Dans le monde, le constat est alarmant : 1,3 milliard d'êtres humains ne disposent pas d'un accès à une eau saine, 2,6 milliards d'êtres humains ne disposent pas d'un assainissement de base et 85 % des pollutions anthropiques sont déversées dans les milieux naturels terrestres, mais aussi littoraux et marins, sans aucune épuration. Le réchauffement climatique est désormais inéluctable. La ressource en eau douce sera directement touchée par celui-ci, avec pour conséquences annoncées le renforcement des phénomènes hydrologiques extrêmes, tels que les sécheresses et les inondations...
Changement climatique, pollution, gaspillage, destruction des écosystèmes : la gravité de la situation dans beaucoup de pays nécessite la mise en oeuvre d'une gestion globale, intégrée et cohérente des ressources en eau, des écosystèmes aquatiques et des territoires. Et les Objectifs du Millénaire pour l'eau potable et l'assainissement ne pourront pas être atteints sans que des progrès significatifs soient accomplis rapidement pour introduire une gestion intégrée des ressources en eau (Gire).
Les difficultés rencontrées ne sont pratiquement jamais techniques, même si des adaptations sont encore nécessaires pour les zones rurales et les quartiers urbains défavorisés, mais les principaux problèmes sont d'abord de nature politique et institutionnelle.
Ces problèmes sont en effet liés à une mauvaise organisation des institutions à tous les niveaux, locaux, nationaux et internationaux, à un manque de moyens financiers et des mécanismes permettant de les mobiliser, à une insuffisante connaissance des ressources, des écosystèmes et de leurs usages, ainsi que de l'économie de l'eau, à l'absence d'une vision globale, à long terme, des ressources et des usages, à une insuffisante solidarité des usagers, entre l'amont et l'aval d'un bassin ou pour l'utilisation d'un même grand aquifère, à un énorme retard dans l'éducation et dans la formation professionnelle.
Il y a, de plus en plus, accord des instances multilatérales et des pays pour concevoir une approche moderne de la gestion de l'eau, qui reposerait sur quelques grands principes communs. Cette gestion intégrée des ressources en eau, qui vise à la satisfaction optimale de l'ensemble des besoins légitimes, dans le respect des écosystèmes aquatiques, doit alors être organisée :
- à l'échelle des bassins versants, locaux, nationaux ou transfrontaliers, des fleuves, des lacs et des aquifères ;
- avec une participation à la prise des décisions, à côté des administrations gouvernementales compétentes, des autorités territoriales concernées, des représentants des différentes catégories d'usagers et associations de protection de la nature ou porteuses d'intérêts collectifs ;
- en s'appuyant sur des systèmes intégrés d'information, permettant de connaître les ressources, les écosystèmes, leurs usages et les rejets polluants, d'évaluer les risques, et de suivre les évolutions.
Leurs informations devront servir de base objective à la concertation, à la négociation et à la coordination des financements des différents donneurs :
- sur la base de plans de gestion, ou schémas directeurs, fixant les objectifs à atteindre à moyen et long terme ;
- par la réalisation de programmes de mesures et d'investissements prioritaires pluriannuels successifs ;
- en mobilisant des financements spécifiques, sur la base de l'application du principe « pollueur-payeur » et de systèmes « utilisateur-payeur ».
Les cadres juridiques doivent permettre l'application de ces six principes universels. Il faut en particulier se pencher sur les 263 fleuves ou lacs et les centaines d'aquifères, dont les bassins sont partagés entre au moins deux pays riverains, parfois beaucoup plus. Il est aussi indispensable de créer dans les pays des capacités suffisantes de formation professionnelle initiale et continue, surtout dans les secteurs de l'administration, de la gestion, de l'exploitation et de la maintenance ou des relations-clientèle avec les usagers.
Notre système institutionnel français est identifié, comme particulièrement performant et plusieurs de nos « outils » sont recommandés par les grandes organisations multilatérales dans la conduite des processus de réformes administratives indispensables. La gestion intégrée des ressources est une priorité si l'on ne veut pas que cette ressource rare soit l'un des facteurs limitant du développement de nombreux pays. Le retard pris devient inquiétant et une mobilisation sans précédent est indispensable. Le problème est d'abord politique et il faut que tous
les gouvernements s'en persuadent pour que l'humanité gagne la bataille de l'eau et prépare l'avenir.