«C e plan est un virage pour l'agriculture, déclare Bruno Le Maire, ministre de l'Agriculture. Nous voulons un changement dans les pratiques agricoles, mais en accord avec la profession. Nous sommes très soucieux de prendre en compte les données économiques et nous ne souhaitons pas stigmatiser les agriculteurs. Nous souhaitons lancer des appels à projets auprès des agriculteurs eux-mêmes, plutôt que d'imposer des mesures d'en haut. » Le ton est donné. Attention, terrain miné !
Côté financier, le plan prévoit 134 millions d'euros sur cinq ans, dont 94 millions d'euros pris en charge par l'État, le reste par les collectivités locales. Il se décline en trois axes : l'amélioration de la connaissance et la gestion des risques ; les actions curatives (ramassage et traitement des algues) ; la gestion préventive.
HUIT BAIES CONCERNÉES
Le plan concerne huit baies identifiées dans le Sdage Loire-Bretagne, soit 3 500 exploitations agricoles et 240 000 habitants. La réduction de la prolifération algale suppose d'atteindre des taux de nitrates de 10 à 25 mg/l. Pour cela, le plan vise à réduire de 30 à 40 % les flux de nitrates qui arrivent dans les 23 bassins versants concernés à échéance de 2015. Parmi les huit baies, deux sont prioritaires et cumulent à elles seules la moitié des algues échouées en 2009 (35 000 m3) : Saint-Brieuc et Lannion. Ces deux baies se voient imposer des mesures pilotes. En baie de Saint-Brieuc, il s'agit ainsi de réhabiliter 20 % du territoire, principalement en zones humides. Pour les autres, l'objectif sera fixé en 2011 avec un retour au bon état des eaux littorales fixé à 2027...
L'action du gouvernement est principalement axée sur le traitement curatif et la collecte des algues, avec la prise en charge du coût du ramassage à hauteur de 700 000 euros par an et la création de trois plates-formes de compostage d'ici à 2011 dans les Côtes-d'Armor. Les filières de gestion intégrée seront mises en place en 2012. Outre le ramassage, elles incluent le traitement par méthanisation (ainsi que du lisier), la production d'énergie et le remplacement des engrais minéraux par les digestats.
APPEL À PROJETS TERRITORIAUX
Outre des contrôles renforcés, notamment sur les reliquats, le plan prévoit qu'un comité de pilotage (région, agence de l'eau, Ademe), appuyé par un comité consultatif (agriculteurs, industries agroalimentaires, collectivités locales) et un comité scientifique, lance dès cette année un appel à projets territoriaux pour « faire évoluer l'agriculture ». « Un bilan sera tiré dans les prochains mois. Si le volontariat ne marche pas, on passera à des mesures réglementaires obligatoires », prévient le ministre.
« Nous ne voyons aucun soutien à des filières agricoles de territoires, à une agriculture de qualité capable de produire également de l'eau pure, déplore Denis Baulier, agriculteur breton et président du collectif Urgence marées vertes. Ce plan est hors la loi, car, dans toute société, celui qui crée un dommage doit réparation. » En revanche, les partisans de l'agriculture intensive sont rassurés, « mais nous restons très vigilants sur l'application », a prévenu Laurent Kerlir, président de la FRSEA Bretagne.