Dix ans après avoir érigé le développement durable en modèle de croissance avec la stratégie de Göteborg, l'Union européenne n'est pas avare lorsqu'il faut accompagner les collectivités, les associations et les entreprises porteuses de projets environnementaux. De la prévention des risques à la protection des milieux, on estime que 25 % des aides actuelles du Fonds européen de développement régional (Feder) vont au secteur. D'après une enquête de l'Ifop réalisée début mai, les dispositifs de l'Union restent pourtant mal connus. Si 89 % des collectivités savent qu'elles peuvent avoir recours au Feder, le taux plafonne à 33 % chez les chefs d'entreprise de moins de 250 salariés. Alors que depuis 2007 et la Stratégie de Lisbonne, la priorité européenne est de financer l'innovation et la compétitivité, donc le secteur privé ! Pour le Fonds social européen (FSE), les chiffres tombent respectivement à 62 et 31 %. Sa vocation est pourtant là encore favorable « à la mutation de l'économie en aidant ceux qui en ont le plus besoin à travers la formation professionnelle et l'insertion sociale », comme l'explique Vincent le Dolley, conseiller en charge du développement régional et des politiques européennes à la Datar (Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale).
Ces chiffres tranchent avec la satisfaction affichée par les bénéficiaires des aides européennes. Toujours d'après l'Ifop, 81 % des dossiers déposés par les élus donnent lieu à des aides et les projets présentés par les chefs d'entreprise sont eux aussi plutôt bien récompensés avec des réponses positives dans 58 % des cas (88 % dans l'industrie !).
Dans un souci de cohérence territoriale, l'Union ne gère pas directement les attributions. Ce sont les services déconcentrés de l'État, voire les conseils régionaux, qui sont les interlocuteurs privilégiés des candidats à une subvention. Si la démarche est fastidieuse, le jeu en vaut pourtant la chandelle, comme l'a compris la communauté de communes de l'Issaure, à peine 2 500 habitants dans le Limousin. L'installation d'un chauffage par géothermie dans la halte-garderie a coûté 58 000 euros à la collectivité et a été financée à hauteur de 10 350 euros. « La procédure est longue et j'ai pas mal navigué entre la préfecture et la Dreal », se rappelle la technicienne en charge du dossier. Surtout, « il a fallu prévoir un montage financier sans tenir compte des fonds européens. Nous les avons obtenus plusieurs mois après l'entrée en fonction du bâtiment ! »
Pour Cécile Artale, directrice de Pirouette Cacahuète, le constat est le même. L'association dijonnaise d'éducation à l'environnement attend 50 000 euros de fonds européens pour financer des projets d'environnement urbain. Et si le premier acompte est arrivé quinze jours après le dépôt du dossier, l'essentiel de l'aide se fait attendre. « On peut regretter qu'il n'y ait pas un interlocuteur unique dans l'administration, insiste-t-elle. D'autant que les fonctionnaires qui instruisent les dossiers sont parfois aussi perdus que nous ! Ils manquent de formations techniques pour identifier les pièces justificatives à intégrer dans le dossier par exemple. »
Malgré ses limites, « le Feder est une bouée de sauvetage pour les associations de terrain », lance Didier Houi, directeur général adjoint des services du conseil régional de Midi-Pyrénées. La Région est plutôt bien dotée par l'Union et « le Feder est le levier européen le plus important », estime-t-il. Elle a ainsi récupéré 430 millions d'euros sur la période 2007-2013, dont environ 150 consacrés au développement durable. En complément d'aides régionales, le fonds a par exemple été mis à contribution pour financer une quinzaine de réseaux de chaleur bois. « Le développement durable se déploie dans l'axe environnement (60 millions d'euros), mais aussi dans les autres axes prioritaires d'intervention du Feder, poursuit-il. Entre autres à travers la promotion des éco-industries dans le volet consacré au développement économique. » Il vit surtout à travers d'autres aides européennes comme le FSE ou le Feader, conçu pour le développement rural. En Midi-Pyrénées, « nous l'avons mobilisé pour la reforestation et l'agroforesterie, illustre Didier Houi. Le réchauffement climatique est une réalité. Dans la région, la végétation remonte en altitude de 3 mètres par an. Il faut participer à l'adaptation de l'activité agricole, par exemple en finançant la plantation d'arbres dans les zones de pâture. »
Au-delà des fonds, l'Union européenne dispose aussi de programmes gérés par la Commission ou la Banque européenne d'investissement ( BEI). Accompagnant les objectifs prioritaires définis à Bruxelles, « ils présentent un mode opératoire sensiblement différent des fonds structurels puisqu'ils sont, en général, activés dans le cadre d'appels à propositions à destination de l'ensemble des acteurs des 27 pays de l'Union », explique-t-on à l'Association française du conseil des communes et régions d'Europe ( AFCCRE). Life+, l'instrument de l'Union pour la protection de l'environnement, est sans doute le plus connu. Il était doté, cette année, de 244 millions d'euros (2 milliards sur 2007-2012) et huit projets français ont été retenus. Plusieurs programmes requièrent parallèlement une dimension transnationale, à l'instar d'EIE (Énergie intelligente pour l'Europe), un dispositif promouvant comme son nom l'indique les économies d'énergie. La Rochelle s'est ainsi associé à des villes autrichiennes, croates ou grecques pour soutenir le projet Biosire visant à créer des modes de transport plus durables dans les régions touristiques.
Alors que les banques hésitent à prêter aux porteurs de projets l'argent dont ils ont besoin, les outils financiers de la BEI apparaissent aussi comme une ressource à ne pas négliger. Son fonds d'investissement s'adresse aux PME et sert de caution aux institutions financières qui leur prêtent. En 2009, un partenariat avec le Crédit coopératif a ainsi permis de développer une offre spécifique pour les entreprises qui innovent dans le secteur de l'environnement, du recyclage, de l'assainissement, des ENR ou dans les économies d'énergie. Chaque crédit peut atteindre 3 millions d'euros sur vingt ans à un taux réduit. Pour les Régions, s'appuyer sur la BEI est aussi un moyen d'injecter de l'argent dans l'économie locale. En Poitou-Charentes, 400 millions d'euros ont ainsi été mobilisés sur la période 2009-2012 pour promouvoir les installations photovoltaïques. Et Midi-Pyrénées a repris l'idée en l'élargissant aux énergies renouvelables, avec 700 millions d'euros de prêts bonifiés. Dans les deux cas, les partenariats sont tripartites. Ce sont des établissements bancaires qui s'engagent à prêter aux investisseurs publics et privés à un taux légèrement inférieur à celui du marché et en se contentant d'un minimum de garanties. Et, dans l'idéal, l'Europe et la Région ne déboursent pas un centime : elles garantissent chacun des prêts et assurent, en revanche, leur remboursement si la technologie déployée n'a pas tenu ses promesses.