Différents types de voies sont susceptibles d'être empruntées. Sur le territoire d'une collectivité, la plupart sont des voies publiques affectées à la libre circulation du public qui appartiennent au domaine public. Il existe également au sein de la voirie communale les chemins ruraux affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales et qui font partie du domaine privé de la commune (1). Les autres voies situées sur le territoire communal appartiennent quant à elles à des personnes privées. Après avoir étudié quelques textes législatifs et réglementaires impactant le domaine de la voirie (I), l'étude de réponses ministérielles et de décisions jurisprudentielles permettra d'illustrer le régime juridique applicable aux voies publiques (II), ainsi que celui applicable aux chemins situés sur le territoire d'une commune (III).
I. Regards sur les textes
Aucun texte ne venant bouleverser le régime juridique de la voirie, notre étude sera succincte, la matière étant davantage jurisprudentielle.
A. L'accessibilité
De nouvelles normes de mesures des obstacles bas installés sur la voirie et les espaces publics sont entrées en vigueur au 1er avril 2013 (2). Elles prescrivent notamment une hauteur minimale de 0,50 mètre pour les poteaux et bornes installés sur la voirie. Si le poteau a une hauteur de 0,50 mètre, sa largeur ou son diamètre ne peut être inférieur à 0,28 mètre. L'objectif est d'accroître la sécurité des cheminements de tous les usagers de la voirie, et notamment faciliter le repérage des bornes et poteaux par les personnes aveugles ou malvoyantes.
Qui croyait au respect de l'échéance de 2015 en matière d'accessibilité ? « Inutile de se voiler la face, la France est en mal d'accessibilité », un constat sans détour issu du rapport sénatorial Réussir 2015 (3). Le Comité interministériel du handicap tenu le 25 septembre 2013 avait d'ailleurs défini des mesures prioritaires pour réussir la mise en accessibilité, conscient que « le retard accumulé depuis 2005 compromet le respect de l'échéance de 2015 ». La mise en place d'agendas d'accessibilité programmée (Ad'AP) a été décidée en février 2014 pour permettre aux acteurs publics et privés, qui ne seront pas en conformité avec l'ensemble des règles d'accessibilité au 1er janvier 2015, de s'engager sur un calendrier précis et resserré de travaux d'accessibilité. À ce titre, un projet de loi d'habilitation a été présenté le 9 avril en conseil des ministres pour légiférer par ordonnance sur le régime des Ad'AP et l'assouplissement de la réglementation (4). En matière de voirie, le Pave (plan de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics) deviendrait facultatif pour les communes de moins de 500 habitants, et un fonds serait consacré à l'accompagnement de l'accessibilité universelle notamment dans la chaîne de déplacement, ses ressources provenant de sanctions financières en cas de non-respect des Ad'AP. Il convient sur ce point de rapprocher l'achèvement des missions d'assistance technique de l'État pour des raisons de solidarité et d'aménagement (Atesat) à compter du 1er janvier 2014 (5).
B. Autres dispositions communes
À titre non exhaustif, évoquons tout d'abord la mise en place du péage modulé pour les véhicules de transport de marchandises par route (6). Ensuite, la durée maximale de stationnement des conducteurs de taxis, de véhicules de transport de personnes à moto et de voitures de tourisme avec chauffeur est limitée à une heure. Le but est notamment d'améliorer la gestion des flux de circulation à l'abord des gares et aérogares ou dans l'enceinte de celles-ci (7). Quant à la dépénalisation du stationnement payant sur la voirie, elle sera sans conteste l'objet de grands changements à venir pour les communes (8). Le transfert des pouvoirs de police et de stationnement au président d'un Epci à fiscalité propre devient d'ailleurs automatique (et non plus facultative) si cet établissement est compétent en matière de voirie, sauf sur opposition d'un maire (9). Enfin, la procédure d'autorisation ou de déclaration préalable à la réalisation des ouvrages de réseaux publics de distribution d'électricité a été modifiée dans le but notamment de simplifier les procédures administratives, de raccourcir les délais d'approbation des ouvrages des réseaux publics de distribution d'électricité, et d'intégrer diverses dispositions du Code de l'environnement (10).
