain dans l'énergie. Mais c'est un sujet très largement discuté en Allemagne, aux Pays-Bas, en Australie… », comparait Pascale Jean, responsable du département Énergie chez PwC France, à la mi-décembre 2016. Le cabinet présentait alors une étude sur le sujet.Un levier d'accélérationLa blockchain n'en est qu'au stade du concept ou du prototype. Mais elle est vue comme une technologie facilitatrice de la transition énergétique. « Un modèle décentralisé émergera quoi qu'il arrive. La blockchain peut être un levier d'accélérération », analyse Pascale Jean. Le constat est partagé par Olivier Sellès, responsable innovation énergie et smart grids chez Bouygues Immobilier : « La blockchain ne permet pas de réaliser des projets radicalement nouveaux sur le plan technologique. Par contre, elle peut les rendre pertinent sur le plan économique ».A l'étranger, les projets sont divers. Le plus médiatisé est celui de Brooklyn, testé depuis avril 2016 et nommé Brooklyn Microgrid. L'idée est de gérer l'autoconsommation photovoltaïque collective au niveau d'un quartier. La start-up hollandaise Oneup va plus loin. Elle veut piloter l'approvisionnement et les transactions d'énergie entre dix ménages d'un même lotissement. Chaque bâtiment est équipé d'un compteur communicant connecté à un mini-ordinateur. Comme à Brooklyn, l'énergie non-consommée par un ménage producteur est vendue aux voisins et facturée à l'aide de la technologie blockchain. Sauf que, à la différence de Brooklyn, le logiciel pourra déclencher automatiquement la transmission d'énergie et le paiement avec une crypto-monnaie. Toujours aux Pays-Bas, Vattenfall travaille aussi avec la start-up Powerpeers sur le partage d'énergie de pair à pair. L'objectif : permettre aux consommateurs de choisir à qui ils achètent l'électricité. La blockchain y est utilisée pour échanger les données, pas pour régler les factures.La recharge en itinéranceDe son côté, la start-up allemande Slock.it est associée à l'énergéticien RWE. Ils travaillent sur le paiement de la recharge de véhicules électriques. Soit par l'intermédiaire d'un smartphone, soit en faisant directement communiquer la voiture et la borne. Dans son étude, PwC présente aussi le projet de recherche Exergy de LO3 Energy. Il s'appuie sur la blockchain pour chauffer des habitations avec la chaleur générée par des centres de données. Ou encore, en Autriche, GridSingularity vise la mise en relation de producteurs d'énergie, gestionnaires de réseau, régulateurs et consommateurs par l'intermédiaire d'une plateforme blockchain. Au Danemark, Mpayg développe un système de transactions pour la fourniture d'énergie solaire dans les pays en développement. En Afrique du Sud, le projet Bankymoon doit déboucher sur un dispositif de facturation pour compteurs intelligents à base de bitcoins, crypto-monnaie utilisant la blockchain. Enfin, dans le cadre de son offre Artik, Samsung propose un ensemble d'outils pour la maison intelligente, l'automobile, la smart city… Le groupe coréen s'appuie sur la technologie blockchain de Slock.it.La France n'est pas en reste. A Lyon, Bouygues Immobilier développe une technologie blockchain à l'échelle d'un bâtiment. L'objectif est d'informer les habitants sur la part de leur consommation électrique produite localement.Sans oublier les quatre projets de Sunchain, une start-up tricolore. L'un à l'échelle d'un bâtiment équipé de panneaux solaires et de compteurs communicants. Objectif : savoir qui consomme l'électricité solaire. Le deuxième cible les centrales solaires au sol, qui vont injecter de l'électricité dans le réseau de distribution local. Dans ce cas, « nous allons préconiser la création d'une coopérative par les habitants du quartier. Elle sera propriétaire de la centrale située à côté de chez eux », imagine André Joffre, P-DG du bureau d'études Tecsol et cofondateur de Sunchain. Il cite un troisième projet développé pour le Conseil général des Pyrénées Orientales. Il concerne plusieurs bâtiments dont le Département est propriétaire. L'idée est de faire coïncider la production solaire de certains d'entre eux avec la consommation des autres. Enfin, Sunchain réfléchit à un projet impliquant 100 installations photovoltaïques et autant de véhicules électriques. L'idée est de recharger sa voiture en itinérance avec la production de sa propre centrale solaire, même quand l'on recharge ailleurs que chez soi.Thomas Blosseville