Cette semaine, Thibault Le Garrec, consultant du groupe Square, souligne l’importance pour le secteur des assurances de s’emparer des sujets environnementaux. "L’enjeu pour les assureurs est aujourd’hui de développer de nouvelles offres ou de nouer des partenariats afin de suivre les évolutions du marché et pour diversifier les incitations", estime-t-il.
L’environnement est aujourd’hui au cœur des préoccupations et le rôle des grandes entreprises dans cette transition énergétique est souvent mis en avant. Les assureurs, acteurs clés de l’économie, multiplient les initiatives en faveur de l’environnement à travers l’investissement socialement responsable, le désinvestissement des énergies fossiles ou diverses incitations auprès de leurs salariés.
En revanche, en dehors des produits financiers dits "verts", les offres en faveur de l’environnement proposées aux consommateurs restent rares. Quels sont les freins à l’extension des produits verts sur le marché de l’assurance de biens ? Comment peut-on envisager leur développement ?
Un marché émergent
Quelques premières offres vertes se développent sur le marché des assurances de biens, autant pour les habitations que pour les véhicules. En cas d’équipement favorable à l’environnement, la prime payée par le consommateur restera inchangée ou sera même réduite. Le mécanisme est identique pour les différents produits, qu’il s’agisse des véhicules ou des habitations. Un effort est donc réalisé par les assureurs, les biens couverts ayant des valeurs supérieures aux biens "classiques", non écologiques.
Pour le secteur automobile, ces réductions de prime concernent majoritairement les véhicules électriques mais aussi dans une moindre mesure ceux qui polluent le moins. Concernant les habitations, les nouvelles formules d’assurances portent sur deux domaines majeurs. D’une part, la construction d’habitation qui est réalisée à partir de matériaux plus respectueux de l’environnement comme le bois. D’autre part, des équipements verts peuvent être ajoutés comme des installations énergétiques (panneaux photovoltaïques) ou des dispositifs de recyclage (traitement de l’eau, compost). Pour les logements, l’accompagnement et l’incitation par les assureurs se fait donc également par un maintien ou une baisse des primes. Le cas des panneaux photovoltaïques est cependant plus particulier car il peut impliquer des options supplémentaires et un surcoût. L’enjeu pour les assureurs est aujourd’hui de développer de nouvelles offres ou de nouer des partenariats afin de suivre les évolutions du marché et pour diversifier les incitations.
Une association encore timide
Les progrès dans l’association entre assurance de biens et écologie restent cependant difficiles à mesurer. L’équipement en véhicules rechargeables (électriques et hybrides) demeure assez faible en France (de l’ordre de 2% en 2018). Ce marché d’assurance reste pour le moment une niche. Les perspectives sont cependant positives avec une hausse de 25% des ventes entre 2017 et 2018 et des tendances qui se poursuivent à la hausse en 2019. Les statistiques sur les logements écologiques sont en revanche plus rares et ne permettent pas de tirer de tendances fiables par rapport au marché des véhicules rechargeables.
Face aux perspectives de marché, les assureurs ne peuvent pas négliger ces segments émergents et devront faire face aux contraintes d’un nouvel environnement. Les coûts de ces nouveaux biens sont généralement plus élevés, les frais de réparation sont importants et les primes payées par les assurés équivalentes ou plus faibles. L’inconnue dans cette équation est aujourd’hui la sinistralité, encore peu probante sur un marché jeune.
Les pistes de développement
Certains assureurs s’aventurent toutefois sur ce marché récent, notamment Altima-Maif avec une offre d’assurance collaborative à destination des détenteurs de véhicules électriques (proposant jusqu’à 30% de réduction sur la prime). Il ne s’agit pour autant pas d’une offre « low-cost » mais d’une proposition visant à récompenser les conducteurs de véhicule électrique, pour leur conduite plus responsable. L’assurance collaborative peut ainsi apparaître comme une solution intéressante pour favoriser et développer les intérêts environnementaux en fédérant les usagers autour de préoccupations communes.
L’innovation pourrait être une nouvelle clé du développement des solutions d’assurances favorables à l’environnement. De nouveaux usages apparaissent avec l’émergence des "assurtechs" et autres « start-up », en s’appuyant notamment sur le Big Data ou l’Intelligence Artificielle. L’association entre Amaguiz (filiale de Groupama) et de la start-up WeNow en est un bon exemple. Wenow, spécialisée dans la compensation embarquée propose de calculer le bilan carbone annuel des clients volontaires. Par la suite, les clients sont libres de financer des projets permettant de compenser leurs émissions et donc d’avoir une empreinte carbone neutre sur l’année.
Face au défi environnemental, des solutions vont pouvoir émerger à partir de la créativité des nouveaux entrants sur le marché, mais principalement sous l’impulsion des grands acteurs du marché. Un autre facteur important de progrès pourrait venir des Etats et des associations politiques comme l’Union européenne qui peuvent orienter, voire diriger des mutations importantes.
Thibault Le Garrec, consultant du groupe Square / DR