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ÉNERGIE

Tribune | Qui paie vraiment le prix de la volatilité énergétique ? La réponse est plus politique qu’on ne le pense.

LA RÉDACTION, LE 20 OCTOBRE 2025
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Tribune | Qui paie vraiment le prix de la volatilité énergétique ? La réponse est plus politique qu’on ne le pense.
Pauline Piercourt et Imad-Eddine Belbachir, experts chez mc2i. Crédits : DR
Derrière la flambée des prix de l’énergie, se joue bien plus qu’une crise conjoncturelle : c’est la structure même du marché qui vacille. Imad-Eddine Belbachir et Pauline Piercourt, experts chez mc2i, appellent à repenser les mécanismes de régulation et à reconstruire un pacte énergétique fondé sur la transparence, la protection et la relocalisation.

+300 % : c’est l’explosion que certaines PME ont vécue sur leur facture énergétique depuis 2021. Ce chiffre n’est pas une anomalie temporaire. Il incarne une réalité structurelle : dans un marché de l’énergie dérégulé, ce sont les plus fragiles qui absorbent les chocs : TPE, artisans, PME, ménages précaires, collectivités locales. Pendant que certains amortissent, d’autres s’effondrent. Derrière les fluctuations de prix se cache une mécanique bien rodée : le transfert du risque vers ceux qui n’ont ni expertise, ni volume, ni marge de manœuvre.

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Les oubliés du système : TPE, PME, ménages et communes
La promesse initiale d’un marché concurrentiel devait garantir efficacité et prix justes. Mais dans les faits, les plus petits n’ont jamais eu les outils pour naviguer dans cette complexité. Les TPE et PME n’ont pas accès aux leviers des grands groupes. Contraints d’acheter leur électricité sur des marchés spot à prix fort, ils ont vu leurs factures tripler, parfois sans comprendre pourquoi. En 2022, certains ont été contraints de suspendre leur activité, incapables de faire face à un mégawattheure dépassant les 1 000 euros.

Les ménages, eux, ont été partiellement protégés par le bouclier tarifaire. Mais cette protection reste superficielle : la fin progressive des aides, la précarité énergétique et l’opacité des offres renforcent un sentiment de perte de contrôle. L’étude BVA menée par mc2i en 2024 souligne que seuls 17 % des Français estiment comprendre les tarifs proposés par leur fournisseur d’énergie, un chiffre qui chute encore chez les 25-49 ans, pourtant les plus exposés à la précarité financière.

Quant aux collectivités locales, elles ont dû affronter une explosion de leurs charges sans outil adapté. Des communes ont vu leur facture passer de 40 000 à 165 000 euros en un an. Faute de solutions de mutualisation ou de capacités de prévision, certaines ont dû fermer piscines, équipements sportifs ou restreindre le chauffage dans les écoles. La sobriété n’a pas été choisie, elle a été subie.

Un marché sous influence, déconnecté de la réalité française
La première grande faille est celle de la déconnexion entre les prix de marché et les coûts de production réels. La France dispose pourtant d’un parc de production stable, majoritairement nucléaire et peu carboné. Ce socle aurait dû protéger les Français. Mais les prix sont définis selon une logique européenne qui indexe le coût du dernier mégawattheure produit. Celui-ci est souvent issu du gaz et non sur notre propre réalité industrielle. Il est donc volatil. 

La seconde faille, plus politique, tient à l’asymétrie d’accès aux outils de régulation. Les grands groupes industriels disposent de marges, de ressources humaines et juridiques pour sécuriser leurs achats. Ils achètent à long terme, investissent dans l’autoproduction ou dans des contrats de couverture. À l’inverse, les petits, mal accompagnés, restent à la merci du marché, comme des consommateurs d’un produit qu’ils ne comprennent plus.

Enfin, même les dispositifs d’aide publique, comme le bouclier tarifaire, n’ont pas permis de corriger les déséquilibres de fond. Malgré un coût de plus de 45 milliards d’euros pour l’État en 2023, ces aides restent conjoncturelles. On a payé le court terme sans corriger les causes.

Reconstruire un pacte énergétique équitable et durable
Il convient que la réponse à cette crise ne réside pas dans des rustines budgétaires, mais dans une refonte de notre approche énergétique. Pour retrouver une forme de justice dans le système, trois leviers paraissent essentiels.

D’abord, il faut redonner du pouvoir aux usagers. Cela commence par une simplification drastique des factures, qui doivent enfin devenir compréhensibles. Il faut aussi proposer des outils numériques permettant de simuler les impacts tarifaires, d’anticiper les hausses et de mieux comprendre les contrats. En formant les professionnels et les collectivités à la gestion des risques énergétiques, on redonne à chacun la capacité de choisir, plutôt que de subir.

Ensuite, le devoir de protéger structurellement les plus fragiles parait essentiel. Cela implique d’imposer aux producteurs de sécuriser un volume minimal d’approvisionnement pour les TPE via des contrats de gré à gré. Les offres commerciales doivent être strictement encadrées lorsqu’elles s’adressent à des non-experts. Enfin, des mécanismes de couverture mutualisés doivent être mis en place, à l’image des centrales d’achat pour les communes ou les fédérations d’artisans.

Enfin, le troisième levier est territorial. La seule façon de s’extraire durablement des logiques de marché mondialisé est de soutenir la production et la consommation locale, par l’autoconsommation collective ou les contrats directs entre producteurs et consommateurs. Ce mouvement ne pourra être soutenu que par un investissement massif dans l’efficacité énergétique. Car chaque kilowattheure évité, c’est du pouvoir d’achat préservé, de la stabilité retrouvée, et un peu plus de souveraineté acquise.

La volatilité est un choix, pas une fatalité
À force de présenter la crise énergétique comme un phénomène naturel, on oublie de dire qu’elle est aussi le résultat de choix politiques et économiques. Notre modèle actuel transfère le risque sur ceux qui ne peuvent ni l’anticiper ni le porter. Les TPE, les collectivités, les ménages modestes : ce sont eux qui paient vraiment le prix de la volatilité.

Il est temps de rompre avec ce système de gestion par l’urgence. Ce qui est proposé ne relève ni d’un rêve technocratique ni d’une utopie verte. C’est une nouvelle normalité, construite autour de trois principes simples : comprendre, protéger, et relocaliser.
Parce qu’en matière d’énergie, l’équité n’est pas un luxe. C’est la condition de la stabilité.


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