Pour les collectivités qui se sont lancées dans l'expérimentation de la Teomi, cette taxe d'enlèvement des ordures ménagères assortie d'une part incitative, le plus gros du travail est terminé. Le chantier lancé il y a plusieurs années s'est enfin concrétisé, avec l'envoi, mi-avril, des fichiers d'appel fournis par le Trésor public et complétés du montant de la part incitative correspondant à l'utilisation du service pour chaque local (habitation, commerce…) de leur territoire. L'enjeu est de taille : la Teomi porte en elle la promesse de faire baisser la production des ordures ménagères résiduelles (OMR) et d'augmenter les tonnages triés, tout en combinant le caractère social de la Teom et incitatif du pollueur-payeur. Elle possède d'autres atouts. En effet, la Teomi reste collectée par les services fiscaux. De même, la collectivité demeure un service public administratif (SPA), alors que la redevance incitative implique de devenir un service public industriel et commercial (Spic). Mais le parcours est long et semé d'embûches. D'ailleurs, seules cinq collectivités ont souhaité se lancer en 2014. Et deux en ont retardé d'un an la mise en œuvre, du fait de la modification du nombre de communes dans leur territoire, ou de retards dans la mise en place technique. « Des difficultés classiques, juge Alexandra Gentric, spécialiste de la fiscalité au service planification et gestion des déchets de l'Ademe. Mais le Sictom de la région d'Auneau s'est lancé tout seul, en dehors de l'expérimentation, et a fait ça très bien, en travaillant avec les services fiscaux dépar tementaux [de l'Eure-et-Loir]. »
La grande inconnue résidait dans la création du fichier hybride permettant de faire payer une part incitative à chaque propriétaire, à partir du fichier de la Teom des services fiscaux. « Ce n'est pas la même logique que la redevance d'enlèvement des ordures ménagères. Un fichier d'usagers n'est pas suffisant puisqu'il faut faire le lien avec la base des impôts fonciers », souligne Alexandra Gentric. Heureusement, la mise à jour annuelle du fichier devrait être plus simple : il faudra ajouter les constructions et les changements de propriétaires.
Les témoignages concordent sur le travail de fourmi que représente la création de ce fichier. Un travail à externaliser ? C'est le choix de la communauté de communes du Toulois, en Meurthe-et-Moselle, qui travaille avec Sita France depuis 2011. « Nous savons créer et gérer des bases de données complexes, rappelle Capucine Gautier, directrice marketing collectivités chez Sita France, qui a des références en redevance incitative depuis 1999, en apport volontaire et en habitat collectif. Pour ce type de projets, notre expérience montre qu'il faut éviter d'allotir les mar chés, car il y a de nombreuses interventions et interfaces très précises à réaliser, et donc des risques d'incompatibilité. »
Il s'agit d'éviter par exemple les équipements de collecte à chargement latéral avec un système informatique et de mesure conçu pour des bennes à chargement arrière… « Les pro chaines collectivités sauront de quelles données partir pour créer leur fichier », rassure Alexandra Gentric. Elles pourront également s'appuyer sur le guide de mise en œuvre de la Teomi de l'Ademe, disponible à l'automne.
Concernant le choix de la part fixe et de la part variable (entre 10 et 45 % du montant total de la Teomi), et du mode de comptabilisation des déchets, chaque territoire s'est décidé en fonction de ses enjeux et de ses particularités. Ainsi, la communauté de communes du Toulois retient le mode de collecte : pour le porte-à-porte, un tarif à la levée complète le tarif au litre. Alors que les 10 000 habitants d'immeubles qui apportent leur sac à un point d'apport volontaire payent pour chaque dépôt. « Nous voulons tenir de compte de l'effort d'ap porter les déchets dans un conte neur », souligne Kelig Leclerc, responsable du service déchets.
Et dans les bacs, les résultats sont à la hauteur des attentes. Les tonnages d'OMR sont en chute libre, et ceux des déchets recyclables en forte hausse. Mais pour parvenir à ce résultat, les collectivités ont frappé fort : communication régulière sur deux ou trois ans au minimum en ciblant les moyens de réduire ses déchets (composteurs, etc.), changement d'é qui-pement (bacs à puce, badges d'accès, etc.), visites d'ambassadeurs du tri, réunions publiques, facturation à blanc pendant un an, accès aux relevés en temps réel sur internet, réorganisation des tournées de collecte, chasse aux dépôts sauvages, réveil de la redevance spéciale pour les professionnels…
Tout n'est pas rose, cependant. Ainsi, la communauté de communes du Toulois lutte contre la baisse de la qualité du tri, pollué par les OMR, alors que le Sirtom de la région de Chagny, en Saône-et-Loire, a du mal à sensibiliser en habitat collectif.
Ce bilan sera-t-il suffisant pour convaincre d'autres élus ? « La Teomi intéressera surtout les collectivités à la Teom, et qui, compte tenu des différences de valeur locative sur leur ter ritoire, n'envisageaient pas de redevance incitative. Dans un premier temps, le déploiement de la Teomi est attendu prin cipalement sur les collectivités rurales et mixtes, comme pour la redevance incitative », estime Alexandra Gentric. « D'autres collectivités vont s'intéresser à la Teomi. Ce type d'initiative est repris par d'autres collectivités, grâce aux retours d'expériences qui aident à déployer des solu tions de mieux en mieux maîtri sées », estime Capucine Gautier, chez Sita. Quant aux grosses collectivités, elles attendraient qu'une estimation du temps passé sur les fichiers soit disponible. Mais de l'aveu de celles ayant franchi le cap, nombreux sont les élus et les techniciens qui veulent en savoir plus. Alors, bientôt une vague de Teomi dans les campagnes ? Pourquoi pas. La tarification de la collecte, qui reste un sujet politique, est un beau projet de mandat.