Les Filatures du Parc, établies à Brassac, ont apporté des innovations dans ce domaine. L'entreprise a mis au point un procédé de défibrage de maille unique au monde pour favoriser le recyclage des textiles et conserver les fibres longues en filature cardée. Cette technique aide ainsi à récupérer la matière intacte et à diversifier les nouvelles applications du textile. Actuellement, le fil recyclé représente 30 % de la production de la société. La direction souhaite orienter ses efforts vers le défibrage des fibres courtes de coton et de polyester. Outre l'investissement de 1,5 million d'euros nécessaire à ce développement, l'entreprise, comme d'autres transformateurs du secteur, insiste sur le besoin de préparer la matière en amont par un tri de plus en plus fin et une caractérisation des flux. Ce traitement entraînera automatiquement une amélioration de la qualité, gage de l'attractivité de la fibre recyclée. Sur le terrain, cela se traduit notamment par des partenariats industriels comme celui noué avec l'entreprise de tricotage et de confection Regain (Castres). Travaillant essentiellement avec les marchés publics, elle vient par exemple de lancer une nouvelle marque, Pic de Nore, qui propose des pulls pour hommes haut de gamme avec de la fibre recyclée.
Caractériser et affiner le tri
Pour les fabricants de textiles en fibres recyclées, le colloque a joué le rôle de caisse de résonance. Comme le souligne Arielle Levy de l'enseigne l'Herbe rouge, qui recherche une valeur ajoutée avec une maille de qualité supérieure conçue à partir de fibres recyclées, l'ensemble de la filière estime que la reconnaissance des produits doit passer par une meilleure traçabilité pour connaître la compo-si tion de la matière, telle que par exemple la nature des teintures et des matières synthétiques utilisées.
De même pour Éric Boël, fondateur du label Altertex (collectif de PME françaises promouvant un textile écoresponsable), la finesse du tri et l'identification des matières afin de produire plus de fils recyclés sont indispensables. Et de donner l'exemple de sa propre entreprise, les Tissages de Charlieu, qui possède 400 fils en référence. « Alors que les fibres bio-sour-cées représentent 40 % du CA, seulement onze fils recyclés sont actuellement référencés, soit 3 % de la palette disponible, car on ne peut pas techniquement aller plus loin aujourd'hui », regrette-t-il. Si les professionnels du recyclage comme Écotextile, Minot Recyclage ou Recyc-Matelas Europe ont entendu ce message, ils ont également présenté leur activité et leurs contraintes : « Sur 600 000 tonnes par an de textiles usagés en France, seulement 150 000 tonnes sont collectées et 97 % valorisés, explique Mehdi Zerroug, PDG d'Écotextile. Le taux de réemploi atteint 60 %, mais les flux que nous récupérons sont essen tiel lement constitués de textiles en mélange, d'où le problème d'affiner le tri, comme le demandent les transformateurs. » Les cotons et les chiffons transformés en produits d'essuyage et d'isolation constituent les principaux débouchés à ce jour. Pour Jean-Christophe Minot, directeur de Minot Recyclage, qui contribue à la fabrication du matériau isolant Métisse développé par le Relais : « Cette filière mérite de se développer, car à ce jour, les grands donneurs d'ordres restent encore frileux sur ces nouveaux produits aussi performants pourtant que les matières traditionnelles comme la laine de verre. »
Diversifier les débouchés
Comme le secteur automobile, l'industrie du bâtiment est de plus en plus encouragée à intégrer des matières recyclées. Les fibres textiles recyclées pourraient, selon l'Ademe, trouver de nombreuses applications dans ces industries. À ce titre, un AMI a été lancé jusqu'en 2016 autour des possibilités d'intégrer des matériaux issus du recyclage dans la construction. Le colloque a été par ailleurs l'occasion pour tous les acteurs de regretter l'insuffisance, voire l'absence de la commande publique. Cette dernière pourrait donner un coup d'accélérateur à la filière. Le fabricant français de machines pour le recyclage textile Laroche souhaite également diversifier son activité dans ces secteurs. À ce jour, la PME réalise 90 % de son chiffre d'affaires à l'export. Environ 2 000 machines sont installées dans le monde entier. Au-delà de cette position de chef de file, Laroche poursuit sa R & D avec la 4e génération de machines qui transforment les fibres en produits semi-finis ou finis non tissés pour l'ameublement (1 500 tonnes par an), l'automobile et le bâtiment. « Ce secteur repré-sente un créneau porteur, souligne Patrick Pollet, de l'entreprise Laroche. Mais les freins à l'utilisation de fibres recyclées, relatifs à la réglementation, aux normes dans le bâtiment, aux référentiels, et au réseau de distribution existant, empêchent ce développement. » Par frilosité ou à cause de la contrainte réglementaire, il est difficile de trouver des débouchés sur le territoire français. C'est ce que constate également Franck Berrebi, de Recyc-Matelas Europe. Spécialisée dans la collecte et le traitement des matelas usagés, l'entreprise valorise 50 % des 6 000 tonnes par an collectées, mais n'en recycle que 15 % en France. La fraction textile part essentiellement en Belgique, aux Pays-Bas et en Amérique du Nord. « Le soutien de l'Ademe avec ses AMI et le lancement d'un pilote industriel, près d'Angers, en avril 2015, avec Innortex vont peut-être débloquer la situation », espère Franck Berrebi. L'idée est de développer le recyclage des textiles issus des matelas dans le bâtiment en boucle fermée (matelas, isolant) et dans l'automobile. À ce jour, les équipementiers français se montrent peu intéressés, contrairement à leurs homologues européens. Et pourtant, le rapport qualité-prix est au rendez-vous, assure le fondateur de Recyc-Matelas Europe. n