Entre 2000 et 2008, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a publié pas moins de sept rapports et avis évoquant la gestion de l'eau. Son nouveau rapport, intitulé « Les usages domestiques de l'eau », est sans doute l'un des plus intéressants. Par la plume de son rapporteur, Paul de Viguerie, il dresse un état des lieux et préconise toute une série de propositions intéressantes, partant du principe que la satisfaction de l'usager domestique doit être la priorité de la politique publique de l'eau.
Le Cese préconise tout d'abord de renforcer l'évaluation, la transparence et la gouvernance au bénéfice de l'usager. En ce sens, il est demandé aux collectivités de s'investir dans la collecte des indicateurs de performance qui servent à réaliser le rapport du maire, d'homogénéiser les procédures de validation des données, et de développer la culture de l'interprétation et de l'évaluation de ces données.
DIAGNOSTIQUER LES RÉSEAUX PRIVÉS
Proposition innovante : l'instauration d'un diagnostic « réseau domestique » pour évaluer l'état du réseau privatif de l'usager et de ses équipements. Obligatoire pour toute cession immobilière à compter de 2011, il bénéficierait d'un crédit d'impôt.
Le Cese rappelle que la facture d'eau est souvent le seul lien entre l'usager et le service d'eau. D'où l'intérêt d'y faire figurer un indicateur moyen de consommation à l'échelle du territoire de la collectivité maître d'ouvrage, avec la répartition de la facture entre collectivités, opérateurs et organismes bénéficiaires. Pour responsabiliser l'usage de l'eau, le Cese approuve la mise en place de compteurs individuels, et demande d'adapter la pédagogie au contexte local. Il rappelle l'obligation pour les collectivités concernées de créer des Commissions consultatives des services publics locaux (CCSPL) et souhaite les voir se généraliser.
NOUVELLES RESSOURCES
Le rapport invite à développer la mobilisation de nouvelles ressources en eau et note des points clés : fixer des normes et un cadre réglementaire pour la réutilisation des eaux usées ; travailler sur le coût du dessalement d'eau de mer, ainsi que la consommation énergétique et les impacts des rejets. Pour lutter contre les pertes d'eau, le Cese appelle à une généralisation des compteurs télérelevés, à la charge des opérateurs. Quant à la réutilisation des eaux de pluie à l'intérieur des bâtiments, l'avis du Cese préconise, à la lumière des risques sanitaires, d'évaluer le rapport coût/efficacité du crédit d'impôt qui finance les installations de récupération - quitte à le modifier - et de s'assurer que ces « réutilisateurs » participent au financement du réseau collectif d'assainissement. Et il suggère d'envisager la construction d'un double réseau intérieur dans les grandes opérations d'urbanisme.
INVENTAIRE
DES POLLUTIONS
Les principales familles de polluants sont inventoriées : nitrates et pesticides ; résidus médicamenteux et perturbateurs endocriniens ; dérivés d'usages domestique. Pour les combattre, le Plan national santé environnement est jugé positivement par le Cese, tout comme le projet de création d'un pôle de compétitivité « eau » regroupant la recherche publique et privée.
Face au coût élevé des installations d'ANC, le Conseil évoque un crédit d'impôt spécifique et réaffirme également le besoin d'une égalité de traitement, au regard des subventions, entre les deux systèmes d'assainissement. Il demande aussi que les collectivités puissent unifier leurs services publics d'assainissement collectif et non collectif.
UN NOUVEAU MODÈLE ÉCONOMIQUE
Fixer un prix pour le service public de l'eau et de l'assainissement est difficile, car il faut concilier les questions environnementales, l'égalité de traitement des usagers, et équilibrer les comptes. Première piste : trouver la taille du territoire adaptée, « à priori l'échelon intercommunal », grâce à la mutualisation des coûts fixes.
Face à la baisse des volumes d'eau consommés, le Cese évoque plusieurs pistes de réforme du modèle économique des opérateurs : un périmètre de service mieux défini, une rémunération corrélée aux performances de l'opérateur, la dissociation des volumes vendus des volumes prélevés (dans le cadre de la réutilisation des eaux usées, par exemple).
Enfin, les limites de la tarification sociale qui ne repose que sur le Fonds solidarité logement (FSL) sont pointées (lire p. 14). Le Cese encourage donc à développer les conventions départementales dans le cadre du FSL et à faire participer les régies à ce financement. Il propose l'exonération de tout ou partie de la part fixe des personnes démunies et recommande d'instaurer une contribution au FSL de l'ordre de 1% du prix de l'eau.