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TERRITOIRES

Fret ferroviaire : renverser la vapeur

LA RÉDACTION, LE 1er MARS 2009
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Le fret ferroviaire est mal en point. De plus en plus de clients s'en détournent au profit du camion. En cause, sa lourdeur, son manque de fiabilité et son impossibilité à répondre à leurs attentes en matière de délais. Pourtant, les industriels sont demandeurs. Malgré plusieurs plans fret, le déclin se poursuit inexorablement. Or, dans d'autres pays comme l'Allemagne ou les États-Unis, l'activité se porte bien. Quelle thérapie prescrire en France ? « La question du fret n'est pas un problème de demande, mais d'offre », précise d'emblée Olivier Maurel, responsable du groupe de travail sur le transport des marchandises au programme de recherche et d'innovation dans les transports terrestres (Predit). « Nous avons besoin du fret ferroviaire : nos usines sont dispersées et ne sont pas reliées par des pipelines ou des voies navigables », confirme Dominique Rain, responsable des transports et de l'énergie à l'Union des industries chimiques. D'autres industriels, comme les producteurs de céréales, de granulats, de sable, de charbon... sont aussi dépendants du fret ferroviaire. Or, autant les trains composés d'un type unique de marchandise pour un seul client (les « trains complets ») restent rentables, autant les trains rassemblant des wagons provenant de différentes industries et allant à des endroits différents sont aujourd'hui délaissés. Au profit du camion, bien sûr. Cette question du « wagon isolé » est cruciale pour l'avenir du fret : les transports de marchandises concernent davantage les petits volumes, partant non des industries mais des ports et des centres logistiques. « On ne pourra pas parvenir aux 25 % de croissance du fret d'ici à 2012 fixés par le Grenelle de l'environnement sans développer le wagon isolé », prévient Georges Di Lallo, président de l'Association européenne des chargeurs (European Rail Freight Customers Platform). Les souhaits des chargeurs sont clairs : « Que la qualité du service soit comparable à la route, soit 95 % de trains à l'heure, réclame Georges Di Lallo. Actuellement, les wagons isolés arrivent à l'heure dans moins de la moitié des cas ! » Un constat que partage Olivier Maurel : « Ce n'est pas tant la rapidité que la fiabilité qui est en cause. Cette carence est liée au partage des ressources avec le transport de passagers, qui reste systématiquement prioritaire. Il faut donc repenser les modes d'organisation. » Cette amélioration de la fiabilité permettrait en retour d'exiger des tarifs plus élevés, donc d'investir dans le fret, selon un cercle vertueux. Pour relancer le marché du wagon isolé, il faudrait dissocier ramassage des wagons et transport à longue distance : c'est le concept d'opérateur ferroviaire de proximité (OFP), qui existe dans d'autres pays (cf. encadré). L'idée fait l'unanimité ou presque... mais le démarrage piétine. Les opérateurs comme Veolia Cargo ne souhaitent pas jouer ce rôle. « Les entreprises ferroviaires n'ont ni les moyens ni le savoir-faire pour organiser le regroupement des marchandises, mais elles peuvent les transporter », expose Didier Léandri, attaché de direction chez Veolia Cargo. Étonnamment, ce sont peut-être les transporteurs routiers qui feront décoller les OFP. Ils possèdent en effet la connaissance du tissu local et de la logistique. Encore faut-il trouver un modèle économique qui rende ce fret de proximité rentable, ce qui implique notamment que les agents puissent faire d'autres tâches que la conduite, comme les manoeuvres en gare. Mais cette volonté de changer les conditions de travail sur les petites lignes se heurte à des résistances sociales fortes. « Pourtant, les short lines américaines ne sont pas des low cost, souligne Jacques Chauvineau. Les OFP peuvent être un foyer d'innovation, testant des règles différentes pour augmenter les performances sans remettre en cause la