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ÉNERGIE

Dossier | Photovoltaïque : les boucles locales en passe de devenir rentables

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PUBLIÉ LE 20 MARS 2023
LAURENCE MADOUI
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Dossier  | Photovoltaïque : les boucles locales en passe de devenir rentables
La centrale du groupe scolaire Buffon, à Dijon fonctionne depuis le mois de septembre 2022. Crédit : François Weckerlé-Ville de Dijon
Au chapelet d’annonces sur « le premier laboratoire » d’autoconsommation collective, succèdent les nombreux faire-part sur « la plus grande opération » jamais réalisée en France. Les chantiers se multiplient, la flambée des prix de l’électricité renforçant la rentabilité des circuits courts. Selon Enedis, neuf projets photovoltaïques sur dix incluent un volet d’autoconsommation, individuelle ou collective.

C’est un domaine où les objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie devraient être rehaussés : 50 opérations d’autoconsommation collective (ACC) étaient visées pour 2023, le triple était en service fin 2022, après un quasi doublement en un an. Et 225 projets sont déclarés auprès du gestionnaire du réseau de distribution d’électricité Enedis, qui raccorde des opérations à ce jour presque exclusivement photovoltaïques. Certes, les 8,23 mégawatts (MW) de capacité installée restent dans l’ombre des 1,325 gigawatts (GW) en autoconsommation individuelle (1), un segment qui « double tous les dix-huit mois depuis cinq ans », note Sylvie Maurand, chez Enedis. La cheffe de projet Solutions pour la transition énergétique constate toutefois « une nette accélération de l’ACC depuis fin 2021 ». Dans son schéma décennal de développement du réseau de 2019, le réseau de transport de l’électricité (RTE) identifie un volume de 40 GW « techniquement accessible et qui pourrait être (…) économiquement pertinent pour les consommateurs » à l’horizon 2035 (2), dans un « scénario haut » associé à une solarisation massive des toitures.

Définie comme l’échange local d’électricité entre un ou plusieurs producteurs et consommateurs, l’autoconsommation collective se pratique à l’échelle d’un bâtiment ou dans un périmètre proche, soit 2 km pour l’ACC dite « étendue » (3), voire 20 km en zone peu dense, sur dérogation ministérielle. Producteurs et consommateurs s’associent dans une personne morale organisatrice (PMO), qui conclut une convention d’ACC avec Enedis, lui indiquant les modalités de répartition de la production entre ses membres. Au regard des courbes de charge des consommateurs, établies grâce aux compteurs communicants, le gestionnaire du réseau public informe les fournisseurs habituels de la part à déduire des factures de leurs clients, correspondant à la production locale qui couvre en général 20 à 30 % des besoins. Les promoteurs de l’ACC la disent « inclusive » : l’électricité est fléchée vers une pluralité de bâtiments, y compris ceux mal exposés ne pouvant héberger de panneaux. Le foisonnement des consommations et leur synchronisation avec la production doivent limiter l’excédent.
 
La première centrale villageoise a été mise en service en 2014 aux Haies (Rhône). Crédit : Enedis

Les premières références remontent à 2018, quand la réglementation est embryonnaire (4) et l’énergie abordable. Initiée par les collectivités locales (63 % des 149 opérations aujourd’hui recensées) et le logement social (17 % des opérations mais 30 % des consommateurs), l’ACC s’invente selon un schéma où le kilowattheure (kWh) n’est pas facturé. « L’électricité est affectée aux bâtiments de la collectivité dans le modèle dit patrimonial et, dans le modèle dit social, en priorité aux parties communes, le bailleur réduisant les charges de tous les locataires puis la facture de ceux adhérant à l’opération d’ACC pour leur propre consommation », explique Sylvie Maurand. Parmi les communes de 2 500 à 25 000 habitants, 42 % ont une réalisation à leur actif ou un projet en cours, avec pour motivation première (48 %) le renforcement de l’indépendance énergétique du territoire (5).

Le syndicat Morbihan Energies a endossé le rôle de PMO pour une quinzaine de projets, allant de l’ACC patrimoniale pure à un modèle plus marchand, où la collectivité dessert des entreprises et/ou des citoyens. « Avec le soutien à l’investissement de l’Europe (Feder), le kWh décarboné ressort à 6,4 cts (HT), un prix inférieur au tarif réglementé et, surtout, garanti sur vingt ans », fait valoir Edouard Céreuil, chargé de la stratégie et de l’innovation. Même message du syndicat d’énergie de Loire-Atlantique : « Une collectivité pourrait s’engager auprès d’un acteur économique sur un prix maîtrisé, dans un contexte de forte volatilité où nul ne sait quelles seront les conditions de fourniture dans deux ans », observe Emmanuel Bourien, chef de projet énergies renouvelables et innovation.
 
