Classé comme « cancérigène probable pour l’Homme » par le Centre international de Recherche sur le Cancer (CIRC), le glyphosate est présenté dans le rapport de renouvellement du glyphosate ( RAR) émanant de quatre États rapporteurs (France, Pays Bas, Suède et Hongrie) comme n’étant pas génotoxique. En pleine bataille sur la possible réintroduction de ce pesticide en Europe, l’ONG Générations futures s’est intéressée « à la question de la génotoxicité suspectée du glyphosate ».
Fin 2022, l’Europe devra trancher entre la réintroduction ou l’interdiction du glyphosate qui suscite la polémique depuis plusieurs années. Dans ce processus d’évaluation du renouvellement de l’autorisation de ce pesticide, différentes études scientifiques ont été publiées et intégrées au dossier de ré-approbation, parmi lesquelles certaines affirment que « le glyphosate n’est pas génotoxique ». Pourtant, l’Inserm avance lors de la consultation publique sur le dossier de renouvellement que « le glyphosate peut présenter des propriétés de perturbation endocrinienne qui ont un impact sur la fonction de reproduction ».
Outre la contestation de la sélection de ces études, Générations futures se penche cette fois-ci sur le RAR émanant de quatre États rapporteurs (France, Pays Bas, Suède et Hongrie) pour expliquer cette différence de traitement. D’après l’ONG, ces affirmations positives « sont basées sur les avis des agences réglementaires qui l’ont classé seulement irritant pour les yeux et qui ont donné leur avis favorable au renouvellement de son autorisation de mise sur le marché ».
Des études industrielles peu fiables
En analysant le RAR, l’ONG montre du doigt la faiblesses méthodologiques des études industrielles sur lesquelles s’appuient les autorités. Ce rapport cite 21 études universitaires réalisées in vitro dont 18 montrant des effets. Mais cinq études in vitro provenant de l’industrie indiquent une absence de conséquence. « Ces études de l’industrie sont considérées soit acceptables soit acceptables avec réserves et ont donc un poids important dans la décision finale, contrairement aux 21 études universitaires considérées par le RAR comme juste «complémentaires » et qui n’ont donc aucun poids face aux études de l’industrie », déclare Générations futures.
L’association critique également des failles des études fournies par les industriels. « De manière exceptionnelle, l’ONG SumOfUs a réussi à avoir accès à ces données et les a communiquées à deux experts de la génotoxicité. Ceux-ci ont considéré que la grande majorité de ces études n’étaient en réalité pas fiables et ne respectaient pas les requis émis par l’OCDE ». De plus, l’évaluation de la génotoxicité in vivo du glyphosate repose exclusivement sur des tests du micronoyau, sur un seul type de cellules. « Or, il est important d’avoir des résultats sur des types différents de cellules, ce que permet le test des comètes In vitro, les tests des comètes ont montré des effets du glyphosate sur des cellules sanguines mais aussi hépatiques, épithéliales (etc.) ».
Classification contraignante
L’ONG regrette par ailleurs les critères de classification réglementaire « trop contraignants ». D’après celle-ci seul le caractère mutagène au niveau des cellules germinales est retenu pour qu’une substance soit classée et considérée comme génotoxique. « Selon ces critères, les données obtenues sur les cellules somatiques (autre que germinales) ne permettent pas à elles seules de classer une substance en catégorie 1, synonyme pour les pesticides d’exclusion. […] Le test des comètes, pourtant paraissant le plus sensible et pertinent pour évaluer la génotoxicité du glyphosate, et largement utilisé par les chercheurs académiques, n’a donc qu’un poids très limité pour la classification. En comparant ces critères de classification avec les données disponibles sur le glyphosate considérées comme acceptables par les autorités, on s’aperçoit que les types de tests effectués ne peuvent pas conduire à une classification en catégorie 1, faute d’avoir des données sur les cellules germinales », souligne l’association.
Pour l’ONG, les autorités « n’ont fait que reprendre les arguments déjà indiqués par les autorités allemandes en charge de la rédaction du dossier de renouvellement en 2016, arguments largement issus du dossier soumis par les industriels eux-mêmes ». Les autorités devraient ainsi tenir compte de ces alertes pour ré-évaluer la fiabilité des études fournies par les industriels et demander des études complémentaires nécessaires pour la classification en catégorie 1.
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