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Les secrets d'un épandage réussi

LA RÉDACTION, LE 1er JUIN 2009
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La France dispose d'une réglementation des plus contraignantes en matière d'épandage des boues d'épuration. Cela ne l'empêche pas d'être l'un des pays européens qui utilisent le plus cette filière : 60 % des boues urbaines prennent en effet la direction des champs. Outre l'intérêt en termes de développement durable d'amender les sols, ce choix s'explique aussi par le fait que « la filière épandage direct reste la plus compétitive par rapport aux autres techniques employées sur le marché », comme le souligne Jean-Paul Van Meyel, responsable développement chez Carmeuse France, société de production de chaux et de pierre calcaire. Toute boue contenant de la matière organique peut être valorisée en agriculture. Ce choix dépend ensuite des normes et de la politique nationale. En Suisse, par exemple, l'épandage est tout simplement interdit par principe de précaution. Les boues peuvent en effet renfermer des substances potentiellement dangereuses - métaux lourds, bactéries pathogènes, nombreux composés organiques - qui, depuis la découverte du prion, inquiètent les autorités sanitaires de certains pays. Pourtant, selon Claude Prévost, responsable à la direction technologies et innovations de Degrémont, « depuis que la France pratique l'épandage agricole, aucune intoxication alimentaire n'a été recensée ». Le Syndicat des professionnels du recyclage en agriculture (Syprea) a d'ailleurs lancé une démarche de certification de service avec l'aide de l'Ademe pour répondre à la demande croissante en matière de sécurité alimentaire exprimée par l'agro-industrie, la grande distribution et les consommateurs. À ce jour, seuls huit sites sont certifiés. Obligatoire depuis 1998, le plan d'épandage s'inscrit dans le cadre réglementaire de l'arrêté du 8 janvier 1998, qui définit « l'ensemble des prescriptions techniques applicables aux épandages de boues sur les sols agricoles », ainsi que de la réglementation générale en matière de déchets non dangereux et des deux articles issus du code de l'environnement sur la valorisation agricole des boues de stations d'épu-ration (articles R 211-26 et R 216-7). « La mise en oeuvre d'un plan d'épandage consiste à vérifier l'intérêt agronomique et l'innocuité des boues, à rechercher des agriculteurs intéressés, à étudier les contraintes du milieu naturel ainsi que le milieu agricole pour vérifier l'aptitude des sols à recevoir ce type de produits et à restituer les éléments contenus à la plante, à travers le sol qui assure son rôle de filtre et de garde-manger », résume Gueric Schiex, responsable valorisation agricole chez Astradec. Cette société est spécialisée dans la valorisation agricole de produits fertilisants d'origine organique. Responsable de l'élaboration du plan d'épandage, elle sert d'intermédiaire entre l'exploitant de la station ou le maître d'ouvrage et les agriculteurs. Une fois le plan d'épandage établi, il doit ensuite être validé par la préfecture. « La mise en forme d'un plan peut prendre entre quatre mois et un an, selon les caractéristiques de la station d'épuration, l'antériorité de la filière et du milieu naturel et agricole. Nous pouvons également conseiller les exploitants en amont du dossier sur le choix de la filière de traitement des boues. Toutefois, le choix du maître d'ouvrage reste influencé par les aides ou par la politique des agences de l'eau », reconnaît-il. Pour garantir la traçabilité des produits, les boues sont analysées sous forme de lots pendant les périodes de stockage. On définit ensuite leur filière de valorisation en fonction des résultats. En général, l'agriculteur ne paie jamais les boues. Les coûts liés à l'épandage sont à la charge de l'exploitant de la station d'épuration, même si, dans certains cas, pour les boues très sèches notamment, les agriculteurs peuvent venir avec leurs propres machines à engrais chercher les produits dans les bassins de stockage. UNE INFILTRATION RAPIDE DANS LE SOL En épandage, on distingue plusieurs types de boues. Les boues liquides, issues de tables d'égouttage ou de bassin de décantation, sont surtout utilisées lors d'épandage en prairie. « Riches en eau, elles s'infiltrent plus rapidement dans le sol », commente Damien Brisseau, ingénieur assainissement à Nantes Métropole. « Ces boues non déshydratées, juste épaissies, conviennent surtout aux stations d'épuration de petite taille, entre 5 000 et 10 000 EH, ajoute Paul Antoine Sebbe, directeur commercial chez Sede Environnement (groupe Veolia Environnement). L'inconvénient