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EAU

50 000 bar rages en sursis

LA RÉDACTION, LE 1er JUIN 2009
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Plus de 50 000 obstacles fabriqués par l'homme jalonnent les cours d'eau français. Les chiffres exacts sont affinés par l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema). Cet organisme promet pour l'automne 2009 une base « obstacles » nationale consolidée, contenant des informations sur l'ouvrage lui-même et, progressivement, sur sa « franchissabilité » par les poissons migrateurs. FAIRE L'INVENTAIRE DES OUVRAGES La circulation des poissons est en effet, avec celle des sédiments, l'un des deux grands enjeux posés par les seuils sur les cours d'eau. L'objectif d'atteinte du bon état à l'horizon 2015, conformément à la directive-cadre européenne sur l'eau (DCE) de 2000, en dépend fortement. Pourquoi ces seuils, qui existent parfois depuis des centaines d'années, ne gênent-ils la circulation des poissons qu'aujourd'hui ? « Pendant longtemps, les moulins étaient fonctionnels, les vannes étaient manoeuvrées et les ouvrages nettoyés. L'eau circulait, les poissons pouvaient régulièrement passer. Ce n'est plus que rarement le cas », rappelle Frédéric Ehrhardt, chargé de mission à l'Établissement public territorial du bassin de la Dordogne (EPTB-Dordogne). En outre, lorsque l'eau stagne, la capacité naturelle de dégradation des pollutions est altérée. L'inventaire prouve que nombre d'ouvrages sont abandonnés, la plupart n'ayant plus d'usage ou du moins plus d'usage autorisé. La suite logique du recensement des ouvrages est donc une réflexion sur le devenir de chacun d'entre eux, au cas par cas. Les études prennent en compte les usages, l'état de l'ouvrage, l'importance du cours d'eau pour les espèces ainsi que les coûts éventuels des actions envisagées pour effacer ou aménager l'ouvrage, puis l'entretenir. Alexis Delaunay, directeur du contrôle des usages et de l'action territoriale à l'Onema, précise l'orientation de la politique de l'État en matière de seuils : « La volonté principale est d'aller vers le bon état des eaux en 2015, donc de redonner un caractère d'eau vive et courante à un certain nombre de cours d'eau, notamment pour retrouver les espèces qui s'y plaisent. Cela ne veut pas dire que nous voulons forcément avoir ces espèces partout. Mais il faut garder un minimum d'eaux courantes pour avoir un peu de biodiversité. » Une fois ces principes généraux posés, les acteurs locaux entrent en scène. Ce sont eux qui vont mener les actions concrètes d'effacement ou d'aménagement des seuils. L'un des principaux outils de décision est fourni par les Schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage), mis au point par les comités de bassin des six grands bassins hydrographiques. Ils définissent les cours d'eau prioritaires au regard de la DCE, donc ceux sur lesquels les obstacles peuvent poser un réel problème. ASSURER LA CONTINUITÉ ÉCOLOGIQUE Les Sdage s'appuient eux-mêmes sur les critères définissant les rivières « réservées », établis par la loi sur l'eau de 2006 (lire encadré p. 31). Une partie des cours d'eau réservés ne peut accueillir aucun nouvel ouvrage barrant son lit mineur. La loi prévoit aussi un classement de certains cours d'eau « au titre de la continuité écologique » : dans ce cas, tous les seuils doivent assurer ladite continuité écologique, donc le passage des poissons et des sédiments. Afin de concrétiser les objectifs des Sdage, un nouvel échelon de planification locale est nécessaire : il définit, concrètement, les orientations pour chaque obstacle présent sur un axe prioritaire au titre du Sdage. Il peut prendre la forme d'un Sage, schéma d'aménagement et de gestion des eaux, ou d'un contrat de rivière, outil de contractualisation des aménagements. Ils sont tous deux élaborés à l'échelle d'un axe ou d'un bassin versant. Pour compléter le dispositif, les agences de l'eau peuvent innover. L'agence de l'eau Loire-Bretagne a mis au point un outil qui lui est spécifique, le « contrat territorial », et qui peut être consacré aux seuls milieux aquatiques et donc se révéler plus simple à mettre en place qu'un contrat de rivière. Il ne finance que des actions visant à restaurer les cours d'eau ou les zones humides et à les entretenir. L'important est cependant d'avoir « une contractualisation pour raisonner globalement à l'échelle de la masse d'eau », rappelle Lucien Maman, chef du service cours d'eau et zones humides à l'agence de l'eau Loire-Bretagne. En effet, une action d'effacement ou d'aménagement d'ouvrage n'a de sens que si elle s'intègre dans un ensemble coordonné, à l'échelle d'une masse d'eau et d'un bassin versant. Les maîtres d'ouvrage seront donc de préférence des organisations