II. Les voies communales
Les douze derniers mois confirment la nature des contentieux opposant traditionnellement les collectivités gestionnaires des voies publiques aux usagers ou aux propriétaires riverains des voies. Les réponses ministérielles confirment ces grandes tendances et les principes posés.
A. Accident : entretien des voies et responsabilité
Le défaut d'entretien normal de la voie publique peut engendrer la mise en jeu de la responsabilité de la collectivité territoriale qui a en charge sa gestion. Il appartient à l'usager, victime d'un dommage survenu sur une voie publique, de rapporter la preuve de son préjudice et la preuve du lien de cause à effet entre la voirie prétendue non entretenue ou mal entretenue, et le dommage dont il se plaint. Pour s'exonérer de la responsabilité qui pèse ainsi sur elle, il incombe alors à la collectivité maître d'ouvrage, soit d'établir qu'il n'y a pas eu de défaut d'entretien, soit de démontrer la faute de la victime ou l'existence d'un événement de force majeure. Ainsi, un « caniveau ne peut être regardé, par ses caractéristiques propres, comme un obstacle constitutif d'un défaut d'entretien normal d'un ouvrage public nécessitant une protection supplémentaire ou un signalement adéquat » (11). En l'espèce, la chute en vélo de la victime « paraît la conséquence unique de son imprudence à s'aventurer sur un chemin plongé dans l'obscurité qu'elle avait pourtant emprunté à l'aller et dont elle connaissait les caractéristiques ».
Le juge examine au cas par cas les éléments destinés à prouver l'absence de défaut d'entretien normal notamment au regard de la profondeur d'une excavation ou du relief d'une saillie sur la voie comme l'explique précisément une réponse ministérielle (12). A été rejetée la demande d'indemnisation d'un piéton ayant chuté sur le bas-côté d'une route : « … la présence de pierres affleurant du sol sur le bas-côté herbeux de la voie communale, bas-côté qui n'est pas aménagé pour les piétons, ne constituait pas, compte tenu de la destination de cet ouvrage, un obstacle excédant, par sa nature et son importance, ceux auxquels un piéton peut normalement s'attendre et contre lesquels il lui appartient de se prémunir en prenant lui-même les précautions nécessaires » (13). En revanche, la responsabilité d'un département a été engagée aux fins d'indemniser la victime d'une chute de vélo survenue en janvier 2002 sur une route alors classée dans le domaine public national, mais dont la gestion lui avait été transférée par la loi n° 2004-809 du 13 août 2004. Cette loi est considérée comme incluant les droits et obligations attachés aux actions pendantes au 1er janvier 2008, date de l'ensemble de la substitution des droits et obligations liés aux routes transférées (14). La responsabilité d'une commune a été engagée à la suite d'une chute de plusieurs mètres d'une cycliste ayant quitté la nuit une piste cyclable pour s'engouffrer dans une brèche conduisant à un bunker. Le grillage avait été retiré dû fait de sa vétusté, et les panneaux existants non visibles étaient régulièrement volés. La ville « a commis une faute de négligence et d'imprudence qui a causé un résultat dommageable de par son comportement qui n'est pas celui d'une personne normalement diligente » (15).
Le déneigement fait aussi partie de l'entretien de la voirie, du moins sur les axes prioritaires de circulation, notamment en cas de neige verglacée (16). Faut-il pour autant engager la responsabilité d'une collectivité dès la survenance d'un accident de circulation provoqué par une plaque de verglas ? Tout dépend du lieu, et de l'horaire de la formation de verglas. S'il est démontré que la plaque de verglas s'était formée sur la chaussée très peu de temps avant l'accident, la collectivité n'était pas à même de prendre les mesures appropriées pour éviter la survenance d'accidents. « Dans ces conditions, la double circonstance que cette portion de route n'ait pas été sablée et que la présence du verglas, imprévisible en l'espèce, n'ait pas été signalée, ne saurait être regardée comme constitutive d'un défaut d'entretien normal de la voie publique » (17).
B. Occupation du domaine public
Le maire peut refuser la cession d'une autorisation de stationnement de taxi sur des motifs tenant à la sécurité et à la commodité de la circulation sur les voies publiques notamment en raison de l'agressivité dont le chauffeur a fait preuve envers une cliente (18). Signalons sur ce point que l'autorisation de délivrer les emplacements de taxis fait partie des pouvoirs de police du maire transférés au président de l'Epci de manière automatique sauf sur opposition du maire (19).
