Outre l'économie des matériaux naturels, la réutilisation et le recyclage des agrégats d'enrobés répond à des enjeux importants : réduction des coûts et nuisances liées aux transports, évitement des dépenses de mise en décharge, économie d'énergie… Sur le terrain, de nombreux procédés existent : techniques à froid ou à chaud, recyclage in situ ou ex situ. Le choix d'une technique de réfection de chaussée dépend de nombreux facteurs. Il résulte d'un compromis plus ou moins subtil entre exigences techniques, contraintes économiques, aspirations écologiques et volonté politique des donneurs d'ordre. Résultat : certaines techniques demeurent encore sous-employées en France, comme le retraitement en place à froid. Celle-ci vise à récréer, à partir d'une chaussée dégradée, une structure homogène et adaptée aux contraintes de circulation. On réalise ainsi une nouvelle assise de chaussée sur laquelle on applique soit une couche de surface, soit d'autres couches de chaussée. Concrètement, la méthode consiste, après avoir fragmenté l'ancienne chaussée et apporté éventuellement des granulats complémentaires (pour corriger la granulométrie) et de l'eau, à traiter les matériaux par un liant. Le retraitement peut être effectué soit à l'émulsion de bitume, soit avec un liant hydraulique routier (ciment, eau) ou avec un liant composé, mélange d'émulsion ou de mousse, de bitume et de liant hydraulique. Spécialiste des matériels, technologies et services liés à la construction routière et au traitement des matériaux, le groupe allemand Wirtgen décline différentes machines vouées au recyclage des matériaux routiers et basées sur une technologie à froid. « Pour les couches supérieures des chaussées, hors couche de roulement, nous avons développé des recycleurs sur chenilles (modèle 2200 CR ; 3800 CR et WR 4200) », explique Jérôme Pottier, responsable recyclage et stabilisation au sein de la filiale française de Wirtgen qui compte deux agences en Alsace et Rhône-Alpes et dont le siège social est à Goussainville (95). Ces machines permettent le retraitement de routes in situ à l'aide d'une unité de mise en place intégrée. Très flexibles, elles offrent la possibilité d'incorporer une suspension eau et ciment, une émulsion bitumineuse ou de la mousse à bitume. Les machines peuvent aussi s'utiliser comme fraiseuse routière. « Elles travaillent jusqu'à une profondeur de 15 à 20 cm en dessous de l'assise de roulement. Elles sont utilisées en particulier pour refaire des couches de liaison, lors des travaux saisonniers, entre mars et octobre. Suivant les chaussées, on peut réincorporer la couche de roulement mais nous n'avons pas la prétention de refaire une couche supérieure qui exige des propriétés et caractéristiques spécifiques. » Pour Jérôme Pottier, « les choses bougent peu à peu et les entreprises de TP s'intéressent à nouveau davantage à la question du recyclage ». Ainsi, la filiale est sollicitée depuis le début d'année aussi bien par de grands groupes que des indépendants. Cinq machines de type 2200 CR ont déjà été vendues en France et trois d'entre elles tournent très régulièrement. « Sachant que ces engins traitent environ 200 000 m2 par an, il est clair qu'on ne vend pas ce type de matériels tous les six mois ! » Autres types de machines de retraitement in situ du même fabricant : les recycleurs à froid stabilisateurs de sols. « On cible ici des couches plus profondes : couches d'assise ou couches de liaison épaisses entre 20 et 30 cm », détaille Jérôme Pottier. « Le principe de fonctionnement est identique à la 2200CR mais on a besoin en complément d'engins tels qu'une niveleuse », note-t-il. Développée dès la fin des années quatre-vingt, ces recycleurs stabilisateurs ne cessent d'évoluer. Sortie à l'été 2012, le modèle WR 240 se veut « le premier représentant d'une nouvelle génération de machines pour la stabilisation des sols durs et argileux ou le recyclage de routes à grande échelle ». Cette année, Wirtgen a encore complété cette gamme de produits. Si ces machines sont vendues dans le monde entier – elles sont très utilisées aux États Unis en particulier – aucune d'entre elles n'a pour l'instant trouvé d'applications recyclage en France. « Mais différents éléments jouent en faveur de ce type d'équipements : les hivers rudes, un réseau secondaire de plus en plus abîmé. À terme, il faudra bien refaire les structures en profondeur », assure Jérôme Pottier.
La fabrication d'enrobés en centrales dédiées est une technique maîtrisée, éprouvée et très développée. Elle permet de produire de nouveaux enrobés pour toutes les applications routières. Le recyclage a lieu sur des sites spécifiques. Il se fait à chaud (au-delà 140 °C) ou à froid. Entre les deux, on parle d'enrobés tièdes et semi-tièdes. En France, les principaux fabricants de routes – Eurovia (groupe Vinci), Eiffage, Colas (groupe Bouygues)– possèdent leurs propres centrales d'enrobés. Le taux de recyclage est variable selon le type de centrales. Il s'étend généralement de 20 % à plus de 60 % et peut grimper au-delà. Les matériels évoluent pour répondre à de nouveaux enjeux. Avec sa division Matériels Routiers, le groupe Fayat est présent à toutes les étapes de construction et d'entretien d'une route, de la production des enrobés et des liants bitumineux à l'application des matériaux, en passant par l'entretien des réseaux et le recyclage des déchets de déconstruction. Fayat matériels routiers indique faire évoluer ses outils « sous trois influences techniques : les économies d'énergie et la diminution des émissions – de CO2 en particulier –, le recyclage des enrobés bitumineux – un marché qui connaît une forte croissance dans le monde entier –, les enrobés tièdes et à basse énergie, avec une tendance à produire autour de 120 °C ». Sa gamme de produits comprend, entre autres, les centrales Marini (sa filiale italienne). Il en existe des fixes et/ou transférables (centrées sur les Top Tower et eTower), comme des mobiles et hypermobiles (famille des Roadstar). Récemment développée, « la eTower peut intégrer tous les équipements de recyclage modernes […] Ses deux systèmes d'introduction des agrégats d'enrobés (un anneau de recyclage et une introduction directe dans le mélangeur via un élévateur) en utilisation combinée permettent d'atteindre des taux de recyclage proches de 50 %. Pour des taux encore plus élevés, la centrale peut être équipée d'un tambour recycleur parallèle additionnel », indique-t-on chez Fayat.
