Poissons ou électricité ? Longtemps, les autorités ont privilégié la production hydroélectrique, malgré l'impact sur la faune et la flore des barrages. Ceux-ci empêchent la remontée des poissons migrateurs, détruisent certaines frayères et perturbent le transport des sédiments.
Le plan de restauration de la continuité écologique des cours d'eau présenté le 13 novembre 2009 vise à supprimer ou à aménager ces obstacles... et à répondre aux exigences de la directive-cadre européenne du 23 octobre 2000, qui fixe un objectif de « bon état écologique des eaux » d'ici à 2015. Mais la volonté de restaurer les cours d'eau se heurte à des impératifs de production d'électricité : en 2020, la France doit atteindre 23 % d'électricité renouvelable consommée. Or, celle-ci provient essentiellement des retenues hydrauliques, qui fournissent entre 13 et 16 % de la production électrique selon les années. « L'hydroélectricité assure la production de pointe, indispensable lors des pics de consommation », rappelle Pierre-Marie Clique, directeur de projets pour la vallée de la Dordogne chez EDF.
Les perturbations que provoquent les barrages sont nombreuses. Tout d'abord, les passes à poissons, qui permettent aux migrateurs de remonter et descendre les rivières, ont une efficacité limitée. Seuls 50 à 80 % franchissent l'obstacle. Ainsi, plusieurs barrages sur un même cours d'eau forment un vrai mur pour ces espèces. « La continuité écologique est alors rompue, explique Aline Comeau, directrice du département espace rural à l'agence de l'eau Adour-Garonne. C'est particulièrement grave pour les espèces migratrices comme les saumons, qui ont besoin de remonter les rivières pour se reproduire. Mais les espèces locales sont aussi touchées : elles doivent circuler pour assurer la diversité des croisements. »
Pour pallier ces nuisances, le plan de restauration de la continuité écologique des cours d'eau se décline en cinq « piliers ». Tout d'abord, mieux connaître ces obstacles. C'est le rôle de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema), qui mettra en place un référentiel national des obstacles à l'écoulement, en compilant et en homogénéisant les données existantes. Puis définir les priorités d'intervention, car certains barrages sont bien plus pénalisants que d'autres. Troisièmement, les agences de l'eau vont renforcer leurs aides aux actions de restauration de la continuité écologique des cours d'eau, et devraient permettre l'aménagement de 1 200 ouvrages d'ici à 2012. De leur côté, les services de police de l'eau sont aussi mis à contribution, en concevant un programme pluriannuel de mise aux normes des ouvrages et d'effacement des ouvrages sans usage mais perturbants le plus les cours d'eau classés. Enfin, l'Onema évaluera les bénéfices environnementaux de toutes ces actions. Les sommes allouées à ce programme ne sont pas encore précisées.
Outre la suppression ou l'aménagement des obstacles, une gestion plus douce des barrages est aussi un moyen de diminuer leur impact environnemental. En effet, les brusques variations de débit ont de fortes conséquences écologiques. Le débit passe parfois de quelques mètres cubes à plus de 150 m3 par seconde en quelques minutes : c'est « l'éclusée ». Celle-ci emporte les alevins vers l'aval et détruit les frayères. Inversement, quand le débit diminue fortement, les zones de reproduction des poissons, souvent sur le rebord des rivières, se retrouvent à sec et donc détruites. Enfin, lorsque le débit, trop élevé, entraîne la mise en eau de bras morts, les poissons se retrouvent piégés lors de la baisse du niveau. Certes, l'exploitant des centrales a des obligations, comme celle de préserver un débit minimum en aval du barrage. Ce « débit réservé » va d'ailleurs devenir plus strict dans le cadre de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques.