Le constat est partagé par les trois éco-organismes de la filière des déchets électriques et électroniques ménagers : le système de collecte touche à ses limites. Et à l'aube d'une nouvelle période d'agrément, avec des objectifs européens très ambitieux, améliorer l'existant ne suffit plus. « La collecte des DEEE s'élève à 7 kg par an et par habitant en 2013. Mais nous plafonnons : en 2011 et 2012, les quantités collectées étaient déjà de 6,9 kg », reconnaît René-Louis Perrier, le président d'Ecologic. Or, la directive européenne, entrée en vigueur le 15 février dernier, fixe des objectifs, à l'horizon 2019, nettement supérieurs : 15 kg par an et par habitant en se basant sur 65 % de retour des équipements mis sur le marché ou 17 kg par an et par habitant en se basant sur 85 % de collecte du gisement. Dans tous les cas, c'est au moins un doublement des résultats de collecte actuels !
Pour trouver des solutions, les éco-organismes, réunis au sein de l'Ocad3e, avec l'Ademe, ont étudié le gisement. Ainsi, sur les 20 kg que jette chaque année un individu, seuls 9,5 kg sont collectés. Logiquement, les pistes se dirigent vers les 10,5 kg manquants, et notamment vers les 4,9 kg traités comme de la ferraille en mélange. « Pour faire revenir ces volumes, nous nous tournons vers des acteurs orphelins : les artisans, les cuisinistes, les installateurs, qui se débarrassent des équipements de chauffage, de climatisation, des éléments de cuisine ou encore des chauffe-eau récupérés chez leurs clients chez les ferrailleurs, faute d'accès à des déchèteries professionnelles », souligne Guillaume Duparay, directeur collecte et relations institutionnelles chez Eco-systèmes. Pour mettre sur pied cette nouvelle voie de collecte, l'éco-organisme a mené une expérimentation dès 2012 sur cinq sites de trois récupérateurs dans le Sud-Ouest : Brangé Environnement, Nadal et Aliarec Environnement. L'objectif est de séparer, à leur arrivée, les DEEE ménagers pour les remettre à un opérateur1 . Ce qui implique de tenir un journal des apports, de créer un circuit spécial et de les manipuler avec précaution. L'opération a permis de récupérer 1 100 tonnes sur la période. Eco-systèmes souhaite désormais la généraliser par contractualisation. Pas moins de 350 sites sont visés en 2016 (sur 2 000 à 2 500), soit un potentiel de 20 tonnes par mois et par site. Les broyeurs, approvisionnés par les récupérateurs, les artisans et parfois par des particuliers, sont également ciblés, avec un objectif de 54 contrats d'ici à 2016 pour un volume de 40 tonnes par mois et par opérateur. « Techniquement, installer une nouvelle procédure n'a pas été difficile. Nous l'avons fait en même temps que la mise en place de l'Iso 14001, et nous avons travaillé avec un cabinet conseil pour définir une procédure simple », reconnaît Philippe Nadal, directeur général de Nadal Environnement. À la suite de ses discussions avec la Fnade et Federec, Eco-Systèmes met la touche finale à un projet de contrat, basé sur dix visites préalables, et à un mode de rémunération forfaitaire, comprenant le travail de traçabilité, le tri, le chargement et le transport (sans tassement). « C'est un autre modèle économique, neutre par rapport au précédent », explique Guillaume Duparay. Ecologic, de son côté, se tourne plutôt vers les ferrailleurs : « Il faut inventer une nouvelle logistique et s'assurer qu'ils travaillent en conformité avec la réglementation », estime René-Louis Perrier. Quant à ERP France, s'il étudie les pistes ouvertes, sa réflexion est encore en cours.
Les éco-organismes poursuivent leurs efforts, en parallèle, pour lutter contre le vol en déchèteries et, avec les pouvoirs publics, contre les exportations illégales. Ils encouragent aussi la reprise via les distributeurs (améliorer la traçabilité, la reprise par les acteurs de vente à distance). L'accent sera également mis sur les collectes séparées de proximité en zones urbaines denses. « La collecte sur le trottoir avec les encombrants est une fausse bonne idée », selon Eco-systèmes, puisque ces DEEE partent le plus souvent soit vers une filière informelle, sans dépollution ni contrôle, soit en enfouissement. Des expérimentations de collecte de proximité dans le XIe arrondissement de Paris, menées par Eco-systèmes, ont montré leur efficacité, et seront déployées dans la capitale et d'autres grandes villes. « Nous ciblons un point de collecte pour 25 000 habitants », précise Christian Brabant, qui pense faire appel aux fonds de communication non utilisés, et reversés au budget général, pour financer ces opérations. Mais face au coût estimé de 2 000 euros par tonne collectée, Ecologic préfère, de son côté, miser sur les déchèteries mobiles. Et ERP France vient, quant à lui, de lancer une expérimentation avec une vingtaine de points de collecte dans les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) de Poitiers et Limoges.