Le problème des algues vertes envahissant les plages bretonnes est loin d'être nouveau. Mais il a pris de l'ampleur, cet été, en causant la mort d'un cheval et le malaise de son cavalier ainsi que le décès présumé d'un salarié (lire p. 8). Ce qui n'était qu'une pollution de l'environnement, liée à l'afflux de nitrates vers la mer, est maintenant devenu un enjeu de santé publique.
La dernière étude du SOeS (ex-Ifen) montre que, depuis 1998, la concentration en nitrates des rivières n'a pas été réduite. Certes, cette stagnation cache une réalité plus contrastée d'un bassin à l'autre. Sur les bassins agricoles, qui sont les plus pollués, les nitrates ont diminué (de 26,3 mg/l en 1998 à 24,7 mg/l en 2007), notamment en Bretagne où la baisse a pu aller jusqu'à 20 %. Ce sont surtout les élevages intensifs, prépondérants dans cette région, qui ont fait progresser, grâce à des mesures de stockage et de traitement des déjections animales, de réduction des cheptels et de limitation des épandages. Le coût de cette amélioration - sur la seule Bretagne - apparaît tout de même élevé au regard des résultats obtenus : 700 millions d'euros de fonds publics ont été apportés ; un milliard d'euros a été investi par les exploitants agricoles*. Certes, l'inertie du sol et du sous-sol impose de raisonner à long terme. Mais ce retard s'explique aussi par un manque de volonté politique, tant l'agriculture et l'industrie agroalimentaire pèsent lourd dans l'économie de la région, et par une stratégie plus axée sur l'incitation que sur l'obligation.
Malheureusement, les progrès des bassins agricoles sont contrebalancés par les mauvais résultats des bassins mixtes, qui sont repartis à la hausse depuis 2001 (10,8 mg/l en 1998 à 11,3 mg/l en 2007). Les plus fortes augmentations concernent certains bassins amont de la Seine ou la Champagne-Ardenne, où l'utilisation d'intrants azotés est croissante. Sur les bassins peu agricoles, la situation est stable (5 mg/l).
Ce bilan n'est guère encourageant vis-à-vis de la qualité des rivières et de l'attente du bon état des masses d'eau demandé par la directive-cadre Eau à l'horizon 2015. En Loire-Bretagne et Adour-Garonne, les nitrates sont en effet responsables du déclassement du tiers des masses d'eau.
Certes, les Sdage, qui doivent être validés avant la fin de l'année, vont renforcer les mesures existantes pour lutter contre les nitrates. Mais il faudra un changement de braquet pour afficher des résultats comparables à ceux obtenus pour les matières organiques et phosphorées, dont la présence dans les rivières a chuté respectivement de 30 % (DBO5) et 40 % (pour les orthophosphates) depuis 1998, grâce à l'amélioration de l'épuration des eaux usées et à la suppression des phosphates dans les produits lessiviels.