C. Les travaux de réfection
L'entretien des ouvrages d'art fait régulièrement l'objet de précisions sur la répartition des coûts. Concernant les ponts, leur domanialité étant celle des voies qu'ils portent, les collectivités propriétaires des voies sont tenues d'assurer l'entretien du pont et la gestion de la voie portée. Une commune a l'obligation de prendre en charge les travaux d'entretien d'un pont surpomblant un canal et supportant une voie communale, alors même qu'il avait été construit par l'État (20). Ce cas de figure n'empêche pas de prévoir par voie contractuelle une répartition des coûts entre la personne publique propriétaire de l'ouvrage et le maître d'ouvrage de la nouvelle infrastructure de transport (21). De même, un mur séparant une propriété d'une voie communale est un accessoire du domaine public. L'entretien du mur effondré n'incombe donc pas au propriétaire du mur. Ce dernier peut donc invoquer des troubles de jouissance par l'impossibilité d'utiliser son jardin du fait notamment de l'inondation survenue à la suite de cet effondrement, et de l'exposition de sa propriété à la vue des passants outre l'enrichissement sans cause procuré à la commune par l'exécution des travaux de réfection (22).
Lorsque la commune délègue à une entreprise privée la réalisation de travaux sur la voirie communale, le personnel de cette entreprise peut procéder à la signalisation temporaire appropriée pour la mise en œuvre des mesures de police de la circulation préalablement édictées par le maire (23). Les opérations de gestion matérielle effectuées sur la voirie pour la mise en œuvre d'une décision de police peuvent en effet faire l'objet d'une délégation à une personne privée, celle-ci devant respecter les conditions posées dans la huitième partie de l'instruction interministérielle sur la signalisation routière (24). Concernant la réfection des routes communales (bouchage des trous, goudronnage, revêtement bicouche…), les règles d'imputation comptable des dépenses et de la Tva entre section d'investissement et de fonctionnement sont encadrées et régulièrement rappelées (25). À ce titre, l'existence de la contribution pour dégradation anormale est régulièrement rappelée. En effet, lorsque les voies communales sont dégradées par des poids lourds à l'occasion de chantiers ou d'exploitations de carrières ou de forêts, la commune peut imposer aux entrepreneurs ou propriétaires la réparation des dégâts causés à ces occasions en leur demandant des contributions prévues à cet effet selon les modalités décrites au Code de la voirie routière (26).
D. Les droits des riverains
Les délaissés de voirie. Les propriétaires riverains des voies du domaine public routier ont une priorité pour l'acquisition des parcelles situées au droit de leur propriété et déclassées par suite d'un changement de tracé de ces voies ou de l'ouverture d'une voie nouvelle (27). Une parcelle litigieuse, sur laquelle était implanté un pont détruit pendant la seconde guerre mondiale, est devenue propriété du département à la suite d'un arrêté interministériel déclassant la route nationale pour l'incorporer dans la voirie départementale. « Si cette parcelle a perdu, du seul fait qu'elle n'était plus utilisée pour la circulation depuis cette période, son caractère de dépendance du domaine public routier, elle constitue un délaissé de voirie, et non une parcelle dépendant du domaine privé du département. » (28) À l'inverse, une réserve foncière constituée dans une zone d'activités en vue d'un projet d'extension d'un réseau de transports en commun qui a été abandonné, et qui n'a jamais été ouverte à la circulation, n'appartient ni au domaine public routier, ni au domaine public. Sa vente n'a donc pas à respecter la procédure de la vente des délaissés de voirie (29).
L'aisance de voirie. Il s'agit d'un droit réel accessoire au droit de propriété des riverains les autorisant unilatéralement à bénéficier d'un accès au domaine public routier. Aucune procédure formelle ne s'impose préalablement à la suppression de cet accès, mais
en pratique, l'information préalable du titulaire de la permission de voirie par le gestionnaire de la voie peut lui permettre de faire part de ses observations. Les motifs de la suppression d'un accès riverain, qui peuvent résulter de considérations de sécurité routière, peuvent être soumis au contrôle du juge (30). Dans le même esprit, une demande de désenclavement peut être formulée pour bénéficier d'un accès à la voie publique. « L'état d'enclave d'une parcelle peut résulter de ce que l'issue existante est inutilisable en raison de son étroitesse. » Dès lors, « en se bornant à relever que la parcelle était accessible par le chemin de service, sans vérifier si cet accès était suffisant pour une exploitation agricole, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 682 du Code civil » (31).
