L'Algérie et l'Arabie Saoudite sont les deux pays emblématiques de contrats courts (cinq ou six ans) dans la région, respectivement en 2005 et 2008. Ainsi, en Arabie Saoudite, les premiers contrats ont été conclus avec Veolia Eau et Suez Environnement. Il s'agit respectivement d'une régie intéressée pour la gestion de l'eau et de l'assainissement dans la capitale, Riyad, et d'un « contrat de gestion » (management contract) dans la ville de Djeddah. Un appel d'offres pour La Mecque est en cours.
D'après Patrice Fonlladosa, président-directeur général de Veolia Water Afrique-Moyen Orient-Inde, le système de régie intéressée indexe une partie de la rémunération sur des indicateurs précis de performance ; au contraire, s'il s'agit d'un contrat de gestion, l'opérateur n'est rémunéré qu'au temps passé par ses experts auprès des services d'eau locaux.
Pourtant, les contrats courts ont tous une caractéristique commune : ils contiennent des objectifs contractuels précis. Ainsi, à Alger « l'une des spécificités a été la concertation entre l'État et le délégataire, lors de l'état des lieux, pour fixer les objectifs à atteindre et les moyens respectifs à mobiliser. Cette bonne préparation est rare dans les partenariats public-privé. Il y a souvent, au contraire, un décalage entre les ambitions de la collectivité et les moyens qu'elle y met », explique Jean-Marc Jahn, cadre de Suez Environnement actuellement directeur général de la Société des eaux et de l'assainissement d'Alger.
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Au travers de ces contrats courts, l'un des objectifs de la puissance publique est d'obtenir des résultats rapides et concrets. Les « contrats d'assistance technique », souvent conclus en Arabie Saoudite pour un an en amont des contrats de délégation ou de gestion, ont une fonction similaire : « obtenir des gains rapides de productivité, d'efficacité et de connaissance du réseau », décrit Michel Fourré, directeur international de Saur. Cette entreprise s'est vue confier de tels contrats d'assistance technique à Djeddah, à La Mecque et Taif. Ils permettent de « mettre ensuite en place, le plus rapidement possible, le contrat de délégation de service public », tout en étant moins coûteux que ce dernier.
Les contrats courts de délégation ou de gestion de service public ont un deuxième but essentiel : former les cadres locaux. Ainsi, à Alger, a été utilisé le programme de formation Wikti de Suez Environnement. Il prévoit tout d'abord le screening complet de la société locale sur tous les métiers de l'eau et de l'assainissement. Cela permet de situer son état de maturité, puis de définir les plans de formation triannuels en fonction du niveau d'amélioration visé par les autorités. « Le plan d'action prévoit 10 000 jours de formation par an. Les actions les plus urgentes étaient d'assurer la superstructure du service ; ensuite, nous avons lancé les formations plus "métier" », explique Jean-Marc Jahn.
De son côté, Veolia Eau va ouvrir un campus en Arabie Saoudite pour former les 4 600 agents de Riyad de la National Water Company. Malgré tout, sur le terrain « la principale difficulté du contrat de Riyad reste le transfert de compétences, car les cadres saoudiens ont souvent eu encore peu de contacts avec d'autres cultures, et ils sont peu nombreux à parler anglais », explique Patrice Fonlladosa, P-DG de Veolia Water AMI. Autre difficulté d'ordre culturel : accompagner l'évolution d'une gestion de la production vers une gestion de la demande.
Les objectifs de formation, souvent ambitieux, ont en outre un revers pour les exploitants : atteints avec succès, ils risquent de conduire les sociétés locales à s'affranchir de leur tutorat. Cette éventualité a, par exemple, été évoquée ces derniers mois pour Alger par le ministre algérien des Ressources en eau, Abdelmalek Sellal. D'après Jean-Marc Jahn, Suez Environnement « se devait de démontrer la valeur ajoutée d'un expert privé du domaine pour l'efficacité du service sur une très courte durée ». La décision finale des autorités algériennes sera rendue en septembre 2011, date de fin du contrat, après une évaluation approfondie des performances atteintes par le service.