ayant déjà une expérience en matière de gestion de rivières : syndicats de rivière, communautés de communes, parcs naturels régionaux. « Le travail est énorme. Il faut s'appuyer sur la volonté politique locale pour servir de moteur dans ces actions, donc commencer là où cette volonté politique est déjà présente », estime Alexis Delaunay. L'agence de l'eau prend en charge une partie du financement, mais les collectivités locales sont aussi appelées à mettre la main à la poche. Cela peut freiner certaines ardeurs. Natacha Mosnier de l'EPTB-Loire, animatrice du Sage du bassin versant du Loir, rappelle que « les opérateurs territoriaux auront toujours à leur charge 20 % des financements dans le cadre des contrats restauration-entretien. Beaucoup d'acteurs ont des moyens très limités, ce qui explique que les réalisations restent peu nombreuses. C'est pourquoi des syndicats envisagent parfois de fusionner, pour mettre en commun leurs moyens ». CHERCHE MAÎTRE D'OUVRAGE Souvent, l'une des difficultés est de trouver un maître d'ouvrage. Afin d'encourager la maîtrise d'ouvrage publique, « la loi Bachelot avait facilité la possibilité d'aménager une rivière au titre de l'intérêt général. Mais les collectivités n'y sont pas obligées », souligne Jean-Luc Roy, directeur de l'eau et de l'exploitation de l'EPTB-Loire. Le projet de loi Grenelle 2 prévoit de simplifier encore la maîtrise d'ouvrage publique sur les ouvrages privés, sur simple accord avec le propriétaire. Il prévoit aussi d'étendre la possibilité donnée au préfet de faire exécuter des travaux d'office par une agence de l'eau ou une collectivité locale. Cette sanction particulièrement lourde doit être réservée le plus possible à des cas particulièrement justifiés, que précise un document élaboré par le ministère de l'Écologie (Meeddat) à l'intention des services de la police de l'eau en février 2009 : « Danger, pollution, obstacle indéniable à la continuité écologique sur un cours d'eau classé (1). » Actuellement, une injonction du préfet peut déjà obliger un propriétaire à mener des travaux si un ouvrage menace la sécurité publique. C'est sur injonction du préfet que l'EPTB-Loire a entrepris des travaux d'effacement du barrage du Fatou, dont il était propriétaire. Cet ouvrage formait une retenue de 10 000 m3 et présentait un danger de rupture en cas de crue. Le démolissage a été réalisé en 2007, et un réensemencement du site a été entrepris en 2008. Le coût s'est élevé à 250 000 euros et a été supporté à 25 % par l'EPTB-Loire, à 40 % par l'État, à 20 % par l'agence de l'eau et à 15 % par les fonds européens du Feder. « Cette opération a été exemplaire. Elle a prouvé qu'il était possible d'effacer un tel ouvrage et de trouver les financements. Il suffit que la volonté soit là », soutient Jean-Luc Roy. La nouvelle loi permettrait donc de rendre la maîtrise d'ouvrage publique plus facile, notamment pour les ouvrages « orphelins », dont les propriétaires ont disparu ou sont peu conscients des charges qui leur incombent, et pour une plus large palette de motivations. DROITS EMBROUILLÉS ET CASSE-TÊTE JURIDIQUE Les sites orphelins sont cependant souvent moins complexes à gérer que les ouvrages appartenant à des propriétaires privés, qui représentent la très grande majorité. Les droits de propriété sur les ouvrages et les droits d'eau qui en découlent sont parfois embrouillés. Ces deux droits sont différents : le premier est valable sur les canaux, vannes, barrages ou moulins ; le second sur l'utilisation de l'eau qui est ainsi retenue pour faire tourner le moulin ou alimenter une pièce d'eau. Ils sont parfois éparpillés entre plusieurs propriétaires. En outre, le monde des moulins, barrages et vannes détient une petite originalité juridique : le droit fondé en titre (2). Lorsqu'un propriétaire a un droit d'eau fondé en titre, il a de fait l'autorisation de maintenir ses ouvrages s'il y poursuit l'usage ancestral. Or un ouvrage autorisé ne pourra faire l'objet d'un effacement que si son propriétaire y consent ou si l'autorisation est retirée. « Compte tenu du nombre d'ouvrages existants et de la diversité des situations juridico-administratives, [...] la détermination du caractère autorisé ou non des ouvrages constitue le plus gros, et le plus complexe, du travail préalable à toute intervention sur un ouvrage », analyse le document du Meeddat. En revanche, le propriétaire d'un barrage autorisé a des obligations : entretien de l'ouvrage et, sur les cours d'eau classés, maintien de la continuité écologique. Il doit donc installer des passes à poissons, maintenir un débit minimal et actionner régulièrement des vannes pour laisser passer les sédiments. S'il ne s'y plie pas, son autorisation peut lui être retirée. Pourtant, ces aménagements