Traitement de la biomasse humide par friture
La « friture » est à l'honneur de cette nouvelle édition du Prix des techniques innovantes pour l'environnement, organisé par l'Ademe, Pollutec, en partenariat avec plusieurs magazines de presse, dont Hydroplus. Le projet qui nous a semblé le plus intéressant concerne en effet un nouveau procédé de traitement de la biomasse humide par friture. Il pourrait donc offrir une alternative dans le traitement des boues municipales et industrielles et, plus largement, de la biomasse humide d'origine agricole. Son principe est de transformer cette biomasse en un combustible solide, stockable, hygiénisé, avec un coût énergétique faible.
Le laboratoire Rapsodee (FRE CNRS 3213) de l'École des mines d'Albi travaille au développement de ce procédé depuis 2001. Son principe est de déshydrater les boues humides (contenant 70 % à 90 % d'eau) en les mettant en contact avec des huiles (donc non miscibles à l'eau). Les huiles peuvent être issues de l'agriculture ou être des résidus agroalimentaires de restauration ainsi que les déchets gras des stations d'épuration. Une thèse a été déjà soutenue (C. Peregrina 2006) et une autre est en cours depuis 2007 (M. Romdhana). Les résultats obtenus montrent que la boue ainsi traitée est un produit chimiquement stable, exempt d'éléments pathogènes et sans odeur désagréable.
Une relation a été récemment établie entre l'humidité finale de la boue frite et son pouvoir calorifique inférieur (PCI). Par exemple, pour une humidité réduite à 30 % de la masse de la boue, le PCI est de l'ordre de 12 MJ/kg, une valeur proche de celle de combustibles humides de type lignite ou tourbe.
L'augmentation de PCI d'un facteur 10 est due à l'effet conjugué du séchage et de l'imprégnation de l'huile dans la boue, précisément dans les volumes laissés libres par l'évaporation de l'eau pendant la friture. Ainsi, on procède à une covalorisation de deux déchets aboutissant à un produit solide, stockable et valorisable comme source d'énergie.
Un projet de développement d'un procédé de friture de boues en continu, à une échelle de petit pilote, a été lancé en 2006, afin de valider les résultats de laboratoire ainsi que les concepts de faible coût énergétique et d'intensification des échanges liés au contact huile-solide. Vu le caractère original de ce procédé, des technologies innovantes ont dû être développées pour chaque partie du procédé, comme l'injection de la boue dans l'huile, le réacteur de friture, le séparateur huile-boue... En outre, la technologie de compression mécanique de vapeur (CMV) a été intégrée pour récupérer l'énergie d'évaporation pendant la friture.
Des nanoparticules métalliques dégradent les perturbateurs endocriniens
Le deuxième projet que nous avons sélectionné concerne une méthode de dépollution des eaux fortement chargées en perturbateurs endocriniens et pesticides grâce à l'utilisation de nanoparticules métalliques (NP). À très petite taille (d5nm), les NP permettent des réactions nouvelles telles que l'hydrogénation de composés aromatiques (dérivés phénoliques, alkylés ou polychlorés...) ou hétéroaromatiques (triazine), squelettes de base de nombreux perturbateurs endocriniens tels que les oestrogènes, les antibiotiques, le bisphénol A et des pesticides tels que les atrazines.
L'objectif des chercheurs de l'École nationale supérieure de chimie de Rennes (ENSCR) a été de développer des catalyseurs supportés et recyclables constitués de nanoparticules métalliques. L'immobilisation sur support solide des NPs constitue ici une alternative intéressante répondant aux critères de technologies propres. L'approche de l'équipe de l'ENSCR repose sur le dépôt simple et rapide sur silice ou TiO2 commerciaux de nanoparticules de métaux de transition préstabilisées dans l'eau dont les performances sont évaluées en hydrogénation combinée ou non à des réactions de photocatalyse afin de minéraliser la matière organique. Le dopage des catalyseurs à base de TiO2 par différents métaux a été envisagé afin de déterminer la meilleure synergie. Les phénomènes de lixiviation ont été étudiés au travers de leur recyclabilité.
Les applications recherchées sont étroitement liées au développement de nouveaux procédés répondant aux critères de technologies propres, opérant en conditions douces et limitant les opérations de séparation. L'applicabilité de ces nouveaux catalyseurs supportés se situent dans les nouvelles filières de traitement capables d'assurer la dénaturation, la diminution de la toxicité, voire l'élimination de la micropollution sans former de produits indésirables et ainsi remplacer une pollution par une autre. Ces systèmes catalytiques sont donc complémentaires aux traitements existants pour l'élimination de perturbateurs endocriniens aromatiques et halogénés, notamment ceux réfractaires aux processus oxydatifs classiques.
Effluents viti-vinicoles et recyclage
Le projet proposé par le laboratoire d'oenologie (UMR 1219 ) de l'université de Bordeaux consiste à coupler aux stations d'épuration viti-vinicoles un procédé de filtration membranaire. Cela élimine toutes traces de contaminants et permet de réutiliser l'eau en fonction des besoins des exploitations viti-vinicoles : préparation des bouillies, arrosage des pelouses, nettoyage des pulvérisateurs... Il faut alors définir la qualité de l'eau reconditionnée en fonction de l'usage souhaité, et choisir en fonction la nature du procédé membranaire.
Une étude préliminaire a été menée afin d'appréhender la variabilité de l'eau à reconditionner, de déterminer les conditions opératoires optimales, ainsi que la surface filtrante nécessaire.
Les résultats obtenus sur site et au laboratoire ont permis de montrer qu'il était possible d'obtenir une eau reconditionnée dont les caractéristiques microbiologiques sont proches de l'eau potable en employant des membranes d'ultrafiltration ou de nanofiltration. De plus, ces résultats ont été obtenus en travaillant à de très faibles gradients de pression (maximum 3 bars), et donc avec une consommation énergétique faible. Il est prévu d'étudier la sélectivité des membranes vis-à-vis des micropolluants dont les pesticides et les métaux, très employés dans ce secteur agricole.
De plus, ce procédé semble être très adapté aux secteurs utilisant des volumes d'eau très importants et désireux d'en recycler une partie pour leurs activités industrielles.
Élimination de l'arsenic
Le quatrième projet que nous avons sélectionné concerne la comparaison entre la coagulation-floculation et l'électrocoagulation, pour l'élimination de l'arsenic dans des eaux reconstituées, naturelles et faiblement minéralisées. Les deux procédés ont été mis à l'épreuve par le Groupement de recherche eau, sol, environnement de l'Ensil à Limoges. Quel que soit le procédé utilisé, l'arsenic a été complètement éliminé.
Procédé de désencrage à l'ozone
Enfin, signalons également le travail du Laboratoire génie des procédés papetiers (UMR 5518 CNRS - Grenoble INP-Pagora) sur un procédé de désencrage à l'ozone des fibres cellulosiques de récupération. Cette étape, très importante pour la production de papiers de qualité à partir de fibres cellulosiques de récupération (FCR), vise à mieux comprendre l'effet de l'ozone introduit directement lors de l'étape de désencrage par flottation (décrochage des particules d'encre par entraînement de bulles de gaz) et d'optimiser son action. Cela afin d'améliorer les propriétés optiques des fibres recyclées et aussi de réduire l'impact environnemental des rejets (boues de désencrage et effluents liquides). Un travail qui s'est fait en partenariat avec Degrémont Technologies, Wedeco et Kemira.