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ÉNERGIE

[Tribune] Pour un état d’urgence énergétique

PUBLIÉ LE 13 JANVIER 2022
BENJAMIN FREMAUX, PRÉSIDENT D'IDEX
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[Tribune] Pour un état d’urgence énergétique
Benjamin Fremaux, président d'IDEX. Crédit : IDEX
Alors que la France traverse un des hivers les plus froids depuis 2007, les prix des énergies flambent. Les entreprises comme les particuliers sont pris dans un étau infernal, obligés de consommer un bien essentiel à leur compétitivité ou leur santé, qui vient rogner leurs marges ou leur pouvoir d’achat. Pour Benjamin Fremaux, président d’IDEX, « l’Etat doit prendre en compte la situation extrêmement fragile des fournisseurs d’énergie alternatifs ».
 
La molécule de gaz sur le marché de gros a vu son prix multiplié par 4 en seulement 12 mois.  Le prix de l’électricité pour livraison sur le 1er trimestre 2022 a franchi un record à 350€ / MWh. Du jamais vu ! Par comparaison, le prix de vente de l’électricité nucléaire historique est de 42 €/MWh. Côté carburant, l’essence a franchi les 1.60 euros à la pompe.

Les raisons sont connues :  pour le gaz, le rebond économique post covid, des stocks au plus bas à la suite d’un 1er semestre 2021 particulièrement froid, des tensions géopolitiques avec la Russie, fournisseur incontournable de l’Union Européenne ; pour l’électricité, un market design qui fait que les prix à la consommation sont fixés par la centrale de production marginale (celle qui a les prix de production les plus élevés) qui est une centrale à combustible fossile en Europe.
 
Des actions insuffisantes

Les premières réponses apportées par le gouvernement sont nécessaires et courageuses, mais encore très insuffisantes à l’aune de l’ampleur de la crise.

Pour faire face à l’envolée du prix du gaz, l’Etat a décidé de geler les tarifs réglementés de ventes pour les seuls particuliers clients de l’énergéticien ENGIE ou des Entreprises Locales de Distribution qui seront, par ailleurs, intégralement compensés l’année suivante. Tous les autres clients, particuliers ou entreprises, feront face à des augmentations significatives en fonction de la structure des contrats.

Pour contrer l’augmentation prévue des prix de l’électricité, l’Etat a décidé de prendre à sa charge une baisse de taxe pesant sur l’électricité (la TICFE pèse pour environ 10% de la facture) afin de limiter la hausse des tarifs réglementés de vente à 4%. Mais cette mesure ne suffira sans doute pas plus de quelques semaines au vu de l’envolée récente des prix.
Pour un foyer français moyen, si rien n’est fait, la facture annuelle énergétique va augmenter de 500€ par an. Le chèque énergie de 100€ dont le versement était prévu en décembre pour les 4,8 millions de ménages les plus modestes ne suffira pas.

Cette situation est insupportable pour le peuple français. Plusieurs personnalités politiques ont proposé que le prix de l’électricité soit indexé sur le coût moyen de production en France en mettant en avant la compétitivité du nucléaire. Ils oublient de dire que la « rente » liée à la différence entre prix du nucléaire et prix de marché de l’électricité est captée par EDF, qui verra ses résultats annuels très fortement augmenter alors que le taux de disponibilité des centrales nucléaires n’a paradoxalement jamais été aussi faible.

Côté gaz, l’Etat est face à une situation encore plus compliquée. Ayant sous-investi dans la chaleur renouvelable (biomasse, biogaz, géothermie, récupération d’énergie fatale), la France se retrouve très dépendante d’une matière première qu’elle ne produit pas et dont le prix est fixé au niveau mondial en fonction de l’offre et de la demande notamment asiatique.

Les fournisseurs d’énergie alternatifs face à une situation critique

Il est impératif que l’Etat investisse massivement pour restaurer notre souveraineté énergétique en soutenant des projets d’infrastructures locales et décarbonées produisant de l’énergie à des prix compétitifs, non volatils et ce à un horizon de temps bien plus court que la dizaine d’années nécessaire pour construire de nouveaux réacteurs nucléaires. Le verdissement des réseaux de chaleur, comme celui du quartier de la Défense qui s’appuie sur des agropellets fabriqués en France à partir de résidus agricoles, ou l’autoconsommation d’électricité photovoltaïque par nos industriels ou établissements de santé français, sont des approches à favoriser.

Par ailleurs, l’Etat doit prendre en compte la situation extrêmement fragile des fournisseurs d’énergie alternatifs à EDF et ENGIE. Alors qu’un fournisseur a d’ores et déjà été mis en liquidation, ces derniers font face à une situation critique qui pourrait voir en disparaître d’autres. Souhaite-t-on revenir à une situation antérieure de monopole ? 

Il est surtout urgent que l’Etat renforce ses filets de protection pour les consommateurs les plus fragiles, car beaucoup ne bénéficieront pas du gel des tarifs par exemple. C’est le cas des grands bailleurs sociaux qui ont des contrats à prix de marché ou plus largement celui des citoyens en chauffage collectif qui ne sont pas systématiquement éligibles au chèque énergie. A court terme, l’Etat doit renforcer les mesures en faveur de l’efficacité énergétique et convertir des obligations réglementaires comme l’individualisation des frais de chauffage dans les logements collectifs en véritable levier de sensibilisation des usagers à la sobriété énergétique. Le mécanisme des certificats d’économies d’énergie, financés par les fournisseurs d’énergie (Total, EDF notamment dont les profits vont exploser) doit être renforcé. Ces certificats ont perdu un tiers de leur valeur avec le changement de règles du jeu qui limitent par ailleurs très fortement le nombre de projets éligibles. 
 
Les pouvoirs publics ont une responsabilité majeure pour apporter une réponse à cette crise à très court terme, mais surtout pour préparer les Français à de futurs chocs énergétiques. L’Etat doit inciter les particuliers comme les entreprises à consommer moins et mieux, pour rendre le pays moins dépendant des énergies fossiles importées et moins sensibles aux chocs de prix liés à la volatilité des prix de l’électricité et du gaz.
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