Les charges d'EDF pour le démantèlement sont-elles sous-provisionnées ? L'électricien ne fait-il pas le pari du prolongement de la durée d'exploitation pour retarder le démantèlement ? Et, tout simplement, maîtrise-t-il le démantèlement de ses installations ? C'est à ces questions qu'était invité à répondre Dominique Minière, directeur exécutif du groupe en charge du parc nucléaire, devant la Commission du développement durable de l'Assemblée nationale. Une audition qui fait suite à la présentation, le 1er février dernier, du rapport sur la faisabilité technique et financière du démantèlement des installations nucléaires de base, à laquelle le président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), Pierre-Franck Chevet était également invité.« La faisabilité technique du démantèlement des réacteurs à eau sous pression (REP) est acquise. L'enjeu, désormais, c'est l'optimisation des opérations. Pour les autres technologies de réacteurs, la faisabilité est à notre portée », a indique Dominique Minière. EDF démantèle actuellement 9 réacteurs de 4 technologies différentes, constituant le parc de première génération. Le réacteur REP en démantèlement est celui de Chooz A, qui est dans le planning prévu, et qui est similaire (hormis la puissance) au parc de 58 réacteurs nucléaires en fonctionnement. Raison pour laquelle Dominique Minière est confiant sur la réduction des coûts liées à un effet de série et à la mutualisation. « C'est le même effet de série qu'à la construction », estime le directeur exécutif d'EDF. Il était alors de 40 %, selon l'ASN.Concernant la durée du démantèlement, EDF a rappelé que la doctrine du démantèlement immédiat a été adoptée dans les années 2000. Elle a donc été appliquée à la centrale de Brennilis tardivement, étant donné qu'elle a arrêté de fonctionner en 1985. « Le décret de démantèlement date de 2011, et les dernières opérations sont prévues en 2032, d'où une durée de démantèlement de 20 ans et non de 47 ans », selon Dominique Minière.Sur les réacteurs de la filière UNGG, pour lesquels EDF a repoussé la date de démantèlement final de 2041 au-delà de 2100, c'est Pierre-Franck Chevet qui apporte les explications : « Le démantèlement devait se faire sous eau, mais les appels d'offres ont été infructueux. EDF a donc décidé de mener un démantèlement sous air. Nous pensons cependant que le calendrier peut-être raccourci. » Et les députés ont réussi à extorquer un chiffre à l'électricien : le coût engagé pour le démantèlement du parc de première génération est de 2,5 milliards d'euros.Sur les provisions concernant le parc de deuxième génération, EDF annonce de nouveaux éléments. « Nous avons réalisé en 2016 une chronique précise du démantèlement pour estimer l'effet de série, les mutualisations et les provisions correspondantes », explique Dominique Minière, sans indiquer de chiffre précis. Critiqué sur la méthode Dampierre, qui estime les coûts du démantèlement d'une réacteur et l'extrapole ensuite aux 57 autres unités, EDF a affiné ses calculs. L'historique de chaque « paire » de réacteurs a été reconstitué, pour affiner les provisions. De plus, en 2016, EDF a provisionné les coûts d'évacuation du combustible et la remise en état des sols. En revanche, selon les textes de loi, les taxes, assurances et les coûts sociaux n'ont pas à être provisionnés, indique l'électricien.Mais pour l'ASN, le compte n'y est pas. « Nous avons trop peu d'éléments techniques, notamment sur la chronologie et la nature des opérations, pour estimer la faisabilité de la stratégie d'EDF. C'est une vraie difficulté, il nous est difficile de nous prononcer », explique Pierre-Franck Chevet, en brandissant les documents envoyés par les exploitants : celui du CEA est au moins trois fois plus volumineux que celui d'EDF.Enfin, sur la fermeture ou la prolongation de la durée d'exploitation de son parc, l'électricien n'a pas été plus disert. Il réserve à son conseil d'administration la présentation d'un « plan stratégique » en lien avec la programmation pluriannuelle de l'énergie, qui rappelle l'objectif de réduire à 50 %, en 2025, la part du nucléaire dans le mix énergétique qui est aujourd'hui de 75 à 80 % . Albane Canto