de cette technique est de produire des boues odorantes, il est donc nécessaire d'employer une technique d'épandage adaptée, telle qu'une citerne équipée d'un enfouisseur. » Les boues dites pâteuses sont déshydratées mécaniquement par filtre-presse ou centrifugeuse, leur siccité étant de l'ordre de 15 à 25 %. À noter que la technique du filtre à bande, l'une des plus anciennes, tend à être remplacée par les autres dispositifs comme la centrifugeuse haute performance ou les filtres-presse conditionnés au lait de chaux pour garantir une meilleure tenue en tas. « Ces boues plus concentrées intéressent davantage les agriculteurs, car leur valeur agronomique est plus élevée et leur manipulation plus aisée », considère Gueric Schiex. Suivent les boues chaulées qui peuvent être pâteuses (siccité de 25 %) ou solides (siccité supérieure à 30 %). Celles-ci sont stabilisées, voire hygiénisées, grâce au conditionnement à la chaux. Depuis quinze ans, le choix de Nantes Métropole s'est porté sur l'épandage de ce type de boues. « La présence de chaux garantit l'hygiénisation des boues. Elle permet aussi de redresser le pH des sols et surtout de régler les problèmes liés aux odeurs », explique Damien Brisseau. Viennent ensuite les boues solides dont la siccité est comprise entre 35 et 50 %. Cette siccité est obtenue grâce à un procédé thermique (cuisson) ou un conditionnement à la chaux doublé d'une déshydratation par filtre-presse. DES SICCITÉS TOUJOURS PLUS ÉLEVÉES Degrémont propose, par exemple, le procédé de digestion des boues Digelis Thermo. « La température des boues est portée à 55 °C, ce qui permet l'élimination des bactéries comme les salmonelles ou certains virus, en plus de garantir la stabilisation des boues en réduisant la matière organique biodégradable », résume Claude Prévost. Ce procédé de stabilisation de la matière organique élimine entre 30 et 60 % de la matière organique de manière à empêcher une évolution de la nature des boues pendant le stockage puis l'épandage, tout en garantissant une concentration suffisante en éléments fertilisants pour l'amendement des sols. Variante de ce procédé, Digelis Turbo porte la température jusqu'à 160 °C avant une digestion à 37 °C. Ce procédé favorise la transformation et la solubilisation des molécules organiques, l'hygiénisation totale des boues comme la digestion anaérobie. « Digelis Turbo permet d'obtenir des teneurs en siccité plus élevées lors de la déshydratation des boues digérées - 30 % contre 20 % pour des procédés standard de digestion -, ce qui offre la possibilité à l'utilisateur final d'épandre les boues généralement sous forme de granulés, plus faciles à manipuler », poursuit-il. Cette technique revient plus cher au niveau des coûts d'exploitation, compte tenu de la mise en place de procédés thermiques plus complexes. Elle est surtout destinée aux stations d'épuration de plus de 250 000 EH, du fait des besoins de mise en oeuvre de technologies poussées (poste de production vapeur, poste de prédéshydratation). « Actuellement, nous étudions, en partenariat avec la société norvégienne Cambi, précurseur dans le domaine du prétraitement thermique, la possibilité de compacter la taille des réacteurs afin de pouvoir adapter ce procédé à des stations de taille moyenne », confie Claude Prévost. Une autre technique consiste à coupler la digestion au séchage des boues, qui induit une hygiénisation poussée des boues. En sortie, les boues sont produites sous forme de granulés ou pellets, plus faciles à stocker. Appréciée des traiteurs d'eau, cette technique permet une utilisation multifilières des boues (incinération ou mise en décharge en plus de la valorisation agricole). « La réglementation impose une filière de secours à l'exploitant dans le cas où, pendant une période donnée, il y a impossibilité d'épandre ces produits », rappelle Claude Prévost. LE SUCCÈS DU SÉCHAGE SOLAIRE Une autre solution récente et en plein développement est le séchage solaire des boues. Dans une serre horticole, les boues sont entreposées, mélangées quotidiennement par des machines, avec une ventilation naturelle qui est mise en place. Le succès de cette technique tient au fait qu'elle permet, à la fois, de sécher et de stocker les boues. « Les agriculteurs sont très friands de nos produits : le volume est divisé par quatre pour une même valeur agronomique des boues, leur granulométrie fine permet en outre une plus grande souplesse d'utilisation puisque l'agriculteur peut venir lui-même sur le site de stockage charger les boues dans sa machine à engrais », souligne Hervé Keller, directeur de la filiale française d'Huber Technology, qui a développé avec Ternois le procédé