Élargissement ou création. Un alignement individuel se borne à constater les limites d'une voie publique en bordure des propriétés riveraines et reste sans effet sur les droits des propriétaires riverains (32). En revanche, l'élargissement d'une voie communale, pouvant affecter leur droit de propriété, fait régulièrement l'objet de précisions en particulier sur l'exigence des enquêtes publiques. Deux enquêtes sont nécessaires si les opérations nécessitent une expropriation. L'enquête parcellaire peut être faite soit en même temps que l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique, soit postérieurement (33). La création d'une nouvelle voie pour relier deux impasses doit présenter un caractère d'utilité publique pour justifier l'expropriation. Tel est le cas si la jonction permet l'accès des habitants à la zone de loisirs, et facilite la rapidité d'accès aux véhicules de lutte contre l'incendie outre la circulation plus aisée du camion de ramassage des ordures ménagères (34). D'une manière générale, l'absence de droit d'accès direct des expropriés aux informations relatives aux valeurs foncières détenues par l'administration n'a pas justifié le recours au Conseil constitutionnel du fait de l'obtention gratuite de ces informations sur simple demande et sans restriction, permettant ainsi de prendre connaissance des éléments d'information pour apprécier la valeur de leur bien (35).
Les inconvénients liés aux travaux. Dans le cadre de l'opération de travaux publics, l'existence d'un dommage anormal et spécial dûment démontré peut justifier l'octroi d'une indemnité pour réparer le préjudice subi. Ainsi, des pertes d'exploitation subies par une société pendant la durée des travaux « ne sont pas, par elles-mêmes, de nature à caractériser l'existence d'un dommage anormal et spécial ; leur concomitance avec le déroulement du chantier ne saurait davantage dispenser la société d'établir l'existence d'un lien de causalité entre les pertes dont elle demande réparation et les travaux publics auxquels elle les impute » (36).
Un arrêt reconnaît que la construction d'une autoroute pendant deux ans crée une gêne excédent les sujétions normales imposées aux riverains dans l'intérêt de la voie publique et indemnise des personnes habitant à soixante-seize mètres (37). Mais des travaux de voirie transformant une voie à double sens avec stationnement de chaque côté en voie unique et détournement de circulation vers d'autres voies, ne sont pas de nature à indemniser un préjudice commercial allégué par une société de voyages créée avant la déclaration d'enquête publique des travaux litigieux (38). À l'inverse, le propriétaire d'une maison dont le toit surplombant la route a été endommagé par le passage de véhicules de grande hauteur, n'est pas fondé à contester le refus du maire de détruire un mur de soutènement construit en face de sa propriété qui aurait réduit le passage à cet endroit. L'intérêt général prime, le mur ayant permis d'élargir la voie de 2.50 mètres à 3.40 mètres (39).
Transfert ou reprise de la voirie d'un lotissement privé. Une réponse ministérielle apporte d'intéressantes précisions sur le cas d'une commune membre d'une communauté de communes compétente en matière de création, d'aménagement et d'entretien de la voirie d'intérêt communautaire (40). Outre la constitution d'une association syndicale, une convention peut être conclue soit entre le lotisseur et la commune si les voies du lotissement ne sont pas incluses dans la voirie considérée comme d'intérêt communautaire, soit avec la communauté de communes dans le cas inverse c'est-à-dire en cas d'une intégration communautaire renforcée.
III. Les chemins privés sur la commune
De nombreux chemins sillonnent les campagnes et ne sont pas pour autant des chemins « communaux », cette appellation n'ayant pas de reconnaissance juridique. Le Code de la voirie routière reconnaît distinctement la catégorie des « chemins ruraux », propriété de la commune, et les « chemins d'exploitation agricole », propriété des riverains, chacune répondant à une définition précise. Si en théorie les caractéristiques sont claires, les contentieux sur l'entretien ou la propriété font légion en pratique.