Un recyclage à froid valorisant des déchets hétérogènes
Le groupe maîtrise également la technique de malaxage à froid : l'une de ses filiales, Société Auxiliaire Entreprises (SAE), rachetée en 1998, est l'une des pionnières de cette technique. Sur ce segment spécifique où les acteurs sont très peu nombreux, Wirtgen a développé la KMA 220, un mélangeur mobile de recyclage à froid, qui « se transporte sans problème de chantier en chantier, et se monte rapidement à proximité immédiate du site des travaux ». Capable de valoriser des déchets hétérogènes, des concassés de béton de bâtiments ou des déchets routiers (rabotage d'une couche à refaire), « ce système mobile constitue une très bonne solution pour une réfection routière économique », assure le fabricant. L'une des qualités de la KMA 220 est sa capacité à mélanger une multitude de matériaux non liés au départ. Entraînée par un moteur diesel puissant, elle affiche une capacité de production de 220 tonnes par heure d'enrobés, « ce qui permet de charger un camion entier de 20 tonnes de matériau recyclé à froid toutes les six minutes ».
Une parfaite maîtrise technique
Concasseurs et cribleurs sont les équipements clés destinés à transformer les déchets inertes provenant des TP et de la démolition de bâtiments en granulats réutilisables en sous-couches routières. Ces matériels découlent du monde des carriers. En règle générale, les métiers du recyclage privilégient des machines mobiles, facilement déplaçables au plus près des chantiers. Dans ces domaines, les techniques sont parfaitement maîtrisées. Terex group, avec ses machines Powerscreen et Finlay, Metso et ses Lokotracks mobiles à mâchoires ou percussions, Sandvik, Keestrack OM, Wirtgen Kleemann (groupe Wirtgen) et ses concasseurs à percussions, type Mobirex, figurent parmi les fabricants qui s'illustrent sur ce segment. Aux côtés de ces grosses machines, des solutions « plus légères » sont en développement, comme les godets qui se montent directement sur les engins de manutention pour un recyclage effectué sur place. Distributeur de matériels, RDS France (Bordeaux) propose plusieurs solutions. « Côté enrobés, le godet cribleur Remu permet de recycler 90 % des fraisats de rabotage inférieurs à 14 mm pour les réinjecter en production dans les centrales d'enrobés », explique Carole Allemandet, directrice des ventes. « Cette solution mobile, peu coûteuse, est adoptée tant par les grands groupes comme Colas (groupe Bouygues), Eurovia (groupe Vinci), NGE mais aussi les petites entreprises », note-telle. L'outil, de fabrication finlandaise, s'adapte sur tous les engins, pelles de 2,5 à 40 tonnes, chargeuses à partir de 2 tonnes, tractopelles et télescopiques. Les rendements annoncés sont de 70 m3 par heure sur pelle de 14 tonnes et 110 m3 par heure avec un godet de 1,4 m3 sur pelle de 18 tonnes. « Ce godet permet aussi de trier tous les matériaux de chantier afin de les réutiliser en remblais de tranchées et de routes », ajoute-t-elle. Autre produit plébiscité, le concasseur Rebel : « machine compacte, mobile et très puissante pour son gabarit (131 kW), elle peut travailler partout, car il n'y a pas d'autorisation administrative à demander, contrairement aux gros concasseurs », souligne Carole Allemandet. « Polyvalent et complet », le Rebel associe un concasseur avec un cribleur et existe avec un système à mâchoire et/ou percussion. Ces systèmes sont interchangeables. « De plus en plus d'entreprises de toute taille s'équipent car elles n'ont plus le choix et doivent diminuer leurs budgets », analyse-t-elle. EVE Développement durable à la Réunion vient d'opter pour les deux systèmes de concassage, à mâchoire et à percussion. « Il s'agit du premier client qui commande les deux systèmes en même temps. La percussion va travailler exclusivement dans du concassage d'enrobés pour un grand groupe sur l'île ». Pour le recyclage de déblais de chantier, RDS promeut le godet cribleur Remu associé à un silo doseur de liant : en ajoutant de la chaux dans des matériaux limoneux et argileux (initialement voués à la mise en décharge car peu résistants), ceux-ci peuvent être remblayés dans les chaussées. « Le traitement se fait in situ avec un coût de revient à la tonne, toutes dépenses comprises (atelier de chaulage godet, silo, engin, fuel, chauffeur, chaux) qui est d'environ 3 euros par tonne », souligne Carole Allemandet. Du côté de l'Italien MB, autre acteur majeur sur le créneau des godets, 2013 est marquée par l'arrivée de deux nouveautés : le godet cribleur modèle MB-S10 (445 kg et une capacité de 0,6 m³) et le godet concasseur MB-C50 (750 kg et une capacité de charge de 0,25 m3 ), « le plus petit de la gamme des godets concasseurs […] Petits, compacts et légers, ces deux godets appliqués à des mini-pelles de 4 à 8 tonnes deviennent un outil idéal pour des chantiers de dimensions réduites », indique le fabricant. n