de séchage solaire 3S. À ce jour, la société a vendu plus d'une trentaine de machines, et « sur la quinzaine en fonctionnement, toutes à ma connaissance sont destinées à une valorisation agricole », ajoute-t-il. Mais ce séchage solaire ne garantit pas une hygiénisation des boues au sens réglementaire. Les spécialistes mettent cependant en avant le pouvoir naturel du soleil à l'hygiénisation des produits : pendant la durée de stockage sous la serre, les rayons UV solaires ont un pouvoir destructeur sur les bactéries et les virus. Huber Technology travaille actuellement à la recherche d'une solution d'hygiénisation intégrée à l'intérieur des serres, et prévoit de communiquer sur le sujet fin 2009. COMPOSTAGE ET PLATE-FORME CENTRALISÉE Nantes Métropole possède le deuxième plan d'épandage le plus important après l'agglomération parisienne. Plus de 90 communes de Loire-Atlantique accueillent des boues issues des différentes stations d'épuration nantaises. Elle met en jeu plusieurs techniques de traitement des boues, en vue d'une valorisation en agriculture. Les deux principales stations, Tougas et la Petite Californie, respectivement d'une capacité de 600 000 et 120 000 EH, représentent environ 45 000 tonnes de boues produites par an, avec une siccité de l'ordre de 20 %. « Pour Tougas, le traitement des effluents consiste en une aération prolongée, sans décantation primaire. À la Petite Californie, le traitement passera par une biofiltration après décantation lamellaire primaire (en construction), ce qui nécessite de digérer les boues », résume Damien Brisseau. En plus de l'augmentation de capacité de la Petite Californie à 180 000 EH, Nantes Métropole devrait bientôt accueillir une unité de séchage solaire d'une capacité de 100 000 EH sur le site de Tougas, soit près de 10 000 tonnes de boues pâteuses par an. Ce dispositif permet de diviser par trois ou quatre les quantités de boues évacuées (lire Hydroplus n° 167, p. 40). Enfin, la filière compostage des boues permet également une valorisation en agriculture avec des teneurs autorisées en organismes pathogènes et métaux lourds plus strictes (norme NFU 44.095). « La boue n'est plus considérée comme un déchet, mais comme un produit agronomique pour les pratiques d'horticulture ou chez les maraîchers », explique Claude Prévost. Ce procédé coûte moins cher que les autres filières de valorisation agricole, même si sa mise en oeuvre reste complexe au niveau des mélanges avec les autres coproduits et la phase de fermentation active. Elle est surtout adaptée pour les stations inférieures à 100 000 EH. Sede Environnement propose souvent le compostage comme alternative au stockage. La société a installé, à ce jour, vingt-deux sites assurant le traitement de plusieurs milliers de tonnes de boues issues de différentes stations d'épuration. « La France compte environ 900 sites de ce type. Une de nos dernières réalisations est le site de Narbonne, dans l'Hérault, qui traite chaque année 30 000 tonnes de boues », rappelle Paul-Antoine Sebbe, de Sede Environement. Cette filière est surtout appréciée dans les zones d'habitats dispersés. « Dans des régions comme le Midi où les parcelles sont moins étendues que dans la Beauce, l'épandage direct pose des problèmes de nuisances, ce qui est évité avec le compostage », poursuit-il. Les plates-formes centralisées qui traitent uniquement des boues ont aussi la cote. Chez Suez Environnement, la station ardéchoise de Mondragon récupère depuis deux ans 30 000 tonnes annuelles de boues d'une trentaine de stations d'épuration, soit l'équivalent d'une capacité de 300 000 EH. À Limay, dans les Yvelines, deux sécheurs traitent près de 70 000 tonnes de boues humides, soit l'équivalent de 700 000 EH. Les boues obtenues sous forme de pellets sont ensuite envoyées en décharge, incinérées ou valorisées en agriculture . DES SOLUTIONS MOINS ÉNERGIVORES Enfin, si ces techniques de séchage sont appréciées sur le marché, elles sont aussi réputées pour être gourmandes en énergie. Pour répondre à cette problématique, Suez Environnement propose son offre globale Green Cubes, qui consiste à révéler le potentiel énergétique de la station d'épuration et à réduire l'empreinte environnementale des activités d'assainissement. « Au niveau de la valorisation agricole des boues, cela consistera, par exemple, à favoriser dans les appels d'offres des solutions de séchage solaire moins énergivores que les autres techniques ou de proposer des solutions de valorisation énergétique des biogaz produits à partir de procédés boostés de digestion lors du séchage thermique », conclut Claude Prévost.


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