A. La qualification des chemins
L'article L. 161-1 du Code rural et de la pêche maritime définit les chemins ruraux comme des chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils se distinguent des autres voies privées appartenant aux propriétaires riverains, en particulier les chemins et sentiers d'exploitation qui servent exclusivement à la communication ou à l'exploitation des fonds riverains et dont l'utilisation présente un intérêt commun pour les propriétaires riverains, que ces chemins soient ouverts ou non à la circulation du public (41). Le contentieux le plus récurrent concerne la qualification des chemins.
Les décisions de la Cour de cassation sont majoritaires puisque les litiges portent sur la revendication et la propriété des chemins. Il appartient au juge d'apprécier tous les indices et éléments de preuve à l'appui des prétentions de chacune des deux parties au procès : tracé originaire du chemin figurant sur le plan cadastral, photographies, titre de propriété des riverains, situation des canalisations (42). Ce faisceau d'indices justifie que la Cour de cassation rappelle un principe souvent méconnu des élus locaux : un plan cadastral ne constitue pas un titre fixant la propriété d'un terrain. Dès lors, le juge ne peut s'appuyer exclusivement sur l'extrait cadastral quand bien même ce dernier comporterait distinctement la limite entre la voie communale et la propriété de la requérante (43). De même, l'accord des parties sur la fixation des limites des fonds dans un procès-verbal de bornage n'implique pas, à lui seul, leur accord sur la propriété des parcelles litigieuses (44). Un plan d'arpentage doit également être différencié du plan de bornage et ne fixe pas les limites séparatives entre les parcelles (45).
Selon la Cour de cassation, les juges doivent se déterminer au regard de la communication des fonds entre eux, et non au regard de leur desserte à partir de la voie publique. Mais « en affirmant péremptoirement » que le chemin litigieux servait exclusivement à la communication entre différents fonds, sans aucunement justifier cette affirmation vigoureusement contestée par l'ensemble des propriétaires riverains dudit chemin hormis la partie demanderesse, la cour d'appel prive sa décision de base légale au regard de l'article L. 162-1 du Code rural et de la pêche maritime (46). Les chemins d'exploitation sont ceux qui, longeant divers héritages ou y aboutissant, servent à la communication entre eux ou à leur exploitation. Si le chemin aboutit aux fonds litigieux, mais que ces derniers sont accessibles par d'autres accès, la qualification de chemin d'exploitation est exclue de ces constatations (47). De même, pour constituer un chemin d'exploitation, le chemin doit présenter un intérêt pour les fonds qu'il borde. N'est pas un chemin d'exploitation, le chemin qui était à vocation agricole, et plus précisément à usage d'assainissement des écuries, alors que les parcelles en cause ont aujourd'hui perdu cette vocation agricole, « ce dont il s'évinçait nécessairement que le chemin ne présentait aucune utilité actuelle pour les propriétaires des fonds riverains » (48). Les chemins d'exploitation « n'ont pas pour objet essentiel de désenclaver un fonds en assurant son accès à la voie publique ». Dès lors, le chemin litigieux constituant le seul accès reliant le tènement des demandeurs à la voie publique, et non pas de servir à la communication des fonds riverains du chemin entre eux ni à leur exploitation respective, la cour d'appel ne pouvait pas retenir la qualification de chemin d'exploitation. Par ailleurs, la qualification de chemin d'exploitation n'exclut pas à elle seule que le public ou le voisinage puisse y passer (49). Enfin, la reconnaissance d'un chemin d'exploitation ne fait pas obstacle au maintien d'une servitude par destination du père de famille, entraînant par là même l'existence d'un droit d'usage du chemin litigieux résultant de l'acte de partage de la propriété des parcelles (50).