ne suffisent pas toujours : « Les infractions les plus courantes relevées par les agents de l'Onema commissionnés pour la police de l'eau sont le non-respect du débit minimal et le mauvais entretien des passes à poissons. Des contrôles réguliers permettent cependant de faire diminuer drastiquement les infractions », note Alexis Delaunay. UNE NETTE PRÉFÉRENCE À L'ARASEMENT L'entretien exige des propriétaires des dépenses régulières, ce qui explique le laisser-aller parfois observé. C'est pourquoi « d'une manière générale, nous préférons l'arasement de l'obstacle à une passe à poissons qui ne marchera pas », relève Natacha Mosnier. Reste à convaincre les propriétaires. À entendre les animateurs de Sage confrontés à la concertation quotidienne sur le terrain, le plus gros du travail se situerait plutôt ici. Frédéric Ehrhardt, animateur du contrat de rivière sur le Céou, affluent de la Dordogne, peut en témoigner. Sur son cours principal, soit sur 60 kilomètres de linéaire, cette rivière compte plus de soixante seuils de tailles variées. Le contrat de rivière signé en 2003 prévoyait l'arasement ou l'aménagement d'un bon nombre d'entre eux, sur la base du volontariat, « un programme important pour restaurer le cours d'eau car il est classé axe bleu grands migrateurs dans le Sdage », rappelle Frédéric Ehrardt. Une association de propriétaires s'est cependant inquiétée du projet, au point d'attaquer le contrat devant un tribunal administratif, au motif que tous les propriétaires d'ouvrages ne l'avaient pas signé. Comme le document contractuel ne contenait aucune obligation pour lesdits propriétaires, l'association a été déboutée. Mais cette action a laissé des traces : « Finalement, aucun propriétaire ne s'est porté volontaire pour aménager ou effacer son ouvrage. C'est dommage car, à terme, ils seront obligés de procéder à ces travaux : il faudra que ce cours d'eau soit franchissable sur toute la partie aval pour les anguilles, les truites de mer, les saumons atlantiques. La différence, c'est qu'ils devront les financer eux-mêmes, alors que, dans le cadre de cette opération, les financements devaient être apportés en totalité par les collectivités, l'agence de l'eau, l'Europe », regrette Frédéric Ehrhardt. La concertation pour éviter les blocages, c'est aussi l'une des préoccupations de Natacha Mosnier. Sur le bassin du Loir, la morphologie est le paramètre le plus déclassant au titre de la DCE. Il va donc falloir convaincre les propriétaires de barrages de l'utilité des aménagements ou des arasements. Aucune commission thématique sur les seuils n'a encore été mise en place dans le cadre du Sage, mais cela ne saurait tarder. En attendant, un sociologue a été appelé à la rescousse pour identifier les attentes de tous les partenaires. Les propriétaires de moulins sont en passe d'être associés officiellement au diagnostic partagé sur les ouvrages, en entrant dans la commission locale de l'eau. Malgré ces précautions, « une association de propriétaires fait un gros lobbying auprès des communautés de communes contre les projets concernant les seuils. Elle a l'impression que nous voulons tout détruire... Pourtant, il est souvent possible de faire des aménagements et de gérer les ouvrages de manière à permettre leur maintien. En outre, en cas d'effacement, des mesures compensatoires peuvent être financées, comme le confortement d'un monument ou des berges », rappelle l'animatrice du bassin du Loir. PÉDAGOGIE DE L'EFFACEMENT Beaucoup d'efforts et de temps doivent donc être consacrés aux explications sur l'utilité de l'effacement, de la continuité écologique, de la biodiversité. Les propriétaires d'ouvrages ne sont pas les seuls à s'inquiéter de l'effacement de leur patrimoine : certains usages se sont peu à peu greffés sur des seuils existants et les plans d'eau qu'ils créent. Des agriculteurs y font des prises d'eau, des promenades ont été aménagées sur les berges... La perspective de la disparition du seuil peut donc susciter des résistances. « Compte tenu de la complexité de la situation, il est préférable de ne pas, si possible, intégrer ce type d'ouvrage dans les priorités d'intervention, la résolution du problème pouvant prendre des années », analyse, pragmatique, le document du Meeddat à l'intention de la police de l'eau. De son côté, Bernard Rousseau, responsable des politiques Eau de l'association France Nature Environnement, remarque que « les habitants ont l'impression qu'il n'y a plus d'eau lorsqu'un seuil disparaît. En réalité, le cours d'eau retrouve un nouvel équilibre, mais ce dernier est parfois mal compris, d'autant que les anciennes berges ont souvent tendance à s'écrouler. Beaucoup de pédagogie est donc nécessaire. »


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