Le secteur de l'eau compte 140 000 emplois. Un peu moins de la moitié de ces postes (60 000) concernent directement les services publics d'eau et d'assainissement, répartis à part presque égale entre régie et délégation de service public. Les autres sont, d'une part, les activités réglementaires et, d'autre part, les activités des entreprises de construction.
UNE LARGE PALETTE DE QUALIFICATIONS
Ce chiffre est stable et même en progression pour l'assainissement non collectif qui crée environ 1 000 nouveaux emplois par an. Ces métiers « non délocalisables » souligne Pierre-Alain Roche, président de l'Astee, sont accessibles à une large palette de qualifications : « Aujourd'hui, l'attente vis-à-vis des métiers de l'environnement est forte, mais ils souffrent encore parfois d'une image dévalorisante à laquelle il faudra remédier. » Parmi ses recommandations, le rapport, publié en mai 2010, préconise donc de renforcer la lisibilité des métiers, d'adapter les formations initiales, de développer la formation professionnelle et d'améliorer l'image des métiers.
« Ces métiers de "ménageurs de la planète" remplissent une fonction sociale très noble, avec des enjeux environnementaux et de santé publique importants », poursuit Pierre-Alain Roche. Ainsi, les métiers de l'assainissement ne sont plus compris seulement comme une nécessité d'hygiène, mais ont une finalité de préservation de la ressource et de maintien de la biodiversité. L'exploitation des ouvrages requiert donc de comprendre et de mesurer l'impact des rejets sur le milieu naturel.
RÉPONDRE AUX NOUVEAUX BESOINS
Les exigences réglementaires renforcées et les demandes des usagers et de la société civile tirent ces métiers vers le haut. La mutation technologique est très forte, comme le montre la montée en puissance des systèmes d'information géographique (SIG) pour les réseaux d'eau et d'assainissement, le développement des analyses fines sur les micropolluants ou encore la gestion de maintenance assistée par ordinateur (GMAO) pour les usines d'eau et d'assainissement, couplée à des dispositifs de télégestion, etc. Les opérateurs de services sont ainsi confrontés à une évolution rapide et importante des techniques, entraînant un besoin de relèvement des niveaux d'embauche et la nécessité de former le personnel tout au long de sa carrière.
De nouveaux besoins sont apparus. La montée en puissance des obligations réglementaires en matière de sécurité et d'environnement entraîne l'apparition d'ingénieurs process et de responsables qualité, sécurité, environnement (QSE). De même, la mise en place d'indicateurs de performance appelle de nouvelles compétences et un besoin de formation du personnel.
DIFFUSER UNE CULTURE COMMUNE
Le rapport dégage des pistes de réflexion. Une des réponses à l'intégration du développement durable est le travail en transversalité. Les agents devront être à la fois très spécialisés pour utiliser des technologies de pointe, mais aussi capables d'approches pluridisciplinaires les amenant à aborder des sujets très éloignés de leur formation d'origine.
La communauté urbaine du Grand Nancy, par exemple, a créé un pôle ingénierie spécifique aux métiers transversaux : il regroupe les services d'ingénierie territoriale, d'écologie urbaine, de développement durable et d'ingénierie européenne (réalisation de projets européens) et vient en appui des services sur des questions spécifiques. Le but est de diffuser une culture commune pour la prise en compte du développement durable dans tous les projets.
DEUX TENDANCES CONTRADICTOIRES
Parallèlement et sur le même sujet, le comité de filière « eau, assainissement, déchets et air » (EADA), présidé par Thierry Chambolle de la commission environnement de l'Académie des technologies, a publié en décembre 2009 un rapport dans le cadre du plan de mobilisation des territoires et des filières sur le développement des métiers de la croissance verte. Selon ce rapport, l'activité de cette filière sera fortement touchée par le Grenelle de l'environnement, avec deux tendances contradictoires. D'une part, la recherche d'une meilleure maîtrise des flux (économies d'eau et de matières premières, réduction des déchets liquides, solides et gazeux) devrait conduire à une réduction progressive de l'activité principale (traitement des eaux usées, collecte et élimination des déchets par stockage ou incinération...). D'autre part, la prise en considération des déchets comme gisement des ressources naturelles (recyclage des eaux usées, valorisation des boues, réemploi ou recyclage des déchets) conduira au développement d'activités telles que la recherche des fuites, la lutte contre le gaspillage, la qualité de l'assainissement individuel, la mesure des flux et l'éducation des consommateurs.
Le rapport conclut à une réduction lente des activités basiques, largement compensée par de nouvelles activités plus qualifiées puisque les effectifs de la filière devraient s'accroître d'environ 40 000 postes d'ici à 2015. Actuellement, celle-ci se heurte à un net déséquilibre : 70 à 80 % des emplois sont de niveau BEP ou CAP, avec une nette prédominance masculine. Or, les jeunes se tournent majoritairement vers les formations de niveaux Bac et Bac + 2 axés sur l'environnement. Le comité propose donc de privilégier les partenariats entre les centres de formation et les entreprises et d'ajouter un bloc de compétences environnementales transverses, transférables d'un métier à l'autre.