B. Voies privées : les droits des riverains et des maires
Le propriétaire d'une voie privée qui est ouverte à la circulation publique est en droit d'en interdire à tout moment l'usage au public. Mais en l'absence de cette interdiction, le maire peut légalement faire usage des pouvoirs de police qu'il tient de l'article L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales pour assurer la sûreté et la commodité du passage dans cette voie (51). Si le propriétaire ne s'est pas expressément opposé à la circulation du public dans la voie, le maire n'excède pas son pouvoir de police municipale en décidant d'apposer un panneau indicateur (52). Et la circonstance qu'une voie privée ne serait pas ouverte à la circulation publique ou grevée d'une servitude de passage est sans incidence pour les services publics d'incendie et de secours qui sont, dans le cadre de leurs missions de protection et de secours, en droit d'intervenir sur tout le territoire de la commune, sans que puisse leur être opposé le caractère privé des voies qu'ils doivent emprunter (53). Quant à l'entretien des voies privées, il incombe aux propriétaires de ces voies privées, sauf si la commune l'a assumé de manière régulière et édicté des actes de surveillance. Une ruelle, chemin de faible largeur permettant le passage de piétons, est devenue une voie sans issue utilisée pour accéder à six propriétés privées. La commune n'ayant jamais entretenu cette voie, le maire de la commune ne commet pas d'illégalité en s'abstenant de faire usage de ses pouvoirs de police (54).
C. Chemins ruraux : les droits des riverains et des maires
Le chemin rural, partie du domaine privé de la commune, est affecté par nature au passage du public. Laisser un chemin rural en l'état, sans se préoccuper de son embroussaillement naturel au fil des ans et des décennies, et permettre à des riverains de l'entretenir comme de véritables propriétaires présente un risque pour les communes : celui de perdre la propriété du chemin si les conditions de la prescription acquisitive au sens de l'article 2227 du Code civil sont remplies (55) sans qu'un acte interruptif de la prescription soit intervenu (56). L'entretien du chemin rural n'est pas, par principe, une obligation incombant à la commune, sauf si la commune a exécuté des travaux destinés à en assurer ou à en améliorer la viabilité et a ainsi accepté d'en assumer, en fait, l'entretien dont la carence pourrait alors engager sa responsabilité (57). Mais il convient de distinguer les travaux réguliers d'entretien et l'exercice des pouvoirs de conservation des chemins ruraux attribué expressément au maire et engageant sa responsabilité (58). Ainsi, l'article D. 161-11 du Code rural et de la pêche maritime prévoit expressément que si un obstacle s'oppose à la circulation sur un chemin rural, le maire doit y remédier d'urgence (59). Le maire peut donc enjoindre à l'administré de procéder à l'enlèvement de l'obstacle à la circulation ou de tout objet susceptible de porter atteinte à la sécurité de la circulation, par exemple une clôture édifiée à l'entrée et au débouché du chemin (60), tout en pouvant exercer des poursuites pénales à son encontre puisqu'en sa qualité d'officier de police judiciaire, le maire peut aussi dresser procès-verbal constatant l'infraction (61). Mais s'il incombe au maire de prendre les mesures propres à assurer leur conservation, ces dispositions n'ont, par elles-mêmes, ni pour objet ni pour effet de mettre à la charge des communes une obligation d'entretien de ces voies. Une commune peut intervenir de manière limitée et ponctuelle, nécessitée par l'urgence pour un motif de sécurité et ayant consisté à combler des ornières sur une petite surface de quelques dizaines de mètres, afin de ne pas gêner la progression des véhicules de secours : « ce comblement, réalisé à une date indéterminée et dans le seul but, de police, de limiter les risques d'accident, ne permet pas de regarder la commune comme ayant accepté d'assumer, en fait, l'entretien du chemin » (62).
Terminons par la cession du chemin rural. Tous les propriétaires riverains doivent être mis en demeure d'acquérir les terrains attenants à leurs propriétés (63). Est considéré comme un propriétaire riverain « tout propriétaire qui possède au moins une parcelle contiguë au chemin rural, alors même que le chemin n'est pas une voie d'accès à sa propriété ». Quelle que soit l'utilité pour eux du chemin, l'obligation prévue a pour objet de permettre aux propriétaires riverains d'être informés de ce projet d'aliénation et de présenter une offre d'achat chiffrée, procédure constituant pour eux une garantie (64). Étant précisé qu'un mandat de vente exclusif d'un bien appartenant à une personne publique, même relevant du domaine privé, est un marché public soumis aux règles de la commande publique (65). Mais le refus de la commune de vendre l'assiette un chemin rural qui n'est plus affecté à l'usage du public n'a pas à être justifié et encore moins précédé d'une enquête publique (66).