sécurité. » De leur côté, les collectivités territoriales restent très prudentes. Elles sont prêtes à aider au coup par coup, mais pas sur le long terme comme pour les trains express régionaux (TER). Si les OFP sont un peu le TER du fret, les marchandises peuvent aussi prendre le « TGV » ou du moins ses lignes. C'est le principe du projet Carex, qui consiste à faire rouler des trains de marchandises sur le réseau TGV inutilisé la nuit. L'objectif de ce « fret express » est de relier les aéroports, saturés au niveau du fret. Les marchandises visées ne ressemblent pas à celles traditionnellement convoitées par le rail : il s'agit de petits colis de haute valeur marchande, par exemple des médicaments ou des fleurs, qui doivent être livrés rapidement. Les principaux partenaires de ce projet sont les gestionnaires de fret sur les aéroports : Fedex, UPS, La Poste, Air France Cargo... L'objectif est un démarrage en 2012, d'abord entre Roissy et Lyon, puis Liège, Amsterdam et Londres. L'investissement est évalué à 40 millions d'euros à Lyon et 100 millions à Roissy. Depuis 1997, la gestion du réseau ferré a été séparée du transport ferroviaire, afin d'ouvrir la voie à la concurrence au sein des chemins de fer français. C'est Réseau ferré de France (RFF) qui est désormais propriétaire et gestionnaire des infrastructures ferroviaires. Or, l'État ne lui a jamais donné les moyens de ses missions et l'état général du réseau est mauvais. Et le prix des péages payés par les opérateurs de fret assure moins de 40 % du coût d'exploitation des voies. Si bien que chaque train qui passe coûte de l'argent à RFF. Cela évolue, mais lentement. « La part du coût de l'infrastructure financée par les recettes passera ainsi de 48 % en 2008 à 60 % en 2012, est-il ainsi indiqué dans le contrat de performances 2009-2013 signé entre l'État et RFF. Tant que les activités ne généreront pas de revenus suffisants, les péages payés par les entreprises ferroviaires seront complétés par des aides publiques. » Cela se traduira bien sûr par une augmentation des péages. « La plupart des opérateurs l'acceptent, à condition que le service s'améliore », souligne Véronique Wallon, directrice de la prospective, de la stratégie et du développement durable à Réseau ferré de France (RFF). La question de l'attribution des créneaux horaires de passage des trains (appelés « sillons ») déchaîne les passions. Actuellement, les trains de fret peinent à circuler en journée. On observe notamment des goulots d'étranglement près des grandes agglomérations aux heures de pointe car les sillons sont alloués aux voyageurs. « Il faut rééquilibrer les priorités entre le transport de voyageurs et le fret », clame Christian Rose, délégué général de l'Association des utilisateurs de transport de fret (AUTF). Autre grief : le manque de réactivité. « Les sillons sont alloués dix-huit mois à l'avance, rappelle Christian Rose. C'est adapté au transport de voyageurs, mais pas au fret. L'activité des industriels ne peut pas être prévue aussi précocement. » D'autre part, les travaux entraînant la fermeture de lignes doivent être mieux programmés, afin que les transporteurs puissent s'adapter. Mais RFF n'a pas assez d'effectifs. Elle fait donc appel à la SNCF pour préparer l'organisation des plans de transport. Les concurrents, mais aussi les chargeurs, dénoncent un mélange des genres. L'Europe a d'ailleurs adressé une mise en demeure à la France pour mieux séparer l'exploitation et la gestion de l'infrastructure. De même, la SNCF a le monopole des travaux de maintenance sur les voies de RFF. Là encore, l'existence d'une concurrence diminuerait probablement les coûts. « L'État ne peut pas à la fois être actionnaire de la SNCF et garantir la loyauté des conditions de concurrence du fret ferroviaire, souligne Didier Léandri. Il faudrait une autorité de régulation, comme pour les télécoms ou l'énergie. » Pour optimiser l'utilisation du réseau, RFF a mis en oeuvre en Midi-Pyrénées et Rhône-Alpes un nouveau mode de circulation des