La décision n° 2012-660 DC du 17 janvier 2013 par laquelle le Conseil constitutionnel a déclaré la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production du logement social, dite « loi Duflot », conforme à la Constitution a mis un point final au feuilleton juridique qui durait depuis plusieurs mois. Dans une première décision (n° 2012-655), le juge constitutionnel, constatant que la loi déférée avait été adoptée selon une procédure contraire à la Constitution, l'avait en effet déclarée contraire à la Constitution dans son ensemble. Le nouveau projet de « loi logement » diffère toutefois au fond sur quelques points du texte voté et censuré.
Renforcement des obligations
Plus de douze ans après l'adoption de l'article 55 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « SRU », le dispositif de soutien à la construction de logements sociaux est sensiblement renforcé. L'article 10 de la loi « Duflot » relève ainsi – au 1er janvier 2014 - à 25 % le seuil minimal de logements sociaux dans les communes soumises à l'article 55 de la « loi SRU » (1) situées en zone dite « tendue » (art. L. 302-5 du Code la construction et de l'habitation-CCH). Ce taux est toutefois maintenu à 20 % pour les communes situées dans une agglomération ou membres d'un EPCI à fiscalité propre dont la situation du parc de logements ne justifie pas un effort de construction supplémentaire. La liste des agglomérations et des EPCI concernés sera établie par décret sur la base de critères inscrits dans la loi. Par ailleurs sont désormais soumises au taux de 20 % de logements sociaux les communes isolées de plus de 15 000 habitants en forte croissance démographique et qui n'appartiennent pas à une agglomération ou un EPCI à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants et comportant une commune de plus de 15 000 habitants. Pour ces dernières, le premier prélèvement sur les ressources fiscales interviendra le 1er janvier 2017. Sachant que l'échéance pour atteindre le taux obligatoire de logements sociaux est fixée à 2025 (art. 15). L'objectif de réalisation de logements locatifs sociaux devra préciser la typologie des logements à réaliser.
La loi actualise également les modalités d'exemption des communes soumises à l'obligation de production de logements sociaux afin de prendre en compte la décroissance démographique au sein des EPCI. En sont également exonérées les communes dont le territoire est grevé par des inconstructibilités liées à des plans de prévention des risques, technologiques, naturels ou miniers. Pour les communes faisant l'objet d'un constat de carence, la loi (art. 12 - art. L.302-9-1-2 du CCH et L.111-13 modifiés du Code de l'urbanisme-CU) impose, dans toute opération de construction de plus de douze logements ou de plus de 800 m2 de surface de plancher, au moins 30 % de logements locatifs sociaux, hors logements financés en prêt locatif social (PLS).
Majoration du prélèvement
S'agissant des sanctions applicables aux communes ne réalisant pas leurs objectifs triennaux de production de logements sociaux, la procédure s'organise désormais non plus en deux mais en trois étapes : arrêté de carence du préfet, arrêté de constatation de non-réalisation des objectifs, sanction pécuniaire. Pour les communes en état de carence, l'article 16 (art. L. 302-9-1 du CCH) permet au préfet, après avis de la commission départementale, de multiplier par cinq le prélèvement sur les ressources fiscales des communes. Par ailleurs, le montant potentiel du prélèvement majoré pourra désormais atteindre 7,5 % (au lieu de 5 %) des dépenses réelles de fonctionnement pour les communes les plus aisées. En revanche, la loi (art. 17) supprime la possibilité pour la commission départementale de doubler la majoration du prélèvement prévue par l'arrêté de carence. Le texte (art. 20) permet enfin au préfet de déléguer l'exercice du droit de préemption dont il est titulaire sur le territoire des communes faisant l'objet d'un arrêté de carence aux EPCI délégataires des aides à la pierre et aux établissements publics fonciers locaux (art. L.210-1 modifié du CU).
Calcul et affectation du prélèvement
La loi (art. 14 – L. 302-7 modifié du CCH) modifie le calcul et l'affectation du prélèvement opéré sur les ressources fiscales des communes soumises à l'article 55 de la « loi SRU », en prévoyant notamment le versement par priorité aux EPCI délégataires des aides à la pierre mais également en permettant son versement aux établissements publics fonciers d'État.
Un Fonds national de développement d'une offre de logements locatifs très sociaux à destination des ménages modestes est par ailleurs créé (art. 19 - L.302-9-3 et L.302-9-4 du CCH), auquel sera versée la majoration du prélèvement opéré sur les communes faisant l'objet d'un arrêté de carence. À noter enfin, la loi (art. 25) supprime le dispositif permettant aux EPCI de reverser aux communes une partie des sommes issues du prélèvement.
Mobilisation du foncier public
La loi (art. 3 et 4-L. 3211-7 et L. 3211-13-1 du Code général de la propriété des personnes publiques) définit un cadre juridique permettant, sous certaines conditions, la cession gratuite des terrains nus ou bâtis de l'État (ou de certains de ses établissements) destinés à la construction de logements sociaux. Pour la part du programme de construction destinée au logement social, la décote pourra atteindre 100 % de la valeur du terrain. Cette décote est toutefois limitée à 50 % pour les logements financés en PLS et pour les logements en accession sociale à la propriété. L'application d'une décote sera de plein droit quand la cession est faite au profit notamment des collectivités territoriales, des EPCI, des bailleurs sociaux ou encore d'établissements publics fonciers, si le terrain figure sur une liste établie par le préfet de région après avis du comité régional de l'habitat, du maire de la commune et du président de l'EPCI compétent. L'article 6 modifie en conséquence l'article L. 240-3 du Code de l'urbanisme afin d'ouvrir la possibilité d'appliquer la décote lors de l'exercice, par les communes et les EPCI, de leur droit de priorité à l'occasion de la cession de parcelles appartenant à certains établissements publics de l'État.
Mesures diverses
Lors d'une procédure d'aliénation de biens par un bailleur social, le préfet doit demander et désormais suivre l'avis du maire de la commune concernée (art. 9 L. 443-7 du CCH). En cas de désaccord, le ministre du Logement statue en dernier ressort. L'article 22 précise que le document d'orientation et d'objectifs (DOO) du schéma de cohérence territoriale (Scot) assure la cohérence d'ensemble des orientations arrêtées par le Scot (L.122-1-4 du CU). Enfin, l'article 23 précise qu'un plan local d'urbanisme (PLU) peut permettre la construction de davantage de logements que les obligations minimales prévues par le programme local de l'habitat (PLH).