Les projets de méthanisation se heurtent parfois à des oppositions locales. Une communication bien en amont et des échanges réguliers permettent pourtant de créer une relation de confiance et de limiter les tensions.
« La méthanisation est une activité assez récente et la question de l'acceptabilité sociale n'est pas toujours abordée avec méthode par les acteurs », regrette Constant Delatte, dirigeant de Quelia, entreprise spécialisée dans l'accompagnement des projets d'énergies renouvelables. Ce qui peut braquer les habitants et nourrir des oppositions. « Aujourd'hui, les projets se multiplient et on a l'impression que les oppositions augmentent », constate Claire Ingremeau, chargée de mission pour le Club Biogaz de l'Association technique énergie environnement (ATEE). Pour y voir plus clair et aider les porteurs de projet, l'association mène justement une étude sur le sujet.
À l'heure actuelle, seuls quelques projets ont été abandonnés suite à des oppositions locales. D'après une étude menée par l'Ademe auprès des porteurs de 73 projets, 64 % n'ont pas rencontré d'opposition, 11 % en ont rencontré et 25 % ne se sont pas prononcés. L'agence a aussi demandé les raisons de l'arrêt de 38 projets. Seuls deux projets ont été bloqués suite à l'opposition locale. Marc Bauzet, directeur associé de Naskeo Environnement donne des chiffres similaires : « Sur nos dix installations déjà réalisées et les vingt en projet, nous avons reçu, dans neuf cas sur dix, un fort soutien local. Si elles existent, les oppositions se manifestent dès le départ. Elles sont souvent portées par une dizaine de personnes, rarement plus. » Néanmoins, l'arrivée d'un projet de méthanisation suscite toujours de nombreuses interrogations de la part de la population. « Il n'y a pas d'opposant par nature à la méthanisation. Les riverains voient arriver un projet qu'ils ne comprennent pas bien, se renseignent et peuvent ensuite devenir opposants », nuance Constant Delatte. La méthanisation est en effet un phénomène peu connu. Le mot « biogaz » peut faire craindre un risque d'explosion et la notion de « déchets », très négative, renvoie aux nuisances olfactives. Le collectif de riverains Logebeg Degaz contre le méthaniseur de Bannalec (Finistère) y ajoute d'autres critiques : « Des problèmes d'hygiène, si le métha-niseur est alimenté avec des carcasses, la pollution de l'eau par les nitrates, l'appauvrissement des terres, la décote de l'immobilier et la proximité avec des habitations. » Et certains comportements peuvent exaspérer les riverains, par exemple apprendre l'existence des projets par la presse.
Il est donc essentiel de communiquer directement pour instaurer un climat de confiance. Cette démarche n'est toutefois pas systématique, car la seule obligation légale est l'enquête publique, qui prévoit la mise à disposition d'un pavé technique à la mairie pendant un mois. « Ce processus n'est pas adapté au contexte actuel. Les acteurs comme les syndicats d'eau et les associations de consommateurs veulent participer aux décisions publiques qui influencent l'environnement », souligne Constant Delatte. La concertation peut prendre plusieurs formes, les plus courantes étant des réunions publiques, un site internet et des groupes de travail thématiques. Par exemple, les porteurs du projet d'Oudon (75 agriculteurs en Pays-de-la-Loire) ont dans un premier temps tenu un stand sur une foire locale pour présenter la démarche. « Ils ont touché près de 800 personnes et recueilli les avis des riverains », se souvient Paola Orozco-Souël, qui a animé la concertation. La fondatrice de Courant Porteur, spécialisé dans le conseil sur les projets de développement durable, souligne que la réunion publique organisée quelques semaines plus tard, en
octobre 2013, a réuni 400 personnes. « C'est beaucoup. Habituellement, ces réunions rassemblent une centaine de personnes ». De janvier à juin 2014, un comité local de suivi s'est ensuite réuni quatre fois et les habitants ont pu y exprimer leurs craintes. À l'issue de chaque réunion, des engagements ont été actés, par exemple la mise en place d'un comité « nez » pour se pencher sur le risque d'odeurs. Ces échanges permettent d'instaurer une confiance réciproque, même s'il n'y a pas de recette miracle. Pour aider les acteurs sur des projets parfois très différents, l'enquête menée par le Club Biogaz débouchera sur des propositions d'actions. « Nous organisons un séminaire sur ce thème le 24 novembre. Après avoir identifié les besoins, nous pourrions par exemple rédiger, d'ici 2015 à 2016, des guides, des retours d'expériences ou encore un point sur les obligations réglementaires », envisage Claire Ingremeau.