« Dans tous les traitements in situ, le suivi constitue un véritable verrou », affirme Marie-Odile Simonnot, du Laboratoire réactions et génie des procédés de Nancy. Et, « la plupart du temps, nous n'avons finalement accès aux résultats que de manière détournée », ajoute Véronique Croze, responsable du département travaux de dépollution d'ICF Environnement.
L'évaluation du potentiel de dégradation est un point critique des traitements biologiques in situ. Quand l'analyse plus classique par PCR (réaction en chaîne par polymérase) et séquençage n'identifie qu'un petit nombre de gènes des micro-organismes présents dans le sol à la fois, la puce ADN offre un diagnostic rapide et plus exhaustif. « Les bactéries capables de dégrader des polluants possèdent dans leur génome des gènes particuliers. Leur identification dans un milieu pollué indique que la dégradation est possible. Et si l'ARN correspondant à ces gènes est également détecté, cela signifie que ces bactéries sont actives, et que la dégradation est en cours », explique Éric Dugat-Bony, doctorant au laboratoire micro-organismes : génome et environnement de l'université de Clermont-Ferrand. Une puce est une lame de verre sur laquelle sont fixées des sondes, ou petits fragments d'ADN, complémentaires des gènes recherchés. L'ADN et l'ARN des micro-organismes d'un échantillon prélevé dans la zone polluée saturée en eau sont extraits, puis amplifiés, avant d'être mis en contact (hybridés) avec la puce. « Si les gènes recherchés sont présents, ils sont reconnus par les sondes complémentaires qui émettent alors un signal fluorescent (des spots, ndlr). Une même sonde permet de détecter l'ADN ou l'ARN », précise Éric Dugat-Bony.
Ce chercheur a développé en laboratoire, dans le cadre du projet ANR Evasol, une puce fonctionnelle qui détecte 21 gènes impliqués dans la dégradation des solvants chlorés. À l'heure actuelle, les puces les plus denses disponibles comptent 2,1 millions de sondes. Il existe aussi des puces phylogéniques. Plus généralistes, elles permettent d'identifier l'ensemble des communautés bactériennes du sol. « Elles sont donc particulièrement intéressantes dans le cas d'une pollution par des hydrocarbures, dont la dégradation met en oeuvre un grand nombre de communautés microbiennes », précise Olivier Sibourg, gérant de la société Enoveo.
Pour une analyse rapide des paramètres biogéochimiques de la nappe, HPC Envirotec a développé, en complément, un détecteur de potentiel d'oxydoréduction in situ. La valeur de ce paramètre indique quelles réactions ont lieu dans la nappe. « Ce détecteur se présente sous la forme de bandes que l'ont introduit dans les piézomètres », explique Franck Karg, P-DG d'HPC Envirotec. Et pour évaluer la vitesse de biodégradation, cet opérateur s'appuie sur le fractionnement des isotopes stables. Les hydrocarbures, par exemple, ont une signature isotopique propre, stable dans le temps : le rapport de la quantité d'isotopes stables lourds du carbone (13C), sur celle d'isotopes stables légers du carbone (12C). Seules les bactéries, en dégradant les hydrocarbures, sont capables de modifier ce rapport. « La flore microbienne attaque en premier les isotopes légers, conduisant à un enrichissement en isotopes lourds sur le lieu de la dégradation », explique Patrick Höhener, directeur de l'équipe chimie de l'environnement continental du laboratoire de chimie de l'université de Provence. L'écart entre la valeur de ce rapport en amont et en aval de la nappe, à condition d'en connaître la vitesse d'écoulement, donne une idée de la cinétique de dégradation du polluant (en µg/l/jour).
Côté traitements basés sur l'injection d'un réactif, le BRGM développe une méthode de monitoring géophysique in situ, qui s'appuie sur la modification de la résistivité électrique du sol. « Un suivi de la variation de ce paramètre permet de surveiller quasiment en temps réel la propagation de l'oxydant », explique Jean-Christophe Gourry, ingénieur géophysicien du BRGM. La résistivité électrique est également sensible à la présence d'hydrocarbures et de composés organochlorés. Un suivi du traitement de ces polluants est aussi envisageable avec ce procédé.
L'un des objectifs du projet Oxysol, auquel participe le BRGM, est de distinguer les effets dus aux oxydants de ceux liés à la destruction du polluant. Sur site, pour contrôler l'efficacité de l'oxydation sur une nappe polluée par des solvants chlorés, Jean-Yves Richard, responsable R & D chez Sita Remediation, préconise « de doser les chlorures dans l'eau ». En effet, la concentration de ces produits de dégradation permet d'appréhender la quantité de polluant réellement détruite.
Par ailleurs, sur la plateforme expérimentale d'Homécourt, dans le cadre du projet ANR Multipolsite, l'équipe de Corinne Leyval, coordinatrice du projet, suit « dans un contexte d'atténuation naturelle et de phytoremédiation, in situ et à long terme, la dynamique d'une multipollution aux HAP et aux métaux, et l'impact environnemental associé ». Des objectifs qui conduisent à développer des outils et méthodes de monitoring adaptés. La caractérisation du polluant s'effectue par des analyses physico-chimiques classiques. Mais « les polluants organiques, notamment les HAP, présentent une grande hétérogénéité de répartition dans le sol. Sur des échantillons de terrain, ponctuels, une certaine incertitude va donc caractériser les résultats et compliquer leur comparaison dans le temps », souligne Corinne Leyval. En parallèle, l'impact de la pollution sur des espèces représentatives est évalué. Mais il faudra encore attendre un peu avant de voir se développer des outils industriels de monitoring in situ.