trains : le cadencement, qui doit être petit à petit déployé dans les autres régions. « Il s'agit de simplifier la conception des horaires, et surtout de faciliter les correspondances, en faisant arriver tous les trains d'une gare autour d'une même heure, indique Yann Le Floch, responsable du cadencement chez RFF. Nous réserverons dès le départ des sillons pour le fret, ce qui permettra aux trains de marchandises de rouler davantage, donc d'être plus rentables. » Pour Georges Di Lallo, « le cadencement est une bonne occasion d'accroître la fiabilité du fret. » Pourtant, « on n'a pas vu d'amélioration dans les régions où le cadencement a été mis en place, rétorque Christian Rose. Les pressions politiques et économiques pour donner la priorité aux voyageurs demeurent. » Cependant, il semble difficile de développer notablement le fret sans prendre en compte l'opérateur historique, qui peut réaliser de gros gains de productivité. Mais la SNCF n'accorde pas de moyens particuliers au fret : un train de marchandises n'a pas la garantie d'avoir un conducteur ou une locomotive. Et la tentative d'adopter un règlement plus favorable à cette activité s'est soldée par une grève en novembre 2008. La SNCF a cédé. D'autant qu'en cas de mouvement social, ce sont les marchandises qui pâtissent le plus. « Après un débrayage, il faut attendre quatre à dix jours avant de retrouver une situation normale pour le fret », observe Georges Di Lallo. Laetitia Dablanc, chercheuse à l'Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité (Inrets), observe aussi une absence de sens du client à la SNCF. « Lorsque l'opérateur allemand, la Deutsche Bahn, s'est restructuré, elle a supprimé des lignes, mais allait systématiquement voir les chargeurs pour leur proposer d'autres solutions, parfois avec d'autres opérateurs. La SNCF, elle, prévient à peine ses clients. » Contactée, la société nationale n'a pas voulu répondre aux questions d'Environnement Magazine. Faut-il y voir une réticence à parler d'un sujet délicat ou là aussi un manque de réactivité ? Depuis le 1er avril 2006, elle n'est plus le seul opérateur de transport ferroviaire. « Les nouveaux entrants ont un effet bénéfique, même s'ils mettent du temps à décoller », estime Christian Rose. Pourtant, l'ouverture à la concurrence n'a pas permis d'endiguer la baisse du fret ferroviaire. Veolia Cargo avoue que ses résultats ne sont pas aussi bons que prévu, avec seulement 500 millions de tonnes-kilomètres, alors qu'elle visait 1 milliard. « Nous nous attendions à une concurrence moins dure de la route et à un cadre institutionnel plus efficace », explique Didier Léandri. Le nouvel opérateur ne fait rouler que des trains complets. « Nous commençons par le plus simple, en offrant une ponctualité et une garantie de résultats. Plus de 90 % de nos trains ont moins d'une demi-heure de retard, selon RFF. Nous parvenons à ce résultat car nous avons du personnel et du matériel affectés spécifiquement à ce service. » Veolia Cargo commence à composer des trains. « En créant des agences sur tout le territoire et en multipliant les trafics, nous serons en mesure de proposer des services de wagon isolé comme nous le faisons en Allemagne », précise-t-il. Une autre raison du retard français est liée à la situation des ports. En Allemagne, une partie notable du trafic provient des conteneurs arrivant dans les ports, tels Hambourg. Mais les ports français ne sont pas aussi gros que leurs homologues européens. Et leur desserte ferroviaire laisse à désirer. Le Havre semble le mieux placé et des investissements sont programmés pour améliorer les infrastructures, mais Marseille reste à la traîne. Les pistes de progrès existent donc, mais il ne faut pas attendre de miracle. « Le fret ferroviaire ne bénéficiera pas d'un report massif du trafic routier, prévient Laetitia Dablanc. On peut l'améliorer, stopper la dégradation, mais le rail reste trop complexe et coûteux pour être présent partout. »


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