Les ateliers municipaux de Malaunay, en Seine-Maritime. Crédit : Malaunay

Les profils des porteurs de projets se diversifient. Depuis 2021, la possibilité d’écouler auprès d’EDF, dans le cadre de son obligation d’achat, le surplus des installations de 500 kilowatts de capacité (6), facilite le passage à l’acte chez les acteurs privés. « Cette sécurisation était indispensable pour qu’une banque rejoigne notre société de projet Agorasun Perpignan », souligne Alexandra Battle, secrétaire générale de Tecsol, le bureau d’études moteur dans la pose d’ombrières sur une zone d’activités économiques (ZAE).
Les opérations pionnières ont bénéficié soit de subventions, soit de l’obligation d’achat par EDF, parfois du complément de rémunération dans le cadre des appels d’offres de la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Des appuis qui conditionnaient leur viabilité. Désormais, « les projets sont rentables du seul fait de la hausse des prix de l’électricité », assure Titouan Cavan, responsable commercial chez Enogrid, société de conseil et de formation sur l’ACC. Les clients professionnels ne relevant pas du tarif réglementé (puissance supérieure à 36 kVa) ont subi une hausse moyenne de 21 % en 2022, qui sera portée à 84 % en 2023, prévoit l’Insee. « Le retour sur investissement était de vingt à vingt-cinq ans en 2019, ramené à quinze en 2021. On est aujourd’hui entre dix et quinze ans, estime Titouan Cavan. D’abord portée par des collectivités militantes, l’ACC rallie des acteurs privés soucieux d’économie et de résilience face au marché. Les entreprises ont abordé l’autoconsommation à l’échelle individuelle, elles la pratiquent de plus en plus en synergie avec les voisins. » La récente loi d’accélération des énergies renouvelables (EnR), qui va solariser au moins 50 % des surfaces de parkings de plus de 1 500 m2, « orientera vers l’autoconsommation collective », anticipe-t-il.

L’ACC gagne en pertinence pour le vendeur et l’acheteur : « Au vu du tarif d’achat de 11 cts/kWh, le producteur a intérêt à le vendre autour de 15 cts à un client qui, sur le marché, s’approvisionnerait à plus de 20 cts, analyse Emmanuel Bourien. Beaucoup de projets photovoltaïques, initialement développés dans une optique de vente totale au réseau, vont en convertir une partie à l’ACC, pour mieux valoriser le kWh. »
 
La centrale villageoise de Ville-sur-Yron (54). Crédit : Enedis

L’envolée des prix de l’électricité réduit le poids relatif de la fiscalité et du tarif d’acheminement dans la facture. Ces deux composantes ont longtemps pesé chacune un tiers de la note et les électrons, le dernier tiers. Ces derniers en accaparent aujourd’hui autour de la moitié, 25 % revenant respectivement aux taxes et au tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (Turpe), qui finance Enedis et RTE. L’ACC reste redevable du Turpe, auquel ne sont pas soumis les kWh valorisés sur place dans l’autoconsommation individuelle. Même produits à proximité, les électrons empruntent le réseau public, justifie Sylvie Maurand : « Les lois de la physique font qu’ils desservent les bâtiments voisins, qui ne sont pas forcément inclus dans l’opération d’ACC, quand ceux qui y sont rattachés peuvent se situer sur une autre portion du réseau. Il y a bien utilisation de l’infrastructure. » Sans dévier du principe du timbre-poste, qui rend le coût d’acheminement indépendant de la distance entre les points de livraison et de soutirage, la CRE a introduit, mi-2018, un tarif spécifique à l’ACC. Qui reste peu usité : « Une formule complexe, pour un gain faible », résume Edouard Céreuil.
 
La production des panneaux photovoltaïques du cyber-centre de Fruges (Pas-de-Calais) est partagée avec les maisons de la petite enfance et de la santé. Crédit : Enedis

Lors de l’examen du projet de loi sur l’accélération des EnR, l’Assemblée nationale a supprimé l’amendement du Sénat qui dispensait l’ACC du droit d’accise (7), l’alignant sur l’autoconsommation individuelle. Le gain aurait été de 2 cts/kWh, chiffre Titouan Cavan. « La mesure, au coût infime pour l’Etat, allègerait aussi la TVA, en partie calée sur le droit d’accise », remarque Alexandra Batlle.

Autres espoirs déçus : l’élargissement du périmètre des opérations (2 km) et le relèvement de la puissance maximale (3 MW). Des seuils inadaptés à l’alimentation en EnR d’un réseau de tramway, à l’étude à Dijon. « Elargir le cercle serait bienvenu, défend Alexandra Batlle. Le projet de la ZAE de Perpignan Sud intéresse celle de Perpignan Nord. En l’état actuel, il faut en monter deux distincts. » Rehausser le plafond de puissance irait dans le même sens. « Les projets de plus de 3 MW doivent être scindés et supporter le surcoût de deux raccordements au réseau de distribution, pointe Titouan Cavan. Augmenter la puissance rendrait l’ACC accessible à des industriels aux process très consommateurs. » A Malaunay, où la commune monte un projet avec des entreprises, auprès desquelles est identifié un potentiel 25 000 m2 de panneaux (au sol et en toiture), la borne de 3 MW est « un élément bloquant », juge le maire, Guillaume Coutey. La communauté d’énergie citoyenne qui s’y esquisse sera l’une des premières à voir le jour, avec celle portée par Tecsol.
 
1 : soit 240 000 installations quand l’ACC implique 280 producteurs et 1 730 consommateurs, décompte Enedis sur sa zone de desserte.
2 : 10 GW pour l’habitat individuel, autant pour le collectif, l’industrie et le tertiaire.
3 : arrêté du 21/11/19, issu de la loi Pacte.
4 : ordonnance du 17/07/16 et décret du 28/04/17, découlant de la loi sur la transition énergétique de 2015.
5 : Enedis - Association des petites villes de France, 2022.
6 : arrêté tarifaire du 06/10/21. Le précédent (09/05/2017) posait le seuil à 100 kW.
7 : qui fusionne, depuis 2022, la contribution au service public de l’électricité et les taxes communale et départementale sur la consommation finale d’électricité.
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