Depuis trois ans, la pénurie estivale d'eau touche un quart du pays. Chaque mètre de réseau d'eau français perd en moyenne dix litres par jour. Près de cinq millions de mètres cubes d'eau pompée et traitée sont perdus dans le sol chaque jour en France. Nos ressources en eau doivent être mieux gérées.
Pour gérer ces ressources, la distribution d'eau, la collecte et le traitement des eaux usées, les collectivités locales font souvent appel à des entreprises spécialisées, dont les principales sont Veolia Environnement, GDF-Suez ou Saur. Dans ces cas, elles gèrent leur service à travers un contrat et l'entreprise se rémunère en facturant les usagers. C'est là le paradoxe : l'intérêt de ces entreprises va à l'encontre de la préservation des ressources, puisqu'elles sont rémunérées sur la base des volumes distribués. Les collectivités déploient des efforts pour inciter leurs habitants à économiser l'eau, mais signent des contrats conduisant leurs prestataires à souhaiter l'inverse.
Lors de la création des services urbains, il y a plus de cent ans, des campagnes d'incitation à l'usage de l'eau ont permis d'augmenter les consommations, donc d'amortir les investissements et de rentabiliser les entreprises. En effet, ces métiers se traduisent par des charges fixes très importantes au regard de celles directement liées aux quantités de ressource distribuée. Ces charges fixes représentent plus de 90 % de l'ensemble des coûts. Les entreprises sont donc incitées à favoriser des consommations toujours plus élevées dont le coût marginal est très faible.
Or, aujourd'hui, à l'inverse du siècle dernier, les enjeux sont à une gestion parcimonieuse des ressources. Il faut inventer les formules de rémunération qui vont inciter les entreprises à réduire les consommations ou, pour le moins, ne vont pas les inciter à les augmenter. Si la ressource en eau est fragile ou risque de le devenir, le contrat doit préconiser un plafonnement annuel des consommations au-delà duquel l'entreprise rendra à la collectivité le produit des facturations excédentaires. À l'inverse,
si les consommations sont inférieures au seuil fixé, la collectivité complétera les recettes de l'entreprise.
Le plafond peut aussi porter sur l'eau prélevée dans le milieu naturel ou achetée à l'extérieur, ce qui renforcera la vigilance de l'entreprise sur les fuites du réseau. On sait que les pertes diminuent avec le carré de la pression. Mais les contrats n'incitent pas les exploitants à baisser la pression de distribution car la consommation des logements diminuerait.
L'amélioration du réseau doit être un enjeu essentiel de l'entreprise et son contrat devra lui en donner une large responsabilité. Dans ces contrats modernisés, la collectivité devient un régulateur local. Sa part du prix de l'eau lui permet, non seulement de payer les investissements et le contrôle du service, mais aussi de financer un fonds de régulation du contrat.
L'entreprise ne supporte plus de risque sur les consommations. Peut-être même peut-elle être intéressée à une baisse des volumes vendus ? Sa rémunération doit désormais dépendre de la performance du service c'est-à-dire de la qualité de l'eau, de la satisfaction des usagers et bien sûr de l'état des réseaux. Des indicateurs permettent aujourd'hui une mesure adaptée de la qualité du service.
Avec l'évolution des contrats, les entreprises doivent être aux côtés des collectivités dans l'économie des ressources naturelles